De gauche à droite : le Président de la banque mondiale, Jom Yong Kim ; Sarah Chayes ; le secrétaire d’Etat américain John Kerry ; le Premier ministre britannique David Cameron et le Président du Nigéria Muhammadu Buhari, au sommet anti-corruption de Londres. | POOL / REUTERS

« La corruption est le cancer qui sévit au cœur de tant de problèmes du monde », considérait David Cameron mercredi 10 mai, dans une tribune publiée sur le site du Guardian. Le premier ministre britannique, à peine un mois après avoir été pris dans le feu des « Panama papers », organisait jeudi 12 mai le premier sommet mondial anticorruption, à Londres.

Le but affiché : faire signer aux dirigeants des cinquante-trois pays présents la « toute première déclaration mondiale contre la corruption » et enclencher une collaboration internationale plus ferme contre l’argent sale. Comme pour venir appuyer la démarche de M. Cameron, le FMI a affirmé, dans un rapport publié mercredi, que 2 % de la richesse mondiale s’évaporent chaque année dans la fraude fiscale et la corruption.

Qui calcule l’état de la corruption dans le monde ?

Aujourd’hui, « plus de 6 milliards de personnes vivent dans un pays avec de sérieux problèmes de corruption », juge Transparency International. Cette ONG basée à Berlin, créée en 1993, est devenue la référence mondiale en termes de chiffrement et d’évaluation de l’état de la corruption dans le monde.

Revendiquant plus de cent bureaux répartis sur le globe, Transparency International définit la corruption comme « l’abus d’un pouvoir confisqué pour des gains privés » et divise la corruption en trois types. La « grande corruption », constituée par des actes « commis à un haut niveau de gouvernement » ; la « petite corruption », c’est-à-dire les actes de trafic d’influence et d’abus commis au quotidien ; et la « corruption politique », qui est une « manipulation des politiques, des institutions et des règles dans l’allocation des ressources et des financements par les décideurs politiques ».

Comment l’ONG établit-elle sa liste des pays les plus corrompus ?

Transparency International est surtout reconnue pour publier, chaque année depuis 1995, un « indice de perception de la corruption » dans le monde. C’est bien une « perception » fondée sur un corpus de données publiées et non pas sur un chiffre certain et absolu, puisque la corruption, par essence, « comprend généralement des activités illégales, qui sont délibérément dissimulées et ne sont révélées qu’à travers des scandales, des enquêtes et des poursuites judiciaires ». Le compte rendu réalisé par l’ONG n’est donc certainement pas exhaustif sur l’état de la corruption dans le monde.

Transparency International fait de ces données une carte, où chaque pays est doté d’un score (de 0 pour les plus corrompus à 100 pour les pays les plus éthiques) et d’un rang : plus le pays a un rang élevé, plus il serait corrompu, selon l’ONG.

Comment donc l’ONG établit-elle son indice ? Pour l’édition 2015, douze sources de données différentes furent utilisées :

  • Notations de la gouvernance - Banque africaine de développement - 2014
  • Indicateurs de gouvernance durable - Fondation Bertelsmann - 2015
  • Indice de transformation - Fondation Bertelsmann - 2016
  • Notations des risques pays 2015 - Economist Intelligence Unit
  • Rapport sur les nations en transition - Freedom House - 2015
  • Notations des risques pays 2014 - Global Insight
  • Rapport annuel sur la compétitivité - IMD - 2015
  • Analyse des pays asiatiques - Political and Economic Risk Consultancy - 2015
  • Guide international des risques pays 2015 - Political Risk Services
  • Evaluation des performances politiques et institutionnelles des pays - Banque mondiale - 2014
  • Enquête d’opinion auprès des cadres dirigeants - Forum économique mondial - 2015
  • Indice de l’Etat de droit - Projet de justice mondiale - 2015

Quelles sont les limites de l’étude de Transparency International ?

Les sources de l’ONG sont donc des organisations et des institutions privées, « indépendantes » et « spécialisées dans l’analyse de la gouvernance et du climat des affaires », note Transparency. Ce sont en réalité des think tanks ou des entreprises, à l’image de la Fondation Bertelsmann, principal groupe de presse allemand, notamment propriétaire du groupe RTL ou actionnaire majoritaire de Prisma Media.

Si l’on prend, par exemple, les « indicateurs de gouvernance durable » publiés par cette fondation, qu’ont-ils apporté à l’étude de Transparency International ? L’ONG note : « Les Indicateurs de gouvernance durable (SGI) examinent la gouvernance et les processus de décision dans tous les Etats membres de l’OCDE et de l’Union européenne, dans l’objectif d’évaluer le besoin de réformes de chacun de ces pays et leur capacité à les mettre en œuvre. »

S’agissant de la corruption, Transparency International s’empare des réponses à une question étudiée par la Fondation : « Existe-t-il des mesures empêchant les titulaires de charge publique d’abuser de leur position pour leur profit personnel ? » La Fondation Berstelmann dépêche des « experts » dans les 41 pays de l’OCDE, chargés de donner une note entre 1 et 10 à chaque pays. Les chiffres 1 et 2, les plus faibles, indiquent que « les titulaires de charge publique peuvent exploiter leur position pour leur profit personnel sans craindre de conséquences juridiques ou de publicité négative ». Et inversement pour les notes les plus élevées.

Une fois récupérées, ces données sont triées et standardisées sur une échelle de 0 à 100, c’est-à-dire l’échelle de Transparency International. Comme on le voit avec les indicateurs de gouvernance durable, chaque source ne recouvre pas nécessairement l’ensemble du globe Pour qu’un pays figure dans le CPI, il faut donc que trois sources au minimum aient évalué son niveau de corruption. Transparency calcule alors une note moyenne pour chaque pays, arrondie à un nombre entier.

Quels changements en 2015 ?

Cette année, la France gagne trois places et se situe au 23e rang sur 168. Pour autant, l’indice du pays a peu évolué ces dernières années : il atteint 70 en 2015, tandis qu’il était de 69 en 2014 et 71 en 2013.

Parmi les pays les moins corrompus, selon l’indice de Transparency, on trouve la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, la Norvège, la Suisse, Singapour ou le Canada, avec des scores supérieurs à 80.

En revanche, l’ONG note que « deux tiers des 168 pays évalués par l’indice 2015 obtiennent une note inférieure à 50 ». Le Brésil est le pays qui a enregistré la plus forte baisse, avec une chute de cinq points et sept places perdues, puisqu’il occupe désormais la 76e place du classement.