David Cameron sur ITV, mardi 7 juin. | MATT FROST/AFP

Souveraineté retrouvée et immigration contrôlée en cas de « Brexit » (vote « out ») ; stabilité économique et influence dans le monde préservées en cas de maintien dans l’UE (vote « in ») : à seize jours du référendum sur l’Europe, l’émission sur ITV, qui a opposé le premier ministre britannique, David Cameron, au chef du parti de droite populiste UKIP, Nigel Farage, mardi 7 juin, n’a pas renouvelé les arguments répétés à satiété depuis des semaines et dont le public commence à se lasser.

Mais, alors qu’aucun camp ne parvient à prendre nettement l’avantage (le « in » est à 51 % selon la moyenne des six derniers sondages), M. Cameron s’est montré nettement plus brillant et percutant que son adversaire, sans cesse sur la défensive.

Le format de l’émission avait été conçu sur mesure pour le premier ministre : refusant de débattre avec son camarade de parti, Boris Johnson, l’autre leader du camp du « Brexit », pour ne pas étaler un peu plus les divisions des tories, M. Cameron avait choisi d’apparaître en même temps que M. Farage, que ses outrances font considérer comme un repoussoir. Mais pas question pour le premier ministre conservateur de faire l’honneur au chef du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP), qui est pourtant à l’origine de l’idée de ce référendum, de débattre avec lui. Les deux hommes ont donc fait face successivement aux questions assez scolaires, gentiment lues par de « vraies gens » triés sur le volet.

« Pas des dégonflés »

Habitué à emballer ses auditeurs en jouant de son sens de l’humour et de la répartie, Nigel Farage a été contraint à un registre technique qui ne lui convient guère. Amené à convenir que l’immigration bénéficie à l’économie, il a affirmé la nécessité de contrôler les arrivées pour des raisons « culturelles ». Mais son algarade avec une spectatrice, qui lui reprochait d’avoir qualifié les agressions sexuelles par des migrants commises à Cologne de « bombe nucléaire » pour le référendum britannique, a surtout exposé sa nervosité et la confusion permanente qu’il entretient entre migrants européens et non européens.

Le retour à des passeports purement britanniques après une sortie de l’UE permettra, selon lui, de contrôler les Européens. Appelé par un auditoire hostile à dépeindre les conséquences d’un « Brexit » pour l’économie et l’emploi, il a peiné à expliquer comment Londres pourrait conserver l’accès au marché unique tout en fermant ses frontières aux personnes.

Intervenant à dessein en second, M. Cameron a pris un malin plaisir à répondre aux arguments de M. Farage en citant au maximum son nom censé effrayer l’électeur. « M. Farage est si pressé de quitter l’UE qu’il est prêt à sacrifier l’emploi, a argumenté le premier ministre. Nous ne voulons pas de la petite Angleterre de M. Farage, nous voulons la Grande-Bretagne. » M. Cameron dépeint la catastrophe économique que provoquerait, selon lui, un divorce avec l’UE : « Si comme moi vous aimez ce pays, n’affaiblissez pas son économie, ne réduisez pas son poids dans le monde, ne mettez pas en danger son unité. »

Pour la première fois, M. Cameron a reconnu qu’un vote « out » pourrait conduire les Ecossais, qui ne veulent pas sortir de l’UE, à revendiquer un nouveau référendum sur l’indépendance. Sans jamais manifester la moindre sympathie à l’égard des institutions européennes, le premier ministre à cependant plaidé pour y rester « afin de défendre nos intérêts économiques » et parce que, a-t-il lancé, « nous ne sommes pas des dégonflés ». Se posant en « patriote », registre cher à M. Farage, il a promis une « plus grande Grande-Bretagne » à l’intérieur de l’UE.

Jeudi soir, l’ennemi intime du premier ministre, Boris Johnson, qui dirige la campagne du « out » et rêve de l’expulser de Downing Street, fera face lors d’un débat télévisé à trois femmes responsables politiques dont la chef des indépendantistes écossais, Nicola Sturgeon. Mais le face-à-face entre « Boris » et « Dave », qui fait déjà l’affiche du référendum, n’aura pas lieu sur les écrans d’ici au vote du 23 juin.