Une « clause d’impact jeunesse », pour que la loi n’oublie pas de penser aux jeunes
Une « clause d’impact jeunesse », pour que la loi n’oublie pas de penser aux jeunes
Par Elodie Chermann
Le 2 mai, le premier ministre, Manuel Valls, a signé une circulaire pour obliger les pouvoirs publics à étudier systématiquement l’impact des projets de loi et de textes réglementaires sur les 16-25 ans.
D’après une étude de l’Institut de sondages Ifop commandée par l'Anacej, plus de 80% des 18-25 ans se disent mécontents de la politique de François Hollande (Photo: jeunes manifestant contre la loi travail à Lyon, le 28 avril). | ROBERT PRATTA / REUTERS
Il y a de la campagne présidentielle dans l’air ! Après avoir promis en 2012 de faire de la jeunesse la priorité de son mandat, François Hollande se décide enfin à passer à l’action !
Parmi les principales mesures annoncées en fanfare ces dernières semaines : l’extension de la garantie jeunes, un dispositif destiné à épauler, dans leur recherche d’emploi et de formation, les 18-25 ans qui ne sont ni en cycle d’études ni en formation, et dont les ressources ne dépassent pas le plafond du revenu de solidarité active (RSA) ; une revalorisation de la rémunération et des droits des apprentis ; la prolongation pendant quatre mois des bourses accordées aux jeunes d’origine modeste, après obtention de leur diplôme, ou encore une taxation plus lourde des CDD destinée à favoriser l’embauche en CDI.
Mais ce n’est pas tout ! Lundi 2 mai, à la veille de l’examen du projet de loi travail à l’Assemblée nationale, le premier ministre a signé une circulaire entérinant la création d’une « clause d’impact jeunesse » à l’instar de la clause d’impact handicap, égalité hommes-femmes ou environnement.
« Depuis la loi organique du 15 avril 2009, tout projet de loi doit être accompagné d’une étude d’impact visant à évaluer, au préalable, les incidences économiques, financières, sociales, environnementales des réformes envisagées », explique le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, Patrick Kanner. « Désormais, il faudra aussi s’assurer en amont que chaque nouvelle mesure législative et réglementaire respecte l’égalité entre tous les jeunes, la justice intergénérationnelle et la non-discrimination dans l’accès aux droits et aux services publics. »
Des mesures compensatoires
Concrètement, il s’agira, à chaque fois, de se poser trois questions : la réforme en préparation contient-elle une barrière d’âge écartant les jeunes qui ne serait pas justifiée ? La jeunesse en pâtira-t-elle à court ou moyen terme ? Si oui, quelles mesures compensatoires peut-on envisager ?
Sur le papier, la méthode semble judicieuse. Sauf que l’évaluation, qui sera publiée sur le site de Legifrance, sera effectuée par les porteurs des projets eux-mêmes, en concertation avec les administrations centrales. Donc pas forcément très objective.
« La clause d’impact n’est pas un outil de censure pour dire oui ou non à un texte mais plutôt un outil d’aide à la décision pour les parlementaires et l’exécutif », insiste Patrick Kanner. « Lorsqu’ont été lancés les travaux autour de la loi relative au dialogue social et à l’emploi l’an dernier, je me suis beaucoup mobilisé pour que la prime d’activité soit aussi accessible aux moins de 25 ans. J’ai finalement obtenu gain de cause, mais si la clause d’impact avait existé à ce moment-là, les discussions auraient été beaucoup plus vite. »
L’idée n’est évidemment pas sortie du chapeau comme ça du jour au lendemain ! Elle émane du Conseil économique, social et environnemental (CESE) qui, dans un avis publié en 2012, intitulé « Droits formels-droits réels : améliorer le recours aux droits sociaux des jeunes », avait pointé du doigt le manque de prise en compte des jeunes dans les politiques publiques.
« Tout notre système de protection sociale a été construit autour de trois âges de la vie : l’enfance et l’éducation, rattachées à la famille, l’emploi et la retraite », rappelle ainsi Antoine Dulin, représentant des organisations étudiantes et des mouvements de jeunesse au sein du CESE. « Récemment, on y a rajouté un quatrième âge avec la dépendance. Mais on n’a jamais réussi à faire de même pour la jeunesse qui reste dans un angle mort. »
Peu d’espoir pour l’emploi
Pour favoriser la concertation entre les différents acteurs concernés – Etat, collectivités locales, organisations de jeunes et partenaires sociaux –, un conseil d’orientation des politiques de jeunesse va également être mis en place d’ici à l’été sur le modèle du Haut Conseil à la famille ou du Conseil d’orientation des retraites. « Ainsi, on va pouvoir travailler non seulement en amont mais aussi en aval sur l’évaluation des politiques publiques », se félicite Antoine Dulin.
« Bien sûr, ce n’est pas avec ça qu’on va résoudre le problème du chômage des jeunes, mais au moins, on va favoriser un vrai changement de culture » affirme-t-il. La Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), la plus importante organisation de jeunes en France qui regroupe près de 2000 associations et syndicats, soit environ 300 000 étudiants, s’en réjouit.
« Les jeunes ont toujours été les parents pauvres des politiques dans notre pays », regrette le président de la FAGE, Alexandre Leroy. « Notamment les quelque 120 000 à 150 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans qualifications et dont on semble parfois ignorer l’existence ! Avec ce nouveau dispositif, qui a déjà fait ses preuves au Québec, on va enfin leur redonner de la voix. »
Pas sûr néanmoins que cela suffise à les réconcilier avec le gouvernement. D’après une étude de l’Institut de sondages IFOP commandée par l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (Anacej) et publiée par Le Monde le 3 mai, plus de 80 % des 18-25 ans se disent mécontents de la politique de François Hollande.