« Les atouts de l’Europe sont bien plus nombreux qu’on l’imagine »
« Les atouts de l’Europe sont bien plus nombreux qu’on l’imagine »
Par Jeff Immelt, PDG de General Electric
Malgré les nombreux défis auxquels l’Europe est confrontée, notamment le risque d’une sortie de l’Union par le Royaume-Uni, le PDG de General Electric Jeff Immelt se montre optimiste quant à l’avenir du Vieux continent.
FREDERIC J. BROWN / AFP
L’Europe fait face à de nombreux problèmes abondamment commentés. Le référendum britannique et une éventuelle sortie de l’Union européenne, la crise des migrants, les risques élevés relatifs à la sécurité, une morosité ambiante résultant de plusieurs années de faible croissance… tous les médias en parlent quotidiennement.
Mais il ne s’agit pas du fin mot de l’histoire. Quels que soient les problèmes rencontrés par l’Europe, les atouts du continent - que l’on évoque moins en cette période - sont bien plus nombreux qu’on l’imagine.
En tant que PDG du groupe General Electric, j’ai tout intérêt à ce que l’Europe réussisse. Depuis le début de mon mandat à la tête de GE, cet intérêt n’a d’ailleurs fait que croître. Aujourd’hui, GE emploie plus de 100 000 personnes en Europe, y compte plus de 150 usines et centres de recherche et génère plus de 41 milliards d’euros d’activités économiques. Nous avons investi 17 milliards d’euros dans des acquisitions, dont le rachat des activités Énergie et Réseaux électriques d’Alstom, qui représentent l’acquisition industrielle la plus importante de la longue histoire de notre groupe. C’est un changement de dimension majeur pour GE : cette opération nous dote d’une base installée en Europe depuis des décennies et des moyens de concrétiser notre ambition, à savoir nous affirmer comme la première entreprise industrielle digitale au monde. Ensemble, nous œuvrons à bâtir une grande entreprise spécialisée dans la production, la transmission et la distribution d’énergie et à la rendre encore plus compétitive.
L’Europe, un modèle en matière environnementale
À bien des titres, l’Europe fait référence dans sa façon de répondre aux défis d’aujourd’hui. L’Union Européenne est pionnière en matière de technologies et de réglementations à même de réduire radicalement les émissions de carbone ; elle a également pesé de tout son poids pour changer les mentalités sur les questions environnementales et énergétiques. Nous sommes actuellement à l’orée d’une nouvelle vague d’initiatives destinées à promouvoir des technologies plus « propres » et l’Europe est une nouvelle fois en première ligne pour mener ces efforts, notamment dans le domaine de l’optimisation des équipements via le numérique. Mais toutes ces initiatives doivent prendre en compte les nouvelles tendances technologiques, mettre en place des réseaux énergétiques mieux connectés et créer les conditions adéquates pour que les technologies à faible empreinte carbone se développent.
Le numérique promet de transformer toutes les industries de façon exceptionnelle. L’Internet industriel est capable de connecter les machines, produire des diagnostics, des logiciels et des outils d’analyse : il donne les moyens aux entreprises privées et publiques de fonctionner de façon plus efficace, plus volontariste ; il leur permet de compter sur des prévisions plus fines et plus automatisées.
Les solutions issues de l’internet industriel renforcent l’efficacité de secteurs entiers de l’économie, correspondant à 39 % de l’activité économique de l’Union européenne. En d’autres termes, elles sont un moteur direct de croissance. Chez GE, nous pouvons en témoigner : l’internet industriel nous a permis d’accroître l’efficacité de notre service clients de près de 20 %. Si toute l’industrie européenne pouvait réaliser des gains de productivité de cet ordre, cela représenterait pas moins de 1500 milliards d’euros de PIB supplémentaire d’ici 2025 en Europe.
Des perspectives de croissance
Toutes ces possibilités ouvrent une nouvelle ère, permise par l’Internet industriel et l’ouverture des marchés, et accompagnée d’immenses perspectives de croissance économique dans le contexte actuel très volatil. Les opportunités que j’entrevois passent par une saine concurrence entre Etats-membres et par une révolution numérique dans l’industrie, qui a d’ailleurs déjà commencé. Ce sont sur ces fondements que se jouera la compétitivité de demain.
Une Europe plus numérique et plus productive, c’est aussi une Europe mieux à même d’exporter. Nous sommes convaincus que GE peut contribuer à la croissance de ses exportations ; les coûts de production peuvent être compétitifs et les aides financières à l’export sont un atout. L’internet industriel s’apprête à libérer la créativité et l’innovation, et à les mettre au service de la transformation des industries clés en Europe.
Un des atouts majeurs de l’Europe, c’est ce choix qui a été fait il y a plusieurs décennies d’un marché commun, de normes et de réglementations communes, ainsi que d’une monnaie unique. Bien entendu, ce serait une erreur d’affaiblir cette volonté d’unification en renforçant de façon excessive les réglementations applicables.
Pourquoi ne pas encourager plutôt les Etats-membres de l’UE à œuvrer pour davantage de compétition interne ? Cela contribuerait à rendre le continent européen encore plus attractif pour les investisseurs. De même, pourquoi ne pas expérimenter des politiques destinées à stimuler la croissance économique ? En tant qu’entreprise engagée dans la croissance en Europe, nous regardons très attentivement les politiques menées par les États membres comme un facteur clé de différenciation avant de prendre nos décisions d’investissement.
Les pays ou les territoires qui s’isolent, par exemple en mettant en place des contraintes spécifiques relatives aux échanges de données, ne seront pas en mesure de recueillir les fruits de la révolution numérique. L’Europe peut être à l’avant-garde de cette révolution et conquérir des parts de marché, mais avec la mise en place d’une réglementation trop protectionniste, elle passerait à côté de cette potentielle « révolution de la productivité ». Au moins ce choix aurait-il intérêt à se faire sur fond de débat contradictoire. Chaque Etat-membre pourrait alors promulguer le cadre réglementaire qu’il juge optimal, chacun assumant ainsi les conséquences de ses décisions.
En dépit des lourdes incertitudes politiques, sociales et économiques actuelles, je suis optimiste pour l’Europe. J’ai bon espoir qu’elle continue de se mettre en ordre de bataille pour conduire la révolution de l’internet industriel. Les Européens ont su depuis toujours créer des solutions novatrices et répondre aux grands défis posés par l’évolution du monde, que ce soit en matière de santé, d’énergie ou de développement durable. C’est bien pourquoi GE est l’une de ces grandes entreprises internationales à parier et à avoir confiance en l’avenir de l’Europe.