Bac : les sept erreurs à éviter à l’épreuve de philosophie
Bac : les sept erreurs à éviter à l’épreuve de philosophie
Par Séverin Graveleau
Choisir son sujet trop rapidement, vouloir « ressortir » son cours, rester superficiel, se contenter d’une conclusion trop molle : les erreurs à éviter, selon Thomas Schauder, professeur de philosophie
Nos conseils pour bien débuter le bac avec la philosophie. | FREDERICK FLORIN / AFP
Chaque année, la philosophie ouvre officiellement le marathon du bac – ce sera, pour cette session, mercredi 15 juin à 8 heures, pour les séries S, ES, et L. Et comme chaque année, avec le stress et l’appréhension suscités par cette épreuve, les mêmes erreurs reviennent dans les copies. Le Monde Campus a demandé à Thomas Schauder, professeur de philosophie au lycée Jean-Prévost de Montivilliers (Seine-Maritime) de jouer au jeu des sept erreurs à absolument éviter dans votre copie.
1 – Choisir le sujet « refuge »
La première erreur est de se précipiter au moment de sélectionner son sujet parmi les trois proposés. Attention à ne pas « tomber » dans le « sujet refuge » explique-t-il, celui qui vous fait moins peur et sur lequel vous serez tenté de tirer à la ligne. Certains candidats choisissent par défaut l’explication de texte plutôt que la dissertation, car avoir une base les rassure.
Mieux vaut choisir le sujet « qui interroge, qui donne envie de réfléchir », sur lequel vous pourrez vous « faire plaisir ». Rappelez-vous que le correcteur notera votre capacité à vous questionner, à faire parler des idées entre elles : les vôtres, celles des auteurs – celui qui a écrit le texte et ceux que vous avez étudiés. Votre capacité à philosopher en somme.
2 – Se lancer bille en tête dans l’écriture
Après avoir pris votre décision, prenez votre temps dans la lecture du sujet. Il faut le « décortiquer ». « Le plus important est surtout d’essayer de comprendre ce qu’on ne comprend pas », rappelle Thomas Schauder. Autrement dit, intéressez-vous à ce qui pose problème, à ce qui semble bizarre ou paradoxal dans l’énoncé du sujet, ou dans le texte que vous avez devant vous. Pourquoi cet élément vous pose question, voire vous choque, alors que cet autre semble évident ?
En philosophie « tout l’enjeu n’est pas de trouver des réponses, mais des questions », de problématiser. En cherchant avant tout à répondre à une question, celle qui vous saute aux yeux à la première lecture, vous prenez le risque de faire un hors-sujet, ou de rester superficiel.
Rappelez-vous que vous pouvez passer sans problème une heure et demie ou deux heures sur votre brouillon, le temps de vous interroger vraiment et de formaliser ces questions.
3 – Avoir une réflexion superficielle
Parole de correcteur, la superficialité est « la » première chose qui énerve à la lecture d’une copie. Par exemple, un « catalogue d’exemples » qui ne servent à rien d’autre qu’à meubler l’espace, et non à poser la question qui en découle.
Dans un sujet sur le bonheur, ne vous contentez pas de « dire le bonheur c’est de passer du temps avec les copains, de jouer au foot, etc. », illustre Thomas Schauder. Il faut s’élever à « un niveau d’abstraction supérieur ». Partez de cet exemple simple pour aller vers plus de complexité.
Prenez soin d’interroger votre premier sentiment, de le mettre en contradiction avec un autre, ou avec une idée. « Le bonheur, c’est le repos ou le travail ? », il y a différentes manières d’être heureux non ?…
4 – Vouloir « ressortir » son cours
Rappelez-vous toujours qu’une bonne réflexion personnelle est plus importante qu’une bonne connaissance du cours. Thomas Schauder va même plus loin : « Dans une copie idéale, on retrouve bien entendu les deux. Mais si une priorité doit être donnée, elle doit aller à la réflexion personnelle. » Le correcteur sentira toujours un cours appris par cœur. Face au sujet ou au texte que l’on vient de découvrir, il faut éviter à tout prix de se dire « bingo ! », « j’ai eu un cours là-dessus, je vais pouvoir le ressortir ».
Autre danger : vous risquez de vous diriger tout droit sur un hors-sujet à vouloir absolument répondre à la question que vous auriez aimé qu’on vous pose et pas à celle précisément posée par le sujet !
Les cours que vous avez eus tout au long de l’année ne sont pas « un ensemble figé qui ne bouge pas ». En d’autres termes, tel philosophe qui soutient tel argument peut être « intéressant » à placer, intelligemment, « sur des sujets aussi variés que le bonheur, la justice ou la liberté ». Ce n’est qu’après avoir bien réfléchi aux questions posées par le sujet ou par le texte que vous pouvez faire appel à votre mémoire, aux « réponses » possibles de philosophes que vous avez croisés pendant l’année.
5 – Dans la dissertation, avoir un plan trop « simple »
« Grand 1 : “oui”, grand 2 : “non” » : dans une dissertation le pire des plans est celui qui « fait s’affronter deux positions adverses de manière trop superficielle », rappelle le professeur de philosophie. Vous pouvez plutôt partir d’une hypothèse simple dans une première partie, que vous allez nuancer dans une seconde, en évitant la confrontation caricaturale.
La troisième partie sert alors à « nuancer la nuance » en apportant une solution de conciliation entre les deux premières, ou une nouvelle hypothèse.
6 – Dans le commentaire de texte, faire une « note de synthèse »
La mauvaise explication de texte se contente de faire une sorte de résumé de ses éléments essentiels. La très mauvaise explication de texte tombe carrément dans la paraphrase : on ne se contente pas seulement de résumer l’extrait proposé, on le réécrit en moins bien. Ce qui était clair devient dilué et confus.
Un seul conseil donc : « sortez » du texte ! Ou plutôt « dépliez-le » comme dit Thomas Schauder. L’idée est d’en comprendre l’esprit et les problèmes qu’il pose. Demandez-vous « pourquoi l’auteur me parle de ça ? De quoi parle-t-il d’ailleurs ? Quel est le sens de telle phrase dans son texte ? A quels exemples de la vie réelle puis-je ramener son questionnement ? ».
Vous pouvez aussi raconter quelles questions ce texte vous pose à vous. Ou quelle est l’opinion commune sur ce sujet. Ou encore signaler, « au passage », qu’un autre auteur que vous avez croisé dans l’année a une vision qui diffère de celle présentée. Sans trop en dire, « afin de garder un peu de biscuit » pour la conclusion. En résumé, dans une explication de texte vous devez travailler à la fois sur la forme du texte (ce qui est dit) et sur le fond (ce que ça veut dire).
7 – La conclusion « de Normand »
C’est, selon Thomas Schauder, la conclusion qui dit « finalement, peut-être bien que oui, peut-être bien que non ! ». Autrement dit, ne vous réfugiez pas dans le relativisme, en disant « ça dépend des gens ». L’idée est de rappeler les différentes étapes de votre réflexion, montrer comment vous l’avez fait évoluer au fil des lignes. Puis de donner « une réponse claire, mais nuancée » et, enfin, d’ouvrir le sujet en posant une nouvelle question qui pourrait prolonger votre réflexion « si vous aviez le temps ». En faisant par exemple un lien avec un sujet d’actualité, ou de politique.
Dans le commentaire de texte, aussi, la conclusion peut être l’occasion d’expliquer « en quoi ce texte peut être utilisé aujourd’hui pour questionner et répondre à tel fait divers, ou tel événement ».