Quand étudiants et salariés se mettent au service des associations
Quand étudiants et salariés se mettent au service des associations
Par Séverin Graveleau
Dans le cadre des « campus Probono », étudiants et salariés mutualisent bénévolement leurs compétences, pour aider des associations.
Au centre, Elsa Bouneau, présidente de la Fédération du scoutisme français.
« Et pourquoi pas une campagne “d’endorsment” où une personnalité connue parle de son passé scout ? », propose un étudiant. Ou bien « un “poste d’action” [une tâche précise dans une patrouille de scouts] de community management pour être plus présent sur les réseaux sociaux ? », avance une professionnelle de la communication. S’ils ne maîtrisent pas encore tout à fait le vocabulaire de la communication et du marketing, les trois membres de la fédération Scoutisme français (regroupement des cinq organisations scoutes religieuses et laïque) notent minutieusement les idées les plus intéressantes.
Pour une journée, une dizaine d’étudiants de Sciences Po Paris, ainsi que des professionnels de la communication et du marketing, tous volontaires, sont à leur service. Leur mission, gratuite : définir le plan de communication du scoutisme français à l’horizon 2018. Rien que ça.
Conseil gratuit aux associations
Au centre de la petite salle de cours de la rue Saint-Guillaume, à la fois animateur et force de proposition, Antoine Colonna est là pour créer du lien, et « faire travailler ensemble des profils bien différents », autour d’une cause commune. Autour du « pro bono », plus exactement, abréviation de pro bono publico (« pour le bien public ») – que l’on retrouve dans le nom de l’association, Pro bono lab, qu’il a cofondé avec deux camarades de HEC en 2011. Son principe ? « Fournir gratuitement à des associations – moins de 50 salariés – qui n’ont pas les moyens de se payer les services de professionnels les compétences dont elles ont besoin » pour leur développement (stratégie, communication, marketing, finance, etc.).
Et pour cela, faire appel, le temps d’un « marathon Probono », aux salariés d’une entreprise partenaire, ou de volontaires sélectionnés, ayant tous ces compétences. Ainsi qu’aux étudiants d’une école qui forme à ces compétences. On parle alors comme aujourd’hui d’un « campus Probono ». Car l’objectif de l’association est aussi de sensibiliser les étudiants et jeunes diplômés au pro bono et plus largement l’ensemble de la société. Elle réalise d’ailleurs dans ce cadre depuis le début de l’année une enquête auprès des étudiants.
Mécénat de compétences
Pendant que les participants à la journée réfléchissent à des « outils concrets » destinés à « dépoussiérer » la communication du scoutisme français et ainsi relancer le recrutement de jeunes bénévoles pouvant encadrer louveteaux et autres éclaireurs, Antoine décrit le « gagnant-gagnant » de ce pro bono qu’il a étudié aux Etats-Unis. Dans le cadre de ce mécénat de compétences, « l’entreprise [et quelques fois la collectivité publique] qui finance la journée [entre 3 000 et 5 000 euros], travaille sa visibilité et son image auprès des différents acteurs, ainsi que la cohésion de ses salariés mobilisés ».
Le remue-méninges d’aujourd’hui sur le scoutisme, qui alterne réflexion collective et travail thématique par petits groupes mixtes, est payé par la mairie de Paris. Et les professionnels du marketing et de la communication présents sont venus à titre individuel, bénévolement. Mais dans deux autres salles attenantes à la cour carrée de la grande école parisienne, deux ateliers du même type sont organisés avec le concours financier et salarial d’une grande entreprise française de travaux publics. Une association de lutte contre la violence et le harcèlement scolaire, ainsi qu’une autre accompagnant les femmes séropositives en sont les bénéficiaires. Là encore, des étudiants de Sciences Po, mais aussi de l’école d’ingénieur Centrale Supélec.
Opportunités de recrutement
Selon Antoine Colonna, l’initiative permet aussi, pour l’entreprise et les professionnels, « de créer des opportunités de recrutement en ayant un contact qualitatif unique, pendant une journée, avec des étudiants qu’elle voit à l’action ». L’occasion pour ces futurs diplômés en communication, en finance ou en relations internationales, de s’inscrire à ces sessions de formation pour « pousser un CV » auprès d’un potentiel employeur ? « Ce n’est pas leur première motivation », affirme Philippe Lesur, étudiant de 20 ans membre de Junior consulting Sciences Po, la junior entreprise de l’école qui coorganise l’événement.
Un « plan de com » clé en main est remis à l’association à la fin de la journée. | Séverin Graveleau
Sur le tableau installé au fond de la pièce, c’est lui qui note les idées-forces sur lesquelles va reposer « le plan de com » clé en main remis à l’association à la fin de la journée. Celui-ci devra nécessairement prendre en compte le « budget zéro euro en communication » de l’association du jour. « L’expérience nous permet de découvrir les problématiques des associations, de sortir de la théorie des cours pour se mesurer à des cas pratiques, et ainsi développer notre esprit de synthèse et d’analyse », estime-t-il.
« Et l’impression de se sentir utile », commente de façon plus spontanée Christophe Ly, étudiant de 21 ans en 4e année de sécurité internationale qui a choisi de passer la journée ici, « malgré des examens demain ». « Je me dirige vers la défense ou vers des organismes internationaux de type OTAN. Ce contact avec des associations qui ont un impact social me permet de ne pas être déconnecté du réel », explique-t-il alors que les trois autres membres de son groupe continuent de réfléchir à une stratégie pour « accrocher » les « 18-30 ans qui connaissent déjà le scoutisme ».
Des « idées d’une simplicité évidente »…
Christophe est arrivé avec « son regard extérieur et ses préjugés sur le scoutisme, sans doute aussi utiles », mais aussi son « expérience passée de communicant dans une start-up ». Un « regard extérieur bienvenu pour nous aider à évoluer », se félicite François Mandil, des Scouts et guides de France. « Les étudiants se sont très vite approprié nos problématiques, explique-t-il. Certaines de leurs propositions, comme cette campagne virale sur les réseaux sociaux, sont finalement d’une simplicité évidente… mais on n’y avait pas pensé. Ou pas de cette manière. » Du côté des pros, à côté de lui, Virginie de Romand est chargée de communication. Elle loue « une certaine manière de réfléchir des étudiants de Sciences Po, très cadrée, et très efficace ».
Au second plan, Virginie de Romand, chargée de communication, et François Mandil, des Scouts et guides de France. | Séverin Graveleau
« Quand on fait réfléchir dix personnes ensemble, c’est autant de cerveaux et de compétences qui travaillent conjointement », se réjouit Elsa Bouneau, présidente de la Fédération du scoutisme français. Un apport enrichi par la « créativité », la « jeunesse » et les « outils et approches différents » de ces étudiants.