Sélection albums : Karine Deshayes, Cavanna/Schubert, DeJohnette/Coltrane/Garrison, Tony Hymas, 9Bach
Sélection albums : Karine Deshayes, Cavanna/Schubert, DeJohnette/Coltrane/Garrison, Tony Hymas, 9Bach
A découvrir dans les bacs cette semaine : des airs de Rossini, Schubert et Cavanna, du jazz, Léo Ferré réinterprété par le piano de Tony Hymas et de la musique celte.
- KARINE DESHAYES
Rossini : airs extraits de La Dame du lac, Otello, La Cenerentola, Sémiramis, Le Barbier de Séville.
Karine Deshayes (mezzo-soprano), Les Forces majeures, Raphaël Merlin (direction).
Pochette de l’album « Rossini », par Karine Deshayes (mezzo-soprano), Les Forces majeures, Raphaël Merlin (direction). | APARTÉ
En 2002, c’est avec Gioacchino Rossini (1792-1868) que Karine Deshayes décroche le concours Voix nouvelles. La lauréate des Victoires de la musique classique 2016 s’est depuis illustrée sur scène dans des myriades de vocalises – Rosina (Le Barbier de Séville), Angelina (La Cenerentola) ou Elena (La Dame du lac), sans oublier les Desdemona (Otello) et Sémiramis (Sémiramis) qu’elle devrait également mettre à son tableau de chasse rossinien. Cet amour chevillé au corps vient ici s’incarner dans un disque sobrement intitulé Rossini. Une évidence : pour la souplesse et la musicalité de la ligne vocale, la virtuosité altière et lumineuse, la rondeur sans défaut du timbre. Moins pour ce qui peut s’apparenter à une certaine placidité, un manque de folie, de panache. C’est pourquoi le bel canto de Karine Deshayes n’est jamais si prenant que dans la nostalgie ou quand le noir se fait plus terrible derrière la vitre. Selon l’humeur de la belle, l’excellent ensemble Les Forces majeures (sous la direction de Raphaël Merlin) porte alternativement les masques de l’humour ou de la tragédie. Marie-Aude Roux
- CAVANNA ET SCHUBERT
Franz Schubert : sélection de Lieder. Bernard Cavanna : Trios avec accordéon n° 1 et n° 2
Isa Lagarde (soprano), Anthony Millet (accordéon), Noëmi Schindler (violon), Atsushi Sakaï (violoncelle).
Pochette du CD Cavanna & Schubert. | NOMADMUSIC
Peu de compositeurs d’aujourd’hui connaissent aussi bien l’accordéon (version classique) que Bernard Cavanna (né en 1951). Rares sont aussi ceux qui, comme lui, l’ont utilisé dans des situations toujours renouvelées : opéra, messe, concerto, musique de chambre. Compositeur inclassable, Cavanna a trouvé en l’accordéon un complice pour brouiller les pistes esthétiques, notamment entre inspiration populaire et écriture savante, comme s’y est employé… Franz Schubert (1797-1828). Dès lors, le piano ne pouvait plus convenir à l’accompagnement des Lieder du grand Viennois. Les transcriptions réalisées par Cavanna mobilisent donc un accordéon hors norme, un violon mutant (parfois entre banjo et guitare) et un violoncelle tellurique (basse profonde comme on le dirait d’une voix). Le résultat produit une charge émotionnelle et « visuelle » à couper le souffle. Entre Cavanna et Schubert s’instaurent plus que des correspondances. Une parenté d’esprit, de goût et d’oreille ainsi qu’en atteste, par exemple, le Trio n° 1 du cadet, parcours à tendance hallucinatoire, au même titre que le célèbre Voyage d’hiver du glorieux aîné. Pierre Gervasoni
- JACK DEJOHNETTE, RAVI COLTRANE, MATTHEW GARRISON
In Movement
Pochette de l’album « In Movement », de Jack DeJohnette, Ravi Coltrane et Matthew Garrison. | ECM/UNIVERSAL MUSIC
« Matthew est mon filleul (…) et je connais Ravi depuis qu’il était un enfant. » Dans les notes de pochette de son nouvel album, In Movement, Jack DeJohnette présente ainsi les deux musiciens avec lesquels il joue depuis plusieurs années. Soit le bassiste Matthew Garrison, fils du contrebassiste Jimmy Garrison (1934-1976), et le saxophoniste Ravi Coltrane, fils du saxophoniste John Coltrane (1926-1967). Leurs parents unis dans un quartette qui a marqué l’histoire du jazz. Avec DeJohnette, batteur d’autorité, qui ici joue en plus du piano et insère quelques éléments de percussions électroniques, les « fils de » constituent un trio de belle allure. Le répertoire évoque Coltrane père, avec la superbe mélodie Alabama au début du disque, ou Miles Davis (1926-1991) – avec qui a joué DeJohnette – avec Blue in Green, ou rappelle les poussées répétitives funk des années 1970. Mais il est d’abord le témoignage d’une forte relation musicienne, en particulier avec les compositions In Movement et Two Jimmys écrites à trois. Sylvain Siclier
- TONY HYMAS
« Joue Léo Ferré »
Pochette de l’album « Joue Léo Ferré », de Tony Hymas. | NATO/L'AUTRE DISTRIBUTION
Quinze chansons de Léo Ferré, des années 1950 (La Vie d’artiste, Jolie môme, Le Pont Mirabeau…), 1960 (C’est extra, Thank You Satan, Les Anarchistes…) et 1970 (La Mémoire et la Mer, L’Amour fou, L’Espoir…) par le pianiste britannique Tony Hymas. Ferré sans paroles, sans cette voix qui épousait les mots, de la tendresse à la colère, sans les couleurs orchestrales. Un Ferré du dépouillement, comme lors de certains de ses concerts. Et pourtant, par le jeu du pianiste, l’on entend les mots, le débit des phrases, jusqu’aux arrangements orchestraux de certaines chansons. A l’exemple de La Mémoire et la Mer, l’une des compositions les plus prenantes et émouvantes de Ferré, de L’Amour fou, dont l’original avait une couleur variété-pop avec cordes et chœurs en profusion, ou de Thank You Satan. De bout en bout, Hymas, qui au gré des interprétations choisit de ralentir ou accélérer un tempo, de se concentrer sur un ostinato, de développer un motif mélodique, joue Ferré avec sensibilité, attention et inventivité. S. Si.
1 CD Nato/L’Autre Distribution.
- 9BACH
Anian
Pochette de l’album « Anian », troisième album de 9Bach.
Voix diaphanes et aériennes, musique intemporelle, épurée, parfois jusqu’à l’effacement : plongée dans un monde évanescent, romantique et mystérieux, chanté en gallois, la langue du pays de Galles. Une langue celtique rarement entendue dans d’aussi élégants atours néo-folk, brodés de souvenirs anciens et fringants de contemporanéité. Réuni autour du binôme formé par Lisa Jên (chant, piano, harmonium) et Martin Hoyland (guitares, tympanon), le quintet existe depuis 2005 et propose là son troisième album. On y entend vibrer le cristal de la harpe galloise (emblème de l’identité musicale du coin), on y devine le vent soufflant sur les plateaux dénudés du Nord, la région d’où vient le groupe. Très attaché à sa langue « naturelle », 9Bach a trouvé une formule originale pour donner des clés de compréhension à ceux pour qui le gallois est une grande inconnue. Il a demandé à des écrivains, des acteurs, des poètes et des musiciens (dont Peter Gabriel) de donner leur propre interprétation, dite en anglais, du sens des chansons. Elles sont enregistrées sur un CD, joint en complément. Patrick Labesse