De leur conception au jour J, le long chemin des sujets de bac
De leur conception au jour J, le long chemin des sujets de bac
Par Séverin Graveleau
Pour chaque session du baccalauréat, près de 2 900 sujets d’épreuves sont élaborés pour les différentes disciplines. Leur histoire commence près d’un an en avance.
De leur conception à la table d’examen, les sujets du baccalauréat sur lequel vont plancher 695 682 candidats à compter de mercredi 15 juin 2016 ont parcouru un long, très long chemin. Quand sont-ils imaginés ? Par qui ? Quelles sont les différentes étapes ? Le Monde Campus vous dit tout sur un processus bien rôdé, et dont les règles strictes visent à garantir la confidentialité des sujets jusqu’au jour J.
J - 12 mois : Répartition des disciplines par académie
Fin mai, début juin, à l’heure où les élèves attaquent leurs dernières semaines de cours et se lancent dans le marathon des révisions du baccalauréat, le ministère de l’éducation nationale décide quelles sont les académies qui auront la charge d’élaborer les sujets de l’année suivante dans telle ou telle discipline. Cette répartition, qui change d’année en année, est confidentielle. Les recteurs de chaque académie ont jusqu’à la rentrée de septembre pour former alors des commissions - une pour chaque matière que l’académie est chargée de traiter-, elles aussi confidentielles.
Une commission est composée d’une dizaine de professeurs maximum, choisis par le recteur sur proposition des inspecteurs pédagogiques de chaque discipline. Ce sont en effet eux qui peuvent « repérer », au cours d’inspections sur le terrain, certains enseignants dont ils ont apprécié le travail et qu’ils aimeraient voir élaborer des sujets. Les textes officiels précisent que ces enseignants sont choisis « dans des établissements représentatifs, par leur diversité, de l’ensemble du tissu scolaire de l’académie ».
J - 10 mois : conception des sujets
C’est en fait surtout à partir de septembre que chaque commission se lance à proprement parler dans l’écriture des sujets. Les enseignants qui la composent peuvent avoir jusqu’à 6 à 8 sujets à élaborer. Car il en faut beaucoup, des sujets : en tout ce sont près de 2 900 qui sont élaborés pour les différentes disciplines, destinations (France et étranger) ou sessions de ce premier examen de l’enseignement supérieur. Rien que pour l’épreuve de philosophie de la première session, qui ouvre chaque année les hostilités aux alentours du 15 juin, 80 sujets sont prévus pour les différentes filières.
Les enseignants investis dans la création de ces sujets, pour une durée de trois ans maximum, doivent signer au préalable une « charte de déontologie ». Ils s’engagent à proposer des sujets « inédits », « adaptés aux programmes officiels » et à ne pas divulguer un sujet qu’ils ont élaboré, ni avant ni après la session d’examen, ceci « pendant une période de cinq ans », afin que ceux élaborée une année puissent être utilisés les années suivantes. Des conseils leur sont aussi donnés afin d’assurer la confidentialité de leurs travaux.
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J - 6 mois : Test des sujets
Au mois de décembre arrive le moment de tester les sujets élaborés. Après avoir renvoyé leurs propositions de sujets au rectorat, les professeurs ignorent totalement leur devenir - acceptés ou non, lieu d’affectation, etc. Des « professeurs d’essai » prennent le relais. Chaque sujet est confié à deux enseignants extérieurs à la commission quand il s’agit du bac général, à un seul pour le bac professionnel.
Ces « cobayes », qui doivent aussi signer une « déclaration sur l’honneur », doivent traiter ces sujets chacun de leur côté; et dans un délai raccourci- « d’une durée inférieure ou égale aux trois quarts de celle prévue pour l’épreuve » précisent les textes. Ils doivent prêter attention à « éliminer les erreurs éventuelles à l’intérieur du sujet » mais aussi à repérer les difficultés particulières qu’il peut présenter.
J- 3 mois : Validation et diffusion nationale
Chacun des ressentis des « professeurs d’essai » est consigné dans un rapport remis au recteur et validé par les présidents de chaque commission et inspecteurs concernés. En mars le recteur choisi définitivement les sujets de la prochaine session du bac en fonction de ce rapport.
Pour chaque matière de chaque série, ce sont en fait quatre sujets qui sont retenus : le principal et celui de secours, pour la session de juin et celle de rattrapage de septembre. Concrètement sur une fiche récapitulative, le recteur indique si le sujet est refusé ou accepté, d’une part, et, si oui, qu’elle sera l’affectation retenue (métropole ou DOM-TOM).
Les sujets sont alors envoyés de manière ultra-sécurisée aux académies concernées.
J - 1 mois : impression, stockage puis acheminement des sujets dans les centres d’examen
A partir de mai, les académies ont la charge d’imprimer et de stocker les sujets dans des locaux sécurisés. En 2011, c’est à cette étape qu’une fuite importante avait eu lieu : un employé chargé de la maintenance des imprimantes avait ramené chez lui un sujet. Depuis les règles de confidentialités ont été renforcées. Peu de personnes ont accès à ces sujets, et elles doivent toutes signer une « déclaration sur l’honneur ». Avant leur stockage les sujets sont glissés dans des enveloppes opaques cerclées de deux bandes de plastique. Ces dernières permettent de voir d’un seul coup d’œil si elles ont été ouvertes.
Cinq jours avant le bac, les sujets, dans leurs enveloppes, sont envoyés dans les centres d’examens où ils sont stockés dans des coffres-forts dont seuls la direction de l’établissement a les clefs.
Le jour J, toutes les enveloppes sont décachetées en même temps partout en France. Il faut savoir que chaque année, entre 10 et 20 sujets de secours sont utilisés, sans même que les candidats ne s’en aperçoivent. La plupart du temps, le recours à cette solution est dû à l’erreur d’un personnel de l’éducation nationale qui a ouvert trop tôt l’enveloppe des sujets « nationaux », ou l’a égarée.