Ce que propose la réforme pour une « justice du XXIe siècle »
Ce que propose la réforme pour une « justice du XXIe siècle »
Le Monde.fr avec AFP
Divorce sans passage devant le juge, pacs confiés aux maires ou suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs... La dernière réforme judiciaire du quinquennat est présentée mardi à l’Assemblée nationale.
Le ministre de la justice Jean-Jacques Urvoas, à l’Assemblé le 1er mars. | ALAIN JOCARD/AFP
Divorcer sans passer devant le juge, simplifier le changement d’état civil des personnes transgenres et transsexuelles ou supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs : le projet de loi sur la « justice du XXIe siècle » est aussi vaste qu’hétéroclite. Les députés se saisissent mardi 17 mai de la dernière réforme judiciaire du quinquennat, portée par le ministre de la justice Jean-Jacques Urvoas.
Les principaux changements :
- Divorce par consentement mutuel sans passage devant un juge
- Pacs et changements de prénom confiés aux maires
- Faciliter le changement de sexe à l’état civil
- Les personnes surendettées entre les mains de la Banque de France
- Suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs créés par la droite
- Renforcer le juge des libertés et de la détention
- Abandon de la collégialité systématique de l’instruction
- Nouvelles pénalités pour certains délits routiers
- Fusion de juridictions et actions de groupe facilitées
- Transparence des magistrats
Divorces par consentement mutuel sans passage devant un juge
Divorce : un notaire peut-il vraiment remplacer un juge ?
Durée : 05:07
Sans doute la mesure la plus médiatique : prenant acte du fait que 54 % des divorces en France se font par consentement mutuel, le gouvernement veut qu’ils puissent être prononcés sans passage devant le juge.
Concrètement, lorsque les deux époux se seront mis d’accord sur les modalités de leur rupture, l’accord, contresigné par l’avocat de chacune des deux parties, sera enregistré chez un notaire. La procédure ne pourra toutefois pas s’appliquer si un mineur demande à être entendu par le juge, et les époux auront un temps de réflexion de quinze jours avant la signature du divorce.
Le gouvernement explique que ce changement répond en partie aux critiques adressées à des procédures judiciaires considérées comme complexes, longues et coûteuses. En réponse à ceux ayant formulé des inquiétudes sur le fait de « passer d’un juge gratuit à un notaire payant », M. Urvoas a assuré qu’il n’y avait « pas de risque de voir le coût du divorce exploser », car l’enregistrement de l’acte « sera fixé à environ 50 euros ».
Pacs et changements de prénom confiés aux maires
Le gouvernement veut confier aux maires, officiers d’état civil, la procédure du pacs (pacte civil de solidarité). C’était le projet d’origine avant sa création en 1999, mais face à une polémique sur une éventuelle confusion avec le mariage, le pacs avait été confié aux greffes, concurremment avec les notaires.
Les maires pourront également autoriser les changements de prénom, soit près de 2 700 demandes par an, refusées dans seulement 6,7 % des cas selon le ministère de la justice.
Faciliter le changement de sexe à l’état civil
Ce n’est pas une initiative du gouvernement, mais un amendement socialiste prévoit de simplifier le changement de sexe à l’état civil pour les personnes transsexuelles et transgenres. Pour l’autoriser, certains tribunaux se basent encore sur des critères médicaux, comme la stérilité. L’amendement propose que la personne concernée aille devant un procureur pour « démontrer qu’elle se sent d’un autre sexe et que la société la regarde comme telle ».
Les personnes surendettées entre les mains de la Banque de France
Jusqu’ici les plans de surendettement, pour rééchelonner et effacer des dettes, doivent être soumis à un juge, alors même qu’ils sont déjà, dans 98 % des cas, validés par la Banque de France. Le gouvernement veut supprimer l’étape judiciaire.
Suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs créés par la droite
Le projet de loi prévoit de supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs. Ces tribunaux – à ne pas confondre avec les tribunaux pour enfants (TPE) – instaurés en janvier 2012 sous Nicolas Sarkozy, sont destinés à juger les mineurs de plus de 16 ans pour des délits passibles d’une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement.
L’idée était de contourner les juges pour enfants, accusés de laxisme par la droite. En pratique, ces tribunaux ne traitent que 1 % des contentieux impliquant des adolescents. Ils ajoutent également de la lourdeur à la machine judiciaire et s’avèrent moins sévères que les juges pour enfants qui connaissent mieux les mineurs pour les avoir suivis.
Renforcer le juge des libertés et de la détention
Le ministre Jean-Jacques Urvoas veut renforcer le juge des libertés et de la détention (JLD), qui veille au respect des droits des personnes sur lesquelles on enquête. Le JLD devrait être nommé par décret en conseil des ministres, comme le juge d’instruction. Le but est de conférer un statut protecteur à ce magistrat, dont le rôle est devenu central dans l’institution judiciaire.
Le JLD est aujourd’hui sollicité aussi bien pour autoriser des écoutes judiciaires ou des perquisitions dans le cadre d’enquêtes de police, que des hospitalisations psychiatriques sans consentement ou le maintien des étrangers entrés illégalement en France dans les zones d’attente dans les aéroports.
Comme garantie en matière de protection des libertés publiques dans la loi post-état d’urgence sur le terrorisme et la procédure pénale, toutes les nouvelles mesures à la disposition du parquet (perquisitions de nuit, matériel d’espionnage téléphonique, etc.) devront être autorisées par le JLD avant leur mise en œuvre.
Abandon de la collégialité systématique de l’instruction
L’affaire d’Outreau avait conduit en 2007 à l’adoption d’une loi exigeant une « collégialité de l’instruction obligatoire et systématique ». Impossible pour des raisons de moyens et donc de personnel, répond le ministère de la justice. Il propose à la place de convoquer un collège de trois juges uniquement pour les décisions « essentielles ».
Nouvelles pénalités pour certains délits routiers
Christiane Taubira avait tenté de simplifier les procédures concernant la conduite sans permis et sans assurance, mais avait renoncé face à la vive inquiétude des associations de sécurité routière. Son successeur revient à la charge. La conduite sans permis ou assurance sera sanctionnée par des « amendes forfaitaires » d’au moins 500 euros. En cas de récidive ou si d’autres infractions se cumulent, les conducteurs devront passer devant le tribunal.
Sont aussi créés : un « dispositif d’anti-démarrage par éthylotest électronique » pour les personnes sous contrôle judiciaire ou en sursis avec mise à l’épreuve ; un « délit spécifique » pour la conduite avec un faux permis, passible de cinq ans d’emprisonnement ; et la possibilité de verbaliser sur la base d’images vidéos pour certaines infractions (défaut de port de casque ou ceinture, excès de vitesse, feu rouge grillé).
Fusion de juridictions et actions de groupe facilitées
Le gouvernement veut fusionner les tribunaux des affaires de sécurité sociale (100 000 affaires traitées en 2012) et ceux de l’incapacité (42 500 affaires).
Autre promesse : faciliter les actions de groupe de personnes lésées dans les domaines de la santé, des discriminations, de l’environnement et des données personnelles. Ces actions seront pilotées par des associations agréées. Pour les petits litiges (montants inférieurs à 4 000 euros), le gouvernement encouragera la conciliation.
Transparence des magistrats
Tous les magistrats devront transmettre des déclarations d’intérêt, avec des déclarations de patrimoine pour les chefs de juridiction. Les membres du Conseil constitutionnel devront pour leur part remplir les deux déclarations.