La tentation du jeu
La tentation du jeu
LE MONDE ECONOMIE
Pertes et profits. Vivendi, qui vient de prendre le contrôle du spécialiste de jeu sur mobile, Gameloft, lorgne sur les jeux vidéo comme tous ses homologues avant lui.
Dragon Mania Legends, Puzzle Pets, Immortal Odyssey… Vincent Bolloré aura désormais de quoi s’amuser sur son téléphone mobile entre deux rendez-vous. Le groupe qu’il pilote, Vivendi, vient de prendre le contrôle du français Gameloft, l’un des grands mondiaux du jeu pour mobile, au terme d’une offre publique d’achat qui s’est terminée vendredi 27 mai. Il y tenait tellement à ces jeux qu’il n’a pas hésité à proposer aux actionnaires le double du cours de la société au moment de son entrée en Bourse. Mais ces petits jeux, vite consommés, lassent au bout d’un moment. Et l’homme d’affaires breton vise plus grand avec la grande sœur de Gameloft, Ubisoft.
Il en possède déjà près de 18 % et a demandé des sièges au conseil d’administration. Il rêve de prendre les manettes de l’empire fondé par les frères Guillemot. Avec un chiffre d’affaires qui pourrait, cette année, se rapprocher des 2 milliards d’euros et près de 10 000 employés, le créateur de l’univers trouble et sanglant d’Assassin’s Creed, son jeu le plus célèbre, est le troisième éditeur mondial de jeux vidéo.
Changement de stratégie
Un groupe de médias, actif dans la musique, le cinéma et la télévision, qui s’intéresse aux jeux vidéo, ce n’est pas très surprenant. Tous ses homologues dans le monde se sont penchés sur la question, et beaucoup sont entrés sur ce marché. Mais force est de constater que le succès a rarement été au rendez-vous. Témoin, l’échec de Disney, pourtant l’entreprise la mieux gérée du secteur. Au début de ce mois, le groupe a annoncé son retrait total du marché, avec la vente de sa division Infinity, spécialisée dans le couplage entre des jeux sur écran et des figurines à l’effigie des héros. Après avoir accumulé plus de 1 milliard de dollars (890 millions d’euros) de pertes dans ce secteur dispendieux et versatile, la firme, qui avait déjà largement réduit ses effectifs et ses ambitions les années précédentes, a jeté l’éponge.
Le seul grand groupe de médias à s’en sortir est Time Warner, qui profite du succès mondial de Batman et a su laisser une liberté totale à ses studios de création. Ce qui est manifestement la clé de la réussite et la thèse que défendent les frères Guillemot pour protéger leur fief. Aujourd’hui, les stars du domaine, Electronic Arts, Activision et Ubisoft, sont des groupes indépendants passés maîtres dans la création de franchises et l’exploitation de licences.
Vivendi, qui a vendu en 2013 la pépite Activision pour se désendetter, change de stratégie pour revenir sur ce secteur par le biais d’une entreprise, Ubisoft, qu’il pense pouvoir mieux piloter car elle est française, et même bretonne. Dans un métier bien plus mondialisé que celui de la télévision, où la créativité est plus importante que les synergies, ce n’est pas évident. C’est pourquoi les partenariats sont bien plus économiques que les acquisitions. Mais, quand on a autant d’argent que Vivendi, il est difficile de résister à la tentation du jeu.