Football : Red Star, la piste étrangère
Football : Red Star, la piste étrangère
Par Jean-Michel Normand
Le club de Ligue 2 n’a toujours pas de stade. Plusieurs options sont possibles pour sortir de l’impasse, comme le « crowdfunding » ou l’arrivée d’investisseurs étrangers.
Le Stade Bauer en mai. | Compte Twitter du Red Star. DR
Il s’en est fallu de très peu. Fraîchement promu en Ligue 2, le Red Star a manqué d’un point la montée en Ligue 1. Le calendrier 2016-2017 ne proposera donc pas de confrontation Red Star-PSG. Ce derby parfaitement baroque entre un champion de France cousu d’or et la formation de Saint-Ouen, avant-dernier budget de Ligue 2, aurait cependant corrigé une anomalie chronique : Paris est la seule capitale européenne à ne disposer que d’un seul club d’envergure.
Ce quasi-exploit accompli par la formation emblématique de la banlieue, fondée en 1897 par Jules Rimet (le président de la FIFA, qui porta la Coupe du monde sur les fonts baptismaux), n’a pas éloigné la malédiction qui poursuit le Red Star. Ce club sans stade est condamné à errer loin de son jardin, le stade Bauer, enceinte « à l’anglaise » édifiée en 1909, mais non homologuée pour la Ligue 2, faute d’avoir été modernisée. Pour sortir de cette impasse, plusieurs pistes sont à l’étude, comme le crowdfunding (« financement participatif ») ou même l’arrivée d’investisseurs étrangers.
Il est vrai que la situation est complexe. La saison dernière, les supporteurs de l’Etoile rouge ont dû se rendre en Picardie, à Beauvais, distante de 80 kilomètres, pour soutenir leurs joueurs qui, eux, devaient s’exiler à Saint-Leu, dans le Val-d’Oise, pour s’entraîner… Aujourd’hui, le club, qui doit passer à la mi-juin devant la DNCG, le très redouté gendarme financier du football français, ne sait toujours pas sur quelle pelouse il élira domicile lors de la reprise, à la fin de juillet.
Opération de « crowdfunding »
Pour tenter de débloquer la situation et poser la première pierre de la renaissance de Bauer, des supporteurs ont entrepris de lancer une opération de crowdfunding sur la plate-forme Fosburit, spécialisée dans le financement de projets sportifs. « Le plus important n’est pas la somme récoltée, mais le nombre de personnes qui se manifesteront », prévient Vincent Chutet-Mézence, président du Collectif Red Star-Bauer. L’objectif est de parvenir à rassembler, d’ici au 13 juin, 2 999 contributeurs, soit le nombre maximal de spectateurs que peut accueillir l’unique tribune encore accessible.
Les fonds récoltés, s’ils sont suffisants, permettront de cofinancer une étude poussée, afin d’évaluer sur des bases objectives les travaux de réhabilitation qui permettraient, au minimum, de mettre le vieux stade aux normes de la Ligue 2.
L’attaquant du Red Star Hameur Bouazza lors du match contre Saint-Etienne en février 2015 | FRANCK FIFE / AFP
La municipalité (divers droite) de Saint-Ouen, qui évoque des problèmes de stabilité des structures et s’appuie sur des relevés visuels, refuse de prendre en charge ces travaux, évalués, l’an passé, à 5 millions d’euros. « Nous voulons adresser un message politique, en particulier aux élus locaux qui sont aux abonnés absents, car il faut faire vite. L’équipe a fait une saison exceptionnelle, mais un club condamné à l’exil court à sa perte », s’inquiète Vincent Chutet-Mézence.
La mairie de Saint-Ouen a proposé au club de lui confier le stade en signant un bail emphytéotique, alors que celui-ci ne dispose pas des moyens de le remettre aux normes. Certains soupçonnent la municipalité de guigner la prometteuse réserve foncière qu’occupe le stade, qui jouxte le marché aux puces, à la lisière de Paris.
Pour la saison prochaine, le maintien à Beauvais n’est pas encore acté, car la ville nourrit des projets qui ne sont pas forcément compatibles avec la présence d’un club locataire. Le Red Star n’étant pas dans les petits papiers de la mairie de Paris, pas question d’évoluer au stade Jean-Bouin, dans le 16e arrondissement, où l’Etoile rouge avait attiré 12 000 spectateurs, dont François Hollande, grand supporteur du club, en février 2015 pour un match de Coupe de France contre Saint-Etienne. Charléty, dans le 13e, qui accueillait cette saison le Paris FC, bon dernier de Ligue 2 et relégué en National, n’est pas non plus une solution crédible.
Douce utopie
Idem, imaginer s’installer au Stade de France, même pour quelques rencontres, comme cela fut envisagé l’an dernier avec le soutien du conseil régional et de l’Elysée, est une douce utopie. Il faudra donc, au mieux, se contenter des affluences maigrelettes (1 500 spectateurs en moyenne) du stade Pierre-Brisson de Beauvais, alors qu’en novembre 2015, la confrontation entre le PFC et le Red Star avait attiré quelque 7 000 personnes à Charléty, signe qu’un public existe pour des rencontres de Ligue 2 à Paris.
Patrice Haddad, président du Red Star depuis 2008 – la formation végétait alors en CFA2 – n’est guère plus rassuré sur l’avenir des vert et blanc que les associations de supporteurs :
« Quel gâchis ! On parle de candidature de Paris aux Jeux olympiques, de Grand Paris, mais rien ne se passe, on est dans le néant, alors qu’il faudrait enclencher un cercle vertueux. Par respect pour les supporteurs, on devrait au moins pouvoir jouer la saison prochaine en Ile-de-France, mais toutes les portes se ferment. »
Bruno Le Roux, président du groupe PS à l’Assemblée nationale et député de Saint-Ouen, a sa petite idée sur la façon de sortir le club de l’impasse :
« Le Red Star se trouve dans un écosystème qui n’est pas à la hauteur de la performance réalisée cette saison. Il faut sortir du modèle des années 1970 – on ne peut plus demander aux collectivités de financer des équipements – et chercher des capitaux privés, car telle est la règle du jeu. »
« Repreneurs chinois »
Seul club d’Ile-de-France présent en Ligue 2 (Créteil, avant-dernier, descend également en National), le Red Star pourrait-il intéresser des repreneurs ? « Sans aucun problème », répond Bruno Le Roux, qui se fait fort de rassembler des candidats. « Des investisseurs chinois, par exemple », assure l’élu, qui est aussi président du groupe d’amitié France-Chine à l’Assemblée nationale.
Une option qui remettrait en cause l’actionnariat actuel du club, dont Patrice Haddad est propriétaire. Celui-ci dit avoir « reçu des propositions émanant d’investisseurs étrangers », mais ne pas y avoir répondu favorablement. « Il faut respecter l’identité du club, privilégier la formation sportive et citoyenne » fait-il valoir.
Dans l’immédiat, la priorité du Red Star est de préparer la saison prochaine, qu’il faudra aborder sans certains joueurs importants – qui devraient quitter le club. En ayant en tête cette règle non écrite, qui veut que pour un néophyte en Ligue 2, la saison la plus délicate n’est pas la première, mais la deuxième.