Des lendemains qui déchantent pour les fonds à échéance
Des lendemains qui déchantent pour les fonds à échéance
Par Johan Deschamps
Ces produits qui ont fait leur preuve dans le passé risquent d’avoir beaucoup plus de mal à réitérer leurs performances dans l’environnement actuel de taux bas.
A la Bourse de Shanghaï. | CARLOS BARRIA / REUTERS
Un placement qui laisse espérer un gain de 4 % à 6 % par an, vous en rêvez ? Il suffit de laisser bloqué son investissement pendant cinq ans et le tour est joué. C’est en résumé, ce que peuvent penser les particuliers qui se sont laissés séduire par les « fonds à échéance », lancés pour la plupart en 2008, au moment où les marchés boursiers étaient à terre sous le coup de l’estocade des « subprimes ».
À l’époque, il était aisé pour ces gérants de fonds spécialisés d’acheter des obligations de grandes entreprises, relativement sûres. En 2011, avec la crise de la zone euro, une nouvelle opportunité s’est présentée et les spécialistes des fonds à échéance ont renouvelé l’opération, là encore avec succès.
Fort de cet historique flatteur, les gains cumulés sur cinq ans dépassent souvent 25 % (après les frais de gestion), et la tentation est grande pour les gestionnaires de réitérer la manœuvre.
D’ailleurs, de nombreuses sociétés de gestion en ont récemment lancé ou prévoient de le faire : Edmond de Rothschild Asset Management a lancé Millesima 2021 avec l’ambition de dégager une performance annualisée nette de frais de gestion supérieure à 3,8 % ou encore SwissLife qui vise du 4,15 % de rendement net par an avec son fonds SLF Opportunity High Yield 2021.
« Ça va marcher en collecte, les gens vont acheter la performance passée », anticipe Sébastien Barbe, directeur général et directeur des gestions de Schelcher Prince Gestion, qui prévient toutefois que, si le produit garde le même nom, « le risque qu’il porte n’est plus du tout le même ».
Mauvais timing
En période de taux d’intérêt bas, les rémunérations offertes par les obligations d’entreprises ont chuté, et pour chercher du rendement, il faut accepter de prendre plus de risque. « Un emprunt Saint-Gobain qui versait 7 % en 2008, n’offre plus que 0,6 % aujourd’hui », constate Sébastien Barbe.
Les fonds à échéance qui se lancent actuellement sont donc obligés de s’intéresser aux placements « High Yield » (risqués), voire aux emprunts émergents, avec un risque de déconvenue important. « Les faillites d’entreprises classées en high yield vont augmenter dans les prochaines années », avertit Cédric Paul-Renard, responsable de la gestion obligataire à la banque Hottinguer. Il estime toutefois que les fonds à échéance sont « peut-être » moins risqués que des fonds obligataires classiques car « il n’y a pas de problème de liquidité ».
Les sommes sont en effet bloquées sur la durée convenue et tout retrait anticipé est souvent lourdement facturé. Cela permet au gestionnaire de tenir la position, contrairement à un autre qui serait contraint de vendre en catastrophe pour rembourser ses clients et de voir sa performance chuter.
Il n’empêche, les particuliers qui souscrivent un tel produit ne doivent pas oublier que le taux de rémunération des fonds à échéance n’est pas garanti et que les conditions de sorties anticipées sont souvent très dissuasives.