Patrick Pouyanné, PDG du groupe, lors de l’Assemblée générale de Total, mardi  24 mai 2016. | CHARLES PLATIAU / REUTERS

Les dirigeants de Total ne décolèrent pas contre les grévistes qui perturbent ou paralysent ses cinq raffineries françaises. De quoi conduire le groupe à « réviser sérieusement » les investissements qu’il avait prévus pour restructurer ses sites en France, a prévenu son PDG, Patrick Pouyanné, en marge de l’assemblée générale des actionnaires réunie mardi 24 mai à Paris. « C’est quelque part une forme de rupture du pacte qui lie à la fois nos employés et notre entreprise », a-t-il estimé en évoquant les grèves et les blocages par les salariés de son groupe.

Dès vendredi, dans un courriel interne adressé aux employés des raffineries, le patron des activités raffinage-chimie avait estimé que « les événements qui se déroulent dans nos raffineries sont extrêmement graves ». Pour Philippe Sauquet, directeur général raffinage-chimie, « ils constituent une prise en otage de nos activités et de nos sites pour nourrir une lutte qui n’est pas la nôtre ».

« C’est un discours de fermeté et de responsabilité, mais pas de chantage », explique un porte-parole du groupe. Il n’est pas envisagé de renoncer du jour au lendemain aux investissements programmés, indique-t-on d’ailleurs chez Total.

Restructurations récentes

A l’heure actuelle, le groupe pétrolier a programmé d’investir 200 millions d’euros à La Mède (Bouches-du-Rhône) pour transformer la raffinerie en un site de production de bio-carburants. La même somme a été dépensée à Carling (Moselle), une usine pétrochimique lourdement déficitaire (100 millions d’euros par an), pour la reconvertir en une unité fabriquant des produits à plus haute valeur ajoutée.

Par ailleurs, près de 400 millions d’euros sont prévus à la raffinerie de Donges (Loire-Atlantique) puisque l’Etat et la SNCF ont accepté en 2015 de détourner la ligne ferroviaire qui coupait le site en deux et pénalisait sa productivité. A Gonfreville-l’Orcher (Seine-Maritime), sa plus grande raffinerie, Total a déboursé 1 milliard d’euros en 2012-2014 pour produire davantage de gazole, le carburant le plus utilisé par les automobilistes français.

Avant de prendre les rênes de la compagnie, à la suite de la mort accidentelle de Christophe de Margerie en octobre 2014, M. Pouyanné en dirigeait la branche raffinage-chimie depuis près de trois ans. C’est donc lui qui a piloté toutes les modernisations et les restructurations récentes, avec un savant mélange de fermeté et de sens du dialogue.

Si quelques centaines d’emplois ont été supprimées, il n’y a eu aucun licenciement. Ni de conflit social majeur. Total entendait tirer les leçons de la désastreuse fermeture de la raffinerie des Flandres (Nord) en 2010, précédée d’un conflit très dur avec la CGT. Dans le raffinage comme dans l’exploration-production d’hydrocarbures, M. Pouyanné a répété à plusieurs reprises que « l’emploi ne sera pas la variable d’ajustement » à un moment où le recul des prix du pétrole pénalise les compagnies.

Les surcapacités demeurent

Depuis qu’il est patron du géant français, il s’est engagé à ce que tous ses sites européens (France, Royaume-Uni, Allemagne, Belgique et Pays-Bas) soient rentables à la fin de 2017, quitte à y investir massivement, comme à la raffinerie d’Anvers (1 milliard d’euros). « Tous les sites le seront fin 2016 même avec une hypothèse basse de marge de raffinage de 20 euros par tonne », explique le porte-parole.

Il y avait 101 raffineries en 2007 dans les 28 Etats de l’Union européenne (UE), il n’y en a plus que 77 en 2016. Mais des surcapacités demeurent et la restructuration est inachevée, souligne l’Union française des industries pétrolières (UFIP). En France et au Royaume-Uni, les capacités ont déjà été réduites respectivement de 29 % et 37 % depuis 2010, contre seulement 15 % en Allemagne et 17 % en Italie.

Les dirigeants de Total jugent avoir fait leur part des efforts dans les cinq pays de l’UE où le groupe est présent dans le raffinage.