Le Kunstmuseum de Bâle prend des allures de catafalque
Le Kunstmuseum de Bâle prend des allures de catafalque
Par Harry Bellet (Bâle (Suisse)
L’extension du musée suisse, conçue par les architectes Christ & Gantenbein, ne sert guère les œuvres qui y sont montrées.
Depuis le mois d’avril, le Kunstmuseum de Bâle, sans doute l’un des plus anciens musées publics du monde, bénéficie d’une nouvelle extension. Enfin, « bénéficie » n’est peut-être pas le mot approprié : celui qui revient le plus souvent dans la bouche des visiteurs pour désigner le nouveau bâtiment, dû aux architectes Christ & Gantenbein que l’on ne félicite pas, c’est « catafalque ».
Encore n’aimerions-nous pas que l’on installe, même provisoirement, notre cercueil dans un lieu pareil : les murs gris, les parquets petitement lattés au sol alliés aux néons au plafond – LED comme il se doit désormais, ce qui pare les œuvres sous verre de jolies, mais pas prévues par les artistes, colorations vert fluo –, provoquent un effet cinétique qui fait vibrer l’œil et n’aiderait guère à reposer en paix. Doit-on le préciser, cela n’aide pas non plus à voir les tableaux…
Un coût de 100 millions de francs suisses
La chose a coûté 100 millions de francs suisses, moitié versés par le canton de Bâle, moitié par la fondation Laurenz, créée par la mécène Maja Oeri, qu’on a connue mieux inspirée : elle est également à l’origine du Schaulager bâti par Herzog & De Meuron dans la même ville, une réussite tant muséale qu’architecturale. Selon The Art Newspaper, elle a décliné la proposition qui lui a été faite de donner son nom à la nouvelle extension : après la visite, on croit pouvoir imaginer pourquoi…
Croisant des visiteurs dans l’escalier monumental – plutôt réussi, lui – qui relie l’ancien bâtiment au nouveau, via un passage souterrain sous Dufourstrasse, la rue qui les sépare, on se surprend à leur murmurer, d’un ton sépulcral : « Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance ». On ne comprend pas, du reste, comment Bernard Mendes Bürgi, le directeur des lieux, homme fin et cultivé, a pu laisser ainsi la bride sur le cou des architectes. Certes, il part à la retraite, mais tout de même, pour son successeur, Josef Helfenstein, qui dirigeait auparavant le très beau musée (œuvre de Renzo Piano) De Menil à Houston (Texas), ce n’est pas précisément un cadeau de bienvenue.
La bonne nouvelle, c’est que cette extension a permis de redéployer les collections historiques dans l’ancien musée, un truc pas très beau non plus, mais discret et au service des œuvres, construit en 1936. On y voit comme jamais l’exceptionnelle ensemble de la famille Holbein, le père Hans le Vieux, l’oncle Sigmund, le frère tôt disparu Ambroise, et les œuvres que Hans le Jeune réalisa lorsqu’il vint à Bâle depuis sa Souabe natale en 1515. On y voit aussi en majesté les œuvres de Konrad Witz.
On y redécouvre des dessins, des tonnes de dessins, tous plus précieux les uns que les autres. Et on se souvient que l’actuelle extension n’est qu’un avatar de plus dans l’histoire d’un musée qui fut toujours à l’étroit : il commença dans une simple malle, un meuble de bois aujourd’hui conservé au musée historique de la ville. Le « cabinet Amerbach », du nom d’un ami, tant d’Holbein que d’Erasme, qui y serrait ses trésors. Celui-là était sobre, et de bon goût.