Hidalgo signe un accord avec l’Etat pour faire 2 000 logements sociaux à Paris
Hidalgo signe un accord avec l’Etat pour faire 2 000 logements sociaux à Paris
Par Nathalie Brafman, Béatrice Jérôme
Dans la capitale, plusieurs dizaines de sites fonciers publics vont être mobilisés.
Manuel Valls et Anne Hidalgo visitent l’îlot Saint-Germain, à Paris, le 17 juin. | JACQUES DEMARTHON / AFP
C’est la conclusion d’une grande partie de Monopoly jouée entre Manuel Valls et Anne Hidalgo à l’échelle de Paris. Le premier ministre et la maire de la capitale ont officialisé, vendredi 17 juin, « un accord global » négocié depuis plus d’un an qui porte sur plusieurs dizaines de sites fonciers publics.
Parmi les adresses les plus prestigieuses figure l’ancien siège de l’Etat-major de l’armée de terre, boulevard Saint-Germain. Ce bâtiment, en plein cœur du 7e arrondissement, est en grande partie vidé des services de la Défense nationale, partis s’installer sur le nouveau site de Balard (15e arrondissement). Mme Hidalgo a conclu avec l’Etat une vente qui porte sur la moitié de la superficie, pour y réaliser près de quatre cents logements sociaux ainsi qu’une crèche et un équipement sportif.
« L’Etat sort d’une logique strictement financière pour un montant et un volume sans précédent », se félicite Mme Cosse, ministre (EELV) du logement. « L’accord est une mise en œuvre de la loi sur la mobilisation du foncier public portée par Cécile Duflot en 2013 qui prévoit une décote pouvant aller jusqu’à 30 % du prix de vente pour des terrains destinés à des logements sociaux », rappelle Mme Cosse.
L’accord est pour l’Etat doublement stratégique. Le montant des ventes, fruit de ces cessions, contribuera à redresser les finances publiques. Mais le préfet de la région Ile-de-France, Jean-François Carenco, qui a piloté depuis avril les discussions avec la ville, a obtenu une autre contrepartie : celle que le futur plan local d’urbanisme (PLU) de Paris, dont la révision sera votée en juillet au conseil de Paris, n’entrave aucun des projets de l’Etat sur les immeubles dont il reste propriétaire, qu’il s’agisse d’y faire des travaux ou de les vendre.
« Cet accord, c’est un peu pétrole contre nourriture ! »
L’Etat a obtenu qu’une douzaine de sites lui appartenant ne « soient pas grevés d’un emplacement réservé pour le logement », notamment social. Ainsi il s’assure la possibilité de compenser la décote qu’il consent à la ville par des ventes plus lucratives à des promoteurs privés. « Cet accord, c’est un peu pétrole contre nourriture ! », résume un conseiller ministériel.
Au total, la ville espère à terme réaliser près de deux mille logements sociaux. Outre l’îlot Saint-Germain, dans le 7e arrondissement, la ville acquiert, dans le 13e, pour 102 millions d’euros, le siège de l’institut Mines-Télécom parti s’installer à Saclay. Dans le 13e également, l’accord porte sur trois sites dont l’un est occupé par la préfecture de police. L’Etat le vend pour 25,2 millions d’euros à la ville qui prévoit d’y bâtir 570 logements. Dans le 5e, l’Etat et la ville sont en passe d’aboutir à un accord pour la cession d’une partie de l’ancienne adresse de l’école Agro-Paris Tech à celle-ci.
Créer un campus urbain
Par ailleurs, l’accord entérine l’engagement de l’Etat de quitter un terrain occupé par la préfecture de police, porte de la Villette dans le 19e. Parmi les biens de la ville que l’Etat s’engage à libérer figure la caserne Chalvidan (16e) et celle des Minimes dans le 3e qui abritent des militaires de l’« opération Sentinelle » mobilisés depuis les attentats terroristes de novembre 2015. Ils vont devoir être hébergés ailleurs en 2017 et en 2018.
Au passage, dans ce vaste programme de cessions, Sciences Po Paris va acquérir l’Hôtel de l’artillerie (14 000 m2), situé place Saint-Thomas d’Aquin dans le 7e arrondissement. Le site était jusque-là propriété du ministère de la défense.
L’objectif de l’établissement parisien : créer un campus urbain à l’image de la London School of Economics ou de la New York university et rassembler toutes les activités : enseignement, recherche, vie étudiante, logement.
Cette acquisition avait été actée par Manuel Valls il y a exactement un an, mais le projet avait fait grincer des dents. En jeu, le prix proposé par Sciences Po - 80 millions d’euros -, alors que le bien avait été évalué 104 millions d’euros en 2009 par France Domaine.
Une opération à 200 millions d’euros pour Sciences po Paris
En mai 2015, le Conseil de l’immobilier de l’état (CIE) avait émis des réserves sur ce projet. Surtout, Jean-Louis Dumont, député PS et président du CIE, réclamait une estimation de l’hôtel de l’Artillerie au prix du marché. « Sciences Po a un projet très positif et très intéressant qui ne peut se développer qu’au cœur du 7e arrondissement, ironise-t-il. Et une fois de plus, l’Etat va perdre des recettes au bénéfice d’une institution parisienne. Des professionnels de l’immobilier estimaient que la mise sur le marché de ce bien pouvait s’élever à 120 millions d’euros. » Certains ont donc crié « au cadeau » fait à la prestigieuse école. « Ce n’est pas du tout un cadeau fait à Sciences Po, rétorque Frédéric Mion, directeur de l’IEP. Le prix a été expertisé par l’Etat et celui-ci ne subventionnera pas l’opération. »
Finalement, Sciences Po a relevé son offre à 87 millions (93 millions tous droits compris). « C’est moins pire ! », reconnaît Jean-Louis Dumont. Avec cette acquisition, Sciences Po va se débarrasser de ses dix-sept sites en location pour ne garder que ses six sites parisiens dont il est propriétaire. L’école déboursera au total 200 millions d’euros (acquisition, travaux, déménagement…) dont 85 % seront couverts par les loyers économisés, assure Frédéric Mion, le directeur de l’école.