Et de deux ! Pour la seconde fois, des détecteurs très particuliers ont tremblé sur Terre lors du passage de secousses venues de l’espace : des ondes gravitationnelles. Ces dernières sont des vibrations de l’espace-temps équivalentes aux vaguelettes créées par la chute d’un caillou à la surface d’un lac et sont décrites par la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein.

Leur propagation oscillante a la capacité de déformer très légèrement les distances, mais seuls des instruments très performants peuvent repérer ces modifications infimes, de l’ordre de la taille d’un atome. Depuis le 11 février, les physiciens ont cependant prouvé que c’était possible. Ce jour-là, l’équipe de l’instrument LIGO utilisant deux de ces appareils installés aux Etats-Unis, à Livingstone (Louisiane) et Hanford (Washington), a annoncé les avoir vus sursauter au passage de ces ondes.

Rebelote le 15 juin lors du congrès de la Société américaine d’astronomie à San Diego (Californie). La même collaboration, qui inclut en outre l’équipe européenne Virgo dont le détecteur, à l’arrêt pour travaux, est installé près de Pise, en Italie, a expliqué avoir identifié un second tremblement, ressenti le 26 décembre 2015. « C’est un soulagement d’avoir pu avoir une confirmation sur des phénomènes différents », note Nicolas Arnaud, chercheur du CNRS au laboratoire de l’Accélérateur linéaire d’Orsay, membre de Virgo.

Le « caillou » cosmique qui a ridé la surface de l’espace-temps

Cette secousse n’a duré qu’une seconde, mais c’était suffisant pour déterminer quel « caillou » cosmique a ainsi ridé la surface de l’espace-temps et touché les deux détecteurs avec 1,1 seconde de décalage. Comme pour le premier événement, il s’agit de deux trous noirs en rotation à très grande vitesse l’un autour de l’autre et qui finissent par fusionner pour former un nouveau trou noir.

Ce nouveau-né, après l’agitation de la naissance, cesse de vibrer comme une cloche et n’émet plus d’ondes gravitationnelles. De telles masses et de telles vitesses sont suffisantes pour agiter l’environnement cosmique jusqu’à le sentir sur Terre, même plus d’un milliard d’années après que l’événement a eu lieu.

Les deux masses en jeu sont de 7,5 et 14 fois celles du Soleil et l’objet résultant ne pèse que 20,8 fois plus que notre étoile, la masse perdue ayant été emportée par l’onde gravitationnelle sous forme d’énergie. Les deux trous noirs se tournant autour sont plus légers que ceux annoncés en février, qui faisaient 29 et 36 fois la masse du Soleil. Ils étaient donc plus difficiles à repérer. Quelque 55 spirales avant la fusion ont été enregistrées contre une dizaine dans le premier cas. Malheureusement, comme pour le premier duo, l’endroit de cette valse dans l’Univers est mal défini car deux capteurs ne suffisent pas à indiquer précisément la région d’origine.

La fréquence de tels phénomènes est plus grande qu’attendu

Une troisième secousse a également été enregistrée le 12 octobre 2015, mais elle n’est pas attribuée à une onde gravitationnelle, faute de précision suffisante. « Aucun autre candidat de couple de trous noirs de masse comprise entre 4 et 100 fois celle du Soleil n’a été trouvé jusqu’à la fin de la prise de données en janvier 2016 », écrivent les chercheurs, dans leur article de Physical Review Letters paru le 15 juin. Cependant, ils estiment d’ores et déjà que la fréquence de tels phénomènes est plus grande qu’attendu, de l’ordre d’un par mois.

En conclusion, ils confirment que « cette première période d’observation annonce l’ouverture de l’astronomie par ondes gravitationnelles ». Ces détecteurs, à partir de l’automne, vont en effet se transformer en véritables télescopes, repérant des événements totalement invisibles jusqu’alors, puisque les trous noirs par définition ne rayonnent pas de lumière. A ce moment, le détecteur Virgo se sera refait une jeunesse pour être aussi précis que LIGO. A trois, de concert, ils pourront trianguler les événements et repérer plus précisément leur origine dans le ciel.

Un détecteur d’ondes gravitationnelles géant

Ce sera aussi l’époque où l’Agence spatiale européenne peaufinera son projet de détecteur d’ondes gravitationnelles géant, eLISA. Il devrait fonctionner dans l’espace avant 2030 avec des bras laser de plus d’un million de kilomètres, contre 3 à 4 kilomètres sur Terre. Une première expérience LISA Pathfinder (LPF), lancée en décembre 2015, a dévoilé début juin des résultats meilleurs que prévu concernant la faisabilité technique d’un tel projet.

Dans la ligne de mire d’eLISA, il y aura des trous noirs dits supermassifs, dotés d’une masse de l’ordre d’un million de fois celle du Soleil et qui tournent relativement lentement. Le détecteur verra aussi les mêmes couples que ceux observés par LIGO, mais des mois avant leur fusion, durant leur longue danse en duo.