Le Lincoln Navigator présenté au Salon de New York, le 23 mars | JEWEL SAMAD / AFP

Peut-on encore appeler cela une voiture ? Sept places, cinq tonnes, voilà de quoi s’imposer sur l’autoroute des vacances. Le Lincoln Navigator est ce que l’on fait de plus abouti dans le genre 4X4 familial, et de plus extrême. Dans sa version prototype, présentée au salon de New York en mars, il est même prévu une volée de marches qui se déploient sous les portes latérales pour accéder aux confortables places arrières.

Voilà bientôt six ans que les consommateurs américains sont redevenus amoureux de leurs grosses carrosseries, déclinées en 4X4 des villes, les SUV, ou en pick-up des champs. Cette dépendance est devenue encore plus évidente depuis le début de cette année qui marque la fin de la croissance du marché automobile américain. Au mois de mai, les ventes ont carrément baissé de 6 % par rapport à 2015, la plus forte chute depuis six ans.

Un marché encore enviable

Et la dégringolade est plus spectaculaire si l’on exclut les véhicules utilitaires et les fameux SUV. Sur les six principaux acteurs du marché, un seul reste en positif, c’est le groupe Fiat-Chrysler. Un bond très modeste, de 1,1 %, entièrement dû aux performances de sa filiale Jeep dont les ventes ont continué à grimper de 14 % alors que le reste de la production Chrysler plongeait de 19 %. Même constat chez tous les constructeurs. Ford a vu les ventes de ses véhicules particuliers (hors pick-up et utilitaires) chuter de 25 % et GM, empêtré dans des problèmes de logistique a vu l’ensemble de ses immatriculations en mai tomber de 18 %. Un record qui rappelle de mauvais souvenirs aux vétérans de la crise de 2008-2009. Quant au numéro trois du marché, le japonais Toyota, il a accusé un effondrement de 36 % des ventes de son modèle vedette, la Prius hybride. Il semble loin le temps où l’économie de carburant était à la mode. Le Lincoln Navigator consomme 16 litres aux cent kilomètres en ville.

Les optimistes rappelleront que la situation du marché américain reste enviable, comparée à son homologue européen. Après six ans de hausse continue, il se stabilise à un sommet de 17,5 millions de véhicules. Pas d’inquiétude a priori donc. D’autant qu’une partie de l’accident de mai vient du fait que le mois était plus court de deux jours ouvrés par rapport à mai 2015.

L’Europe décolle, l’Amérique atterrit

Pourtant, d’autres signes montrent que la structure du marché est en train de changer. Les ventes au grand public se tendent poussant les commerciaux à multiplier les remises commerciales. Outre les SUV, le marché est désormais porté essentiellement par les flottes d’entreprises. Des gros acheteurs qui savent peser dans les négociations, au détriment des marges des constructeurs.

Rien d’étonnant dans tout cela. Un cycle de croissance est en train de s’achever, comme souvent dans une forme d’hubris que symbolise cet engouement spectaculaire pour les 4X4. Au moment où l’Europe décolle, l’Amérique atterrit. Un décalage qui ne sera pas sans conséquences sur le cours de l’économie mondiale.