Autant de pesticides dans l’air à Paris qu’à la campagne
Autant de pesticides dans l’air à Paris qu’à la campagne
Par Olivier Levrault
L’association Airparif a mesuré durant une année les concentrations de pesticides en Ile-de-France, en milieu agricole et urbain.
Une partie importante des molécules trouvées à Paris est en effet des herbicides, utilisés par les agriculteurs franciliens, venant s’ajouter aux autres pollutions. | Thibault Camus / AP
Les pesticides ne s’arrêtent pas au périphérique parisien. Tant en milieu urbain que rural, on trouve dans l’air francilien des pesticides de différentes natures. C’est ce que montre une étude d’Airparif, l’Observatoire de l’air en Ile-de-France, qui a relevé la présence de 48 molécules sur 171 recherchées.
« On remarque quasiment le même nombre de pesticides en ville qu’en zone rurale (36 contre 38), indique Frédéric Bouvier, directeur d’Airparif. Mais leur nature varie d’un milieu à l’autre. » En milieu rural agricole, on trouve davantage d’herbicides. En ville, les insecticides et les acaricides sont plus spécifiquement présents.
Si l’usage de pesticides en zone rurale est essentiellement du à l’épandage sur les cultures agricoles, leur présence en milieu urbain s’explique par un phénomène de volatilisation. Une partie importante des molécules trouvées à Paris est en effet des herbicides, utilisés par les agriculteurs franciliens.
Des pesticides interdits détectés
L’étude d’Airparif, menée pendant un an en 2014, utilise des données recueillies par deux sites : à Paris, dans le 18e arrondissement, et à Bois-Herpin, dans l’Essonne, en zone rurale agricole. En s’appuyant sur les résultats comparables avec une précédente étude d’Airparif effectuée au printemps 2006, les scientifiques ont cependant observé une diminution du nombre de substances en zone rurale (21 en 2014 contre 29 en 2006) et une stagnation en zone urbaine, où 19 produits ont été détectés. Une baisse importante de la concentration des pesticides a été relevée sur les deux sites. 70 % de teneur en moins en zone agricole et 75 % à Paris.
Un seul produit est en augmentation : le métolachlore, un herbicide deux fois plus utilisé en 2014 qu’en 2006. « Cette hausse est due à l’interdiction de plusieurs autres herbicides depuis 2006, précise Pierre Pernot, ingénieur spécialiste des pesticides à Airparif. Et malgré ces interdictions, on retrouve toujours dans l’air de nombreux produits interdits. » Quinze produits phytosanitaires interdits ont été détectés en 2014.
Ces substances ont davantage été relevées en ville (52 détections), qu’en milieu rural (14 détections). « Cette différence s’explique notamment par l’utilisation et le stockage, par des particuliers, de produits désormais interdits à la vente », explique M. Pernot. Autre explication : lorsqu’un produit n’est plus utilisé, il continue à être stocké dans le sol et peut se retrouver dans l’air, par effet de revolatilisation.
171 molécules recherchées sur 1 000 utilisées
Comprendre les problèmes posés par les pesticides en 5 minutes
Durée : 05:15
Rappelant les effets toxiques et nocifs pour la santé de ces produits, alors qu’« il n’existe toujours pas de réglementation dans l’air de ces produits, ni de dispositif de surveillance », Jean-Félix Bernard, président d’Airparif, précise les limites de l’étude : « Il s’agit d’une photographie informative de l’état de l’air, en ville et en milieu rural. On ne peut pas qualifier précisément, par manque de moyens humains et financiers, l’exposition exacte et sur tout le territoire des Français aux pesticides. »
En outre l’étude n’a concentré ses recherches que sur la présence dans l’air de 171 molécules, alors qu’environ un millier de pesticides sont utilisés en France. Par exemple, le glyphosate, molécule classée cancérogène probable par le CIRC en mars 2015 qui pourrait être réautorisée par Bruxelles, n’était pas recherché par Airparif. « Schématiquement, si nous voulions chercher le glyphosate, il aurait fallu doubler tous les processus, explique M. Pernod. C’était soit le glyphosate, soit les 171 autres molécules. Le choix était vite fait. Surtout que d’autres études démontrent que le glyphosate n’est pas, ou très peu, présent dans l’air. »
Airparif rappelle également que cette étude concerne uniquement l’air, et que de nouvelles molécules peuvent se retrouver ailleurs, dans notre eau, dans nos aliments.