Fermeture de la rive droite à Paris : bouchons en perspective
Fermeture de la rive droite à Paris : bouchons en perspective
Par Béatrice Jérôme
L’étude d’impact mise sur une congestion « temporaire ». Boulevard Saint-Germain, par exemple, le temps de parcours passerait de 10 à 17 minutes le soir.
Proposition d’aménagement dédié aux enfants et à la nature – port de l’Hôtel de Ville. | © LUXIGON
Bertrand Delanoë a rendu la rive gauche de la Seine aux marcheurs en janvier 2013, Anne Hidalgo entend reconquérir une partie de la rive droite dès la fin de l’été. Si la décrue de la Seine va permettre sa réouverture prochaine, elle fermera de nouveau le 20 juillet pour Paris Plages et restera définitivement interdite à la circulation après le 21 août, même quand le dernier parasol le long du fleuve aura été retiré. La maire de Paris a prévu de barrer l’accès aux voitures de la voie Georges-Pompidou à partir du tunnel des Tuileries (1er arrondissement) jusqu’au tunnel Henri-IV (4e arr.), sur 3,3 km. Dussent les automobilistes en pâtir au début.
Le Monde s’est procuré l’étude d’impact que la Ville de Paris s’apprête à diffuser dans le cadre de l’enquête publique prévue du 8 juin au 8 juillet. Si le document de plus de 380 pages vante les mérites du projet pour lutter contre la pollution le long de la Seine, il présente aussi ses effets sur la circulation. Ils seront « négatifs, forts, directs, permanents, à court terme », précise-t-il. Les quelque 43 000 véhicules qui ne pourront plus emprunter chaque jour la voie sur berge vont subir, selon le document, « une augmentation significative » de leur temps de circulation.
Ils seront tentés, pour la plupart, de se reporter sur les « quais hauts » parallèles à la voie fermée. Sur cet axe, le document calcule une « augmentation » du temps de trajet qui passerait de 13 à 17 minutes aux heures de pointe du matin pour rallier la Concorde au boulevard Bourdon. Aux heures de pointe du soir, il augmenterait de 17 à 23 minutes. Les estimations varient selon que les automobilistes se reporteront en masse ou non sur ce parcours.
Le document mentionne une autre simulation qui donne pour le même tronçon sur les « quais hauts » « des augmentations de temps de parcours » de 8 minutes aux heures de pointe le matin et de 11 minutes aux heures de pointe du soir. « Le nombre de véhicules empruntant les quais hauts rive droite sera augmenté, en heure de pointe du matin d’environ 580 véhicules/heure » et « en heure de pointe du soir d’environ 640 ».
La droite parisienne dénonce la « thrombose » à venir
Rive droite, d’autres rues seront également davantage empruntées. Certaines ont déjà vu leur trafic croître depuis la fermeture, en 2013, des berges de la rive gauche à cause des automobilistes qui franchissent la Seine pour gagner du temps dans leur traversée de Paris d’est en ouest. En 2014, le trafic rue de Rivoli était de 12 % supérieur à celui de 2012.
Rive gauche, l’étude prévoit avec la fermeture prochaine des berges « une forte dégradation des temps de parcours » sur le boulevard Saint-Germain : ils passeraient de 10 à 15 minutes en heure de pointe du matin et de 10 à 17 minutes le soir.
Depuis plusieurs mois, la droite parisienne dénonce la « thrombose » à venir dans le cœur de Paris. Elle échafaude un scénario d’autant plus noir que la fermeture des berges coïncide avec des chantiers concomitants. A ceux du Forum des Halles et de la Poste de la rue du Louvre s’ajouteront les grands travaux de canalisation pour la nouvelle Samaritaine, qui nécessiteront la fermeture d’une file de circulation sur le quai François-Mitterrand, celui sur lequel se reporteront les voitures interdites sur les berges.
Favorable à un autre schéma de piétonisation de la rive droite, la chef de file parisienne du parti Les Républicains, Nathalie Kosciusko-Morizet, plaide pour « un moratoire » sur la fermeture de la voie sur berge, à l’instar du Medef.
Si elle ne nie pas les encombrements, l’étude d’impact tend à démontrer qu’ils seront « temporaires ». « En dépit des craintes initiales, la suppression des voies rapides n’engendre pas de dégradation des conditions de circulation au-delà des ajustements de départ », indique l’étude.
L’« évaporation » de la circulation
Pour étayer ce pronostic, le document cite le précédent de la fermeture de la rive gauche. En l’occurrence, les hypothèses de hausse du trafic ont été démenties par les faits. Evaluée par les études à 6 minutes, la hausse du temps de parcours entre la Concorde et Bastille au heures de pointe n’excède pas 2 minutes, aujourd’hui par rapport à 2012.
L’étude d’impact s’appuie sur les travaux de l’urbaniste Paul Lecroart, selon lesquels « la suppression d’une infrastructure routière » provoque l’« évaporation » de la circulation. M. Lecroart a constaté ce phénomène à New York, à San Francisco ou à Séoul. « Lorsque l’on réduit l’offre de voirie, les cas étudiés montrent qu’il y a’’déduction’’ de trafic », écrit le chercheur, dans une note publiée en octobre 2012 par l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Ile-de-France. A Paris, le tunnel des Tuileries a vu le trafic diminuer de 23 % entre 2011 et 2014, après la mise en place de feux tricolores qui ont ralenti la vitesse.
« La suppression de l’effet d’aubaine de la voie rapide » va modifier le comportement des usagers motorisés, en déduit l’étude d’impact.
Le 20 mai, Valérie Pécresse, la patronne (LR) de la région, a écrit à Mme Hidalgo pour s’inquiéter des effets négatifs de son projet sur « la congestion et donc la pollution de la banlieue ». L’étude de la ville devrait la rassurer, puisqu’elle montre que la fermeture des berges sur le réseau routier francilien aura des « effets mineurs » sur le trafic francilien.
Selon la Ville de Paris, 6 % seulement des automobilistes qui entrent chaque matin dans la capitale par la voie Georges-Pompidou l’empruntent jusqu’à la porte de Bercy. Cet axe n’est donc pas indispensable pour traverser rapidement Paris. Un argument destiné aux élus de la Métropole du Grand Paris, en majorité de droite, afin qu’ils ne puissent pas trop contester le grand dessein de Mme Hidalgo.