42 % des masters sont désormais sélectifs. | ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

La sélection des étudiants en master entre la première et la deuxième année a été officiellement autorisée dans 42 % des formations bac +5 à l’université, pour la rentrée 2016. Mais la liste récemment publiée ne devrait pas, à court terme, changer grand-chose sur le terrain, car des modalités de « recrutement » existaient souvent déjà à l’entrée en deuxième année (master 2). Comment s’y prendre pour choisir son cursus et augmenter ses chances d’être admis ? Le Monde Campus vous aide à y voir plus clair avec les conseils de spécialistes, et d’étudiants passés par là, qui ont répondu à notre appel à témoignages.

  • Quels « prérequis » les formations peuvent-elles demander ?

Psychologie, droit, finance, ingénierie, etc. : les modalités de sélection varient selon les universités, les spécialités, voire les intitulés de masters puisque ce sont, in fine, les responsables de chaque formation qui établissent les « prérequis » ou les épreuves à passer pour y entrer. En plus d’examens, tests ou concours possibles, ainsi que du traditionnel « Lettre de motivation + CV », « on pourra vous demander, entre autres, d’avoir obtenu une mention à la licence, ou une expérience professionnelle dans le secteur d’activité vers lequel la formation est supposée vous amener, une lettre de recommandation, ou encore une fiche d’évaluation de stage », commente Fabienne Cruciani, chargée d’orientation à l’université Aix-Marseille.

Un niveau minimum en langue peut aussi être exigé, de même que le suivi d’un cours particulier en M1. Le récent décret qui contient la liste des masters sélectifs valide d’ailleurs que l’inscription d’un étudiant venant d’une autre mention de master 1, ou d’une autre université, puisse être subordonnée à la vérification « que les unités d’enseignement déjà acquises dans [sa formation] d’origine sont de nature à permettre [à l’étudiant] de poursuivre sa formation en vue de l’obtention du diplôme de master ».

  • Cours, insertion professionnelle, critères de sélection, etc. : où se renseigner sur les formations ?

La conférence des présidents d’universités (CPU) prévoit pour la fin de l’année 2016 la mise en ligne d’un portail « masters » qui répertoriera l’ensemble des formations de niveau bac +4 et bac +5 avec toutes ces informations. En attendant, les étudiants ont à leur disposition différents outils. La plupart des universités sont dotées d’un observatoire de la vie étudiante ou de la vie universitaire, qui réalise chaque année une enquête sur l’insertion professionnelle de ses diplômés. Un bon point de départ pour se renseigner sur leur devenir, et ainsi voir les formations qui « méritent » la sélection qu’elles ont mise en place.

« Les étudiants peuvent aussi aller regarder les rapports d’évaluation du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur », propose Fabienne Cruciani. Le HCERES est l’autorité administrative chargée d’évaluer le contenu des formations reconnues par l’Etat. Ne pas hésiter, aussi, à appeler les secrétariats de chaque formation, qui pourront vous donner les détails de la sélection, sa maquette pédagogique et, lorsqu’il existe, l’annuaire des anciens. Ou même à rencontrer leurs responsables pédagogiques, dans la mesure du possible.

  • Ne vous censurez pas.

Après avoir sélectionné le ou les masters qui vous intéresse, et visualisé le chemin qu’il reste à parcourir pour y entrer, ne vous découragez pas. Diplômé d’un master sélectif de droit à Montpellier et aujourd’hui élève avocat, Ali, 26 ans, rappelle que « vous valez mieux que vous le pensez ! Croyez en vous et valorisez vos compétences » ! Mais quelles compétences ? Pas toujours facile de savoir. Lui-même ayant été confronté à des « discours défaitistes », il conseille : « Si un master vous intéresse, ne vous autocensurez pas. » Car « langues, expériences, qualités intrinsèques, etc. » sont des compétences « parfois inconnues des étudiants eux-mêmes ».

Valorisez-les dans votre lettre de motivation et/ou lors de l’entretien. Il s’agit justement de mettre en adéquation vos compétences, même les plus informelles, avec votre parcours et vos motivations pour entrer dans « ce » master plutôt qu’un autre. « Si vous restez dans un cadre d’étudiant “idéal type”, vous ne ressortirez pas du lot, complète Téo Artis, étudiant poitevin de 23 ans passé par un master de documentation sélectif. Affirmez votre personnalité, vos passions, aussi exotiques soient-elles. […] Soyez naturels. »

  • Gonflez votre CV… avec de vraies expériences

Le CV pour entrer dans un master sélectif doit être différent que celui que vous rédigeriez pour trouver un stage ou un emploi. Il doit montrer au responsable de formation le fil conducteur de votre parcours, qui vous emmène naturellement vers lui. « L’idéal est d’avoir une expérience pratique, bénévole ou associative par exemple, explique Téo, en lien avec la formation que vous visez », afin de montrer, encore une fois, que ce n’est « en aucun cas une candidature par défaut ». Ces expériences ne devront pas être placées, dans le CV, dans la rubrique « divers » mais valorisées, et hiérarchisées selon l’importance qu’elles ont eue pour vous. Ou selon votre capacité à les défendre dans l’explication de votre parcours.

Gonflez votre CV donc, mais sans inventer. Aujourd’hui en fin de master 2 « Droit public de l’économie », Hugues de Saint-Pierre commente : « La sélection en M2 est forcément inquiétante après des années où l’obtention de la moyenne suffisait à passer au niveau supérieur. » Pour enrichir son dossier, pas seulement académique, il avait donc « multiplié les stages pendant les vacances d’été et même durant l’année précédente, en parallèle des cours. Mais aussi passé son test d’anglais TOEIC pour valider [son] anglais ». Ces petits « plus » peuvent être valorisés dans votre CV, non linéaire, par des « zooms » (rectangle, bulle, etc.) qui les détacheront du reste.

  • Multipliez vos chances !

« Nous conseillons aux étudiants qui viennent nous rencontrer de candidater à plusieurs masters 2, pour multiplier leurs chances », explique la conseillère Fabienne Cruciani. Mais attention, lorsque vous postulez à plusieurs masters sélectifs d’un même établissement (maximum trois le plus souvent), votre projet doit être le plus « cohérent » possible car les différents responsables de master seront probablement au courant de vos diverses candidatures. Il faudra défendre ce choix multiple.

Etre mobile devrait aussi vous aider. Droit de l’urbanisme, droit fiscal, des assurances ou du sport, etc., « les mêmes spécialités se retrouvent dans plusieurs universités », explique Fabienne Cruciani. Plus les étudiants postulent, plus ils auront des chances d’être admis quelque part, car aucune limite n’est fixée nationalement. Le site Diplodata pourra vous aider. Développé par l’université de Bourgogne, il répertorie sur le territoire national les diplômes par grands domaines de formation. Sachez tout de même que le décret autorise les universités à se montrer plus sélectives avec les étudiants venus d’autres établissements.

  • Et si aucune de vos candidatures n’aboutit…

« Nous invitons nos élèves à avoir des plans a, b, c, d, même e, au cas où ils ne seraient pas pris », explique une conseillère d’orientation et d’insertion, responsable d’un atelier de coaching pour les étudiants concernés. « Nous leur conseillons en premier lieu l’année de césure », complète-elle. Mais pas n’importe laquelle : « Une césure organisée avec la composante universitaire, avec, par exemple une convention de stage pour mettre un pied dans le monde professionnel. »

Une année de césure pour renforcer sa motivation, son CV et ses expériences en attendant la prochaine sélection : l’idée est intéressante. Reste que l’année de césure, dont la généralisation était l’un des engagements du François Hollande au printemps 2015, a pour l’instant du mal à se mettre en place dans les universités.

Stage, emplois, nouveau master 1, expérience associative ou humanitaire, etc. : dans les – nombreuses – universités où cette année de césure n’est pas encore facilitée, les étudiants voulant retenter leur chance devront se débrouiller, pour ne « surtout pas avoir de trou dans leur CV pendant un an », prévient cette même conseillère.