Le chiffre d’affaires des taxis stagne depuis 2008
Le chiffre d’affaires des taxis stagne depuis 2008
Par Olivier Razemon
Une étude du cabinet de conseil en mobilité 6T montre que la stagnation du chiffre d’affaires moyen des taxis, bien antérieure à l’arrivée d’Uber en France, remonte à 2008 et au développement des transports alternatifs dans les grandes villes.
Les chauffeurs de taxi ne roulent pas sur l’or. Leur chiffre d’affaires moyen, estimé à 51 783 euros en 2013, stagne depuis la crise de 2008, alors qu’il avait nettement progressé, de 8 % par an en moyenne, entre 2000 et 2007. Leurs charges demeurent, en regard des recettes, très élevées : autour de 50 000 euros par an dépensés pour l’acquisition de la voiture, la radio ou les cotisations sociales. Enfin, une course rapporte en moyenne 22,50 euros.
Ces chiffres sont issus d’une étude intitulée « Comment préserver les revenus des taxis » et publiée, jeudi 9 juin, par le cabinet de conseil en mobilité 6T. Pour estimer le chiffre d’affaires moyen, les auteurs se sont basés sur des données publiques, en rapprochant deux éléments : le nombre de taxis en France et le chiffre d’affaires des courses de taxis, calculé d’après les déclarations fiscales des chauffeurs. Le cabinet tient à préciser qu’il a pris l’initiative de réaliser cette étude, sans obtenir (ni demander, d’ailleurs) de financement à quiconque.
Les Parisiens s’en tirent mieux
Ce sont les taxis parisiens, environ un tiers des 57 000 titulaires de licences, qui s’en sortent le mieux. Leur revenu atteignait 60 000 euros en 2013, contre 53 000 dans les autres grandes métropoles, et 44 000 dans le reste du pays, où l’essentiel des courses consiste à transporter des patients pour un rendez-vous médical.
Ces données étant obtenues à partir des déclarations fiscales, et alors que toutes les voitures ne sont pas équipées d’un terminal de carte bancaire, Nicolas Louvet, directeur du cabinet 6T, n’exclut pas l’hypothèse du « travail au black ».
« On peut supposer que certaines courses ne sont pas déclarées. Mais même si cela concernait la moitié des courses, il ne resterait de toute façon pas à la plupart des chauffeurs de quoi vivre décemment », commente-t-il.
La précarité des taxis ne s’explique pas seulement par le succès des plates-formes de voitures de tourisme avec chauffeurs (VTC), en particulier le californien Uber considéré par la profession comme un prédateur. Le chiffre d’affaires des taxis a, certes, commencé à stagner en 2008, l’année de la publication du rapport Attali sur « La libération de la croissance française » qui préconisait la libéralisation du secteur, remarque 6T. Mais la forte pénétration du marché par les VTC ne date que de 2014.
« Uber a fait éclater la bulle »
De fait, le nombre de courses engrangées par les taxis est en baisse depuis 2005, bien avant la création d’Uber à San Francisco, en 2009. M. Louvet explique cela par « le renforcement, dans les grandes villes, à partir des années 2000, des transports alternatifs. Le maillage des réseaux de tramway s’est consolidé, les vélos en libre-service sont apparus ». A Paris, depuis 2007, le Vélib’ est aussi un transport de nuit, au détriment du taxi. L’arrivée d’Autolib’, fin 2011, a encore réduit le marché.
« Les taxis n’ont pas su profiter de la baisse de la motorisation dans les grandes villes. Ils ont privilégié la clientèle professionnelle et les touristes, et non les résidents », souligne le consultant.
Malgré cette conjoncture morose, le prix des licences, nécessaires pour exercer la profession, a connu une forte hausse depuis vingt ans. A Paris, le prix à l’achat de l’« autorisation de stationnement », nom officiel de ce droit à exercer la profession, est passé de 86 000 euros en 1995 à 234 000 en 2013. Mais 6T observe, entre 2011 et 2013, une forte hausse des prix, « non corrélée avec les anticipations de profit des taxis ». Pour M. Louvet, « beaucoup de licences ont été achetées avec l’espérance d’une augmentation du prix à la revente ». En 2015, la valeur d’une licence a fortement baissé, retombant à 160 000 euros en fin d’année. « L’arrivée d’Uber a fait éclater la bulle spéculative », commente le consultant.