La cellule de « dégrisement » du ministère des finances aurait connu un regain de déclarations suite à la publication des révélations concernant les sociétés offshore créées par la firme panaméenne Mossack Fonseca. | CHARLES PLATIAU / REUTERS

C’est la rançon du succès des « Panama papers ». Selon les informations d’Europe 1, que le ministère des finances a confirmées au Monde, après les révélations sur les sociétés offshore créées au Panama par Mossack Fonseca, la cellule de régularisation des exilés fiscaux a reçu tellement d’appels ces derniers jours qu’elle sera contrainte de renforcer son équipe, qui devrait passer de 159 à 209 agents à partir de juin.

Les « Panama papers » en trois points

  • Le Monde et 108 autres rédactions dans 76 pays, coordonnées par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), ont eu accès à une masse d’informations inédites qui jettent une lumière crue sur le monde opaque de la finance offshore et des paradis fiscaux.
  • Les 11,5 millions de fichiers proviennent des archives du cabinet panaméen Mossack Fonseca, spécialiste de la domiciliation de sociétés offshore, entre 1977 et 2015. Il s’agit de la plus grosse fuite d’informations jamais exploitée par des médias.
  • Les « Panama papers » révèlent qu’outre des milliers d’anonymes de nombreux chefs d’Etat, des milliardaires, des grands noms du sport, des célébrités ou des personnalités sous le coup de sanctions internationales ont recouru à des montages offshore pour dissimuler leurs actifs.

Toutefois, Bercy affirme que cette hausse d’effectifs avait été décidée avant la publication des « Panama papers », ces révélations concernant les sociétés offshore créées par la firme panaméenne Mossack Fonseca.

Autre chiffre cité par Europe 1 : si le nombre d’appels à la cellule a explosé, seuls trois dossiers auraient été complétés pour l’instant. Cela peut paraître faible mais ce chiffre s’explique plusieurs facteurs, selon Bercy. D’une part, une semaine seulement s’est écoulée depuis la publication des « Panama papers ». D’autre part, il faut du temps pour constituer son dossier : depuis la circulaire Cazeneuve en juin 2013, les dossiers anonymes ne sont plus acceptés, alors qu’auparavant, on pouvait se signaler sans dévoiler son identité pour avoir une estimation des pénalités qui en découleraient.

Toutes les personnes concernées par un dossier de régularisation doivent donc se mettre d’accord (même s’il est toléré de constituer une sorte de prédossier comprenant uniquement le nom des clients et celui de la banque, pour arguer d’une procédure déjà engagée). Car selon nos calculs, une société est créée en moyenne pour 3 à 4 personnes. Les entretiens menés avec une trentaine d’évadés fiscaux montrent qu’il s’agit dans ces cas-là d’histoires familiales d’héritage et de succession.

Un contenu de cette page n'est pas adapté au format mobile

Une inflation des effectifs déjà engagée

Où en sont aujourd’hui les moyens de la régularisation ? Les effectifs qui en sont chargés connaissent une inflation à la mesure du succès de la « cellule de dégrisement », mise en place en 2009 par le ministre des finances, Eric Woerth, pour régulariser la situation des fraudeurs fiscaux.

Il faut préciser que cette cellule ne traite que les dossiers présentés sur la base de démarches volontaires. Les autres sont traités par d’autres services du fisc et, in fine, par la justice.

La cellule de dégrisement de Bercy, combien de divisions ? | LeMonde.fr

Le bilan 2015 de cette cellule, qui répond au petit nom de Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), mentionne en effet un doublement du nombre d’inspecteurs. Les effectifs ont été portés à 56 inspecteurs en 2015, alors que le fonctionnement avait été imaginé à l’origine avec vingt personnes. Si l’on ajoute les agents d’encadrement et de support, 88 personnes ont été affectées au STDR.

Depuis juin 2015, sept pôles interrégionaux ont été créés à Paris, Vanves, Saint-Germain-en-Laye, Strasbourg, Bordeaux, Lyon et Marseille, pour traiter des dossiers inférieurs à 600 000 euros.

Quel est l’effet des « Panama papers » ?

Comme nous l’avons plusieurs fois annoncé, Le Monde ne fournira aucune donnée personnelle sur les noms français apparaissant dans les « Panama papers ». La majorité des clients de Mossack Fonseca est constituée d’anonymes : concernant les adresses françaises, il s’agit de 95 % de la liste.

Mais, par ailleurs, le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), qui a coordonné l’enquête, a annoncé qu’il publierait la liste de tous les noms des sociétés créées et ceux de leurs propriétaires légaux fin mai. Ll’ICIJ et les médias partenaires de WikiLeaks avaient utilisé le même procédé lors des révélations dites du « Cablegate » sur les câbles diplomatiques américains, ainsi que sur les précédentes révélations « Offshore Leaks », afin de donner les moyens de continuer l’enquête à un niveau plus large que celui du consortium.

Les « propriétaires légaux » des sociétés offshore sont souvent des prête-noms mais pas toujours : rares sont les Français « moyens » à avoir pris la précaution de se cacher derrière un tel écran. Ils apparaissent le plus souvent en tant que bénéficiaires de la société créée pour eux et leur famille. Plusieurs d’entre eux ont contacté Le Monde pour indiquer qu’ils avaient entamé une procédure de régularisation.

« Panama papers », une lumière crue sur l’opacité des paradis fiscaux
Durée : 01:48