Grèves, blocages : l’Euro 2016 s’ouvre dans un climat social tendu
Grèves, blocages : l’Euro 2016 s’ouvre dans un climat social tendu
Le Monde.fr avec AFP et Reuters
L’exécutif s’engage à assurer le bon déroulement de la compétition, malgré les grèves dans les transports. La ministre du travail, Myriam El Khomri, a invité Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, à une rencontre le 17 juin.
Alors que le championnat d’Europe de football commence vendredi 10 juin dans un climat social tendu, marqué notamment par des grèves dans les transports (SNCF, RATP, Air France), le président de la République, François Hollande, a affirmé jeudi 9 juin à Tulle, en Corrèze, que « l’Etat prendra toutes les mesures qui seront nécessaires pour accueillir, pour transporter, pour faire en sorte que les matchs puissent se tenir dans les conditions exigeantes de sécurité ».
Si le chef de l’Etat a refusé d’évoquer le recours possible aux réquisitions – « Pour l’instant, nous n’en sommes pas là » – il a fait « appel à la responsabilité de chacun ». Le premier ministre, Manuel Valls, a aussi prévenu, jeudi soir, qu’il n’excluait « aucune hypothèse » pour acheminer les supporteurs vers Saint-Denis, vendredi, où le Stade de France accueillera le match d’ouverture de la compétition, qui opposera la France à la Roumanie.
Le gouvernement tente de glisser un coin dans le front présenté jusqu’ici par la CGT cheminots et SUD-Rail, à la pointe du conflit contre la réforme du code du travail, et celui d’un nouveau cadre social pour la SNCF. La ministre du travail, Myriam El Khomri, a ainsi offert une porte de sortie au secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, en l’invitant à la rencontrer le 17 juin, trois jours après la journée nationale de mobilisation du 14 contre son projet de loi. Ce dernier a pour sa part déclaré qu’il n’était « pas sûr que bloquer les supporteurs soit la meilleure image que l’on puisse donner de la CGT », ajoutant que la centrale « [souhaitait] que l’Euro 2016 se déroule comme une vraie fête populaire dans les stades comme dans les fan-zones ».
Pour autant, le mouvement « n’est pas terminé », a-t-il pris soin de souligner, en appelant les personnels de nouvelles entreprises à rejoindre la mobilisation et à l’amplifier. De son côté, le ministre des finances, Michel Sapin, a invité, jeudi, les salariés encore mobilisés à mettre fin à leur mouvement, estimant que la grève n’avait désormais « plus aucun sens », faute d’être « compréhensible ».
SNCF : trafic perturbé
A la SNCF, la grève a été reconduite jusqu’à vendredi par les assemblées générales de cheminots en Ile-de-France et dans la plupart des régions, pour la dixième journée d’affilée. Mais ces assemblées ont été moins nombreuses à voter la reconduction, et les scrutins ont été plus serrés. Le trafic devrait connaître une légère amélioration vendredi avec, toujours, un train sur deux sur les lignes Transilien et Intercités et 80 % des TGV, mais avec une amélioration du côté des TER (sept trains sur dix) et du RER.
Les conducteurs SNCF des RER B et D, qui desservent le Stade de France, seront massivement en grève vendredi, selon la CGT-Cheminots et SUD-Rail, mais la SNCF a prévu d’assurer 50 trains pour acheminer les supporteurs. Elle a invité les spectateurs à se rendre « le plus tôt possible » vers l’enceinte sportive, où la France et la Roumanie s’affronteront à l’occasion du match d’ouverture du championnat d’Europe de football.
Pour autant, Philippe Martinez a assuré que son intention n’était pas de gâcher la fête de l’Euro. La CGT devrait y distribuer des tracts en plusieurs langues pour expliquer sa position, a précisé le dirigeant, qui a déclaré ne pas vouloir céder sur la loi travail. Il a cependant redit qu’il laisserait les salariés « décider de la reprise du travail » ou de la poursuite du mouvement. Des paroles jugées « responsables » par Manuel Valls.
Le premier ministre a assuré que le dialogue restait « ouvert », même si le cap est maintenu. « Si demain, on nous dit qu’on suspend le projet de loi et qu’on discute, il n’y a plus de grève », a répété le secrétaire général de la CGT, tandis que des cadres et militants de SUD-Rail se disaient prêts, jeudi, à bloquer la desserte du Stade de France. Manuel Valls a cette fois condamné des « propos tout à fait irresponsables », et a appelé « à la raison ». Mais les mots de SUD-Rail ont été aussitôt nuancés par ses dirigeants : « Bloquer l’accès aux stades n’est pas un mot d’ordre chez nous », a ainsi dit Eric Descamps. « Il n’y a aucune volonté de bloquer l’Euro ou l’acheminement des supporters », a confirmé un autre secrétaire fédéral de SUD-Rail, Eric Meyer.
Bordeaux : grève illimitée dans les transports
A Bordeaux, les transports publics seront perturbés à partir de vendredi, et pour une durée indéfinie, après l’échec, jeudi 9 juin, des négociations entre la direction de la société Kéolis et les syndicats. Le préavis de grève déposé court sur toute la période de la compétition, du 10 juin au 10 juillet. Bordeaux accueillera cinq matchs de l’Euro 2016 de football : Galles-Slovaquie le 11 juin, Autriche-Hongrie le 14 juin, Belgique-Irlande le 18 juin, Croatie-Espagne le 21 juin et un quart de finale le 2 juillet. Quelque 700 000 supporteurs sont attendus pendant toute la compétition.
Déchets : des blocages à Paris et à Marseille
Autre front de la contestation sociale, qui risque d’écorner l’image du pays hôte de l’Euro 2016 : le secteur des déchets. A l’appel de la CGT, le blocage dure dans deux des principaux sites de traitement de l’Ile-de-France et la situation devient critique dans certains arrondissements de la capitale.
Les personnels et agents de la Ville de Paris qui bloquent l’usine de traitement des déchets d’Ivry-sur-Seine ont décidé de reconduire leur grève jusqu’à mardi, journée de manifestation nationale contre la loi travail, a annoncé jeudi la CGT-services publics.
Le mouvement se poursuit aussi à l’incinérateur de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), malgré l’appel du président de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, Jean-Claude Gaudin, à libérer les accès de cet établissement « vital ». En revanche à Saint-Etienne, la collecte et le traitement des ordures reprenaient jeudi et la fan-zone située dans la ville pourra ouvrir comme prévu.
Carburants : trois des cinq raffineries Total touchées
Côté carburants, le mouvement se poursuit dans trois des cinq raffineries françaises du groupe Total mais toutes les stations-service du réseau sont réapprovisionnées. Au Havre (Seine-Maritime), la grève du personnel des terminaux pétroliers, qui perturbe depuis seize jours l’approvisionnement des raffineries et des aéroports parisiens, continue aussi ; une manifestation y a rassemblé, jeudi, 37 000 à 40 000 personnes selon la CGT, et 5 500 selon la police.
Aérien : maintien du préavis de grève du 11 au 14 juin
Dans le ciel, pas d’éclaircie en vue. Les syndicats de pilotes d’Air France sont « pessimistes » sur l’issue des négociations avec la direction concernant leur menace de grève du 11 au 14 juin. Ce conflit, lié à des revendications internes, n’est pas sans rappeler l’année 1998 : à l’approche de la Coupe du monde de football, une grève des pilotes avait paralysé la compagnie aérienne pendant dix jours. Un accord y avait mis fin in extremis, le jour de l’ouverture du Mondial. Au premier jour de la grève, samedi, entre 70 % et 80 % des vols moyen et long-courriers seront assurés, a annoncé jeudi le PDG d’Air France, Frédéric Gagey.
Les manifestations se poursuivent
La journée a aussi été marquée par des défilés pour « occuper le terrain » avant la manifestation nationale du 14 juin à l’appel des sept syndicats opposés à la loi travail (CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, UNL, FIDL). L’intersyndicale prévoit également des actions plus tardives en juin : le 23, jour du vote de la loi au Sénat et le 28, jour de remise des résultats de la votation citoyenne.