Quelle Europe après le « Brexit » ?
Quelle Europe après le « Brexit » ?
Après le vote des Britanniques en faveur d’une sortie de l’Europe, l’Union européenne s’interroge sur ses moyens pour surmonter la crise.
Après le vote des Britanniques en faveur d’une sortie de l’Europe le jeudi 23 juin, l’Union européenne s’interroge sur ses moyens pour surmonter la crise.
Le philosophe Bernard-Henri Lévy exprime son pessimisme et son inquiétude. Selon lui, le « Brexit », « c’est la victoire, dans les deux camps, de la xénophobie, de la haine longtemps recuite de l’immigré et de l’obsession de l’ennemi intérieur ». Il appelle les Européens à se ressaisir, sous peine du « pire ».
Vision apocalyptique ou peu s’en faut aussi avec l’historien Keith Dixon – tout comme les députés européens Pervenche Berès, Gianni Pittella et Udo Bullmann – qui accuse David Cameron de s’être pris à son propre piège : « Le premier ministre britannique pensait faire coup double avec ce référendum : obtenir de nouvelles exemptions britanniques de la part des dirigeants européens dans une négociation sous pression et, une fois ces concessions obtenues, couper l’herbe sous le pied des eurosceptiques, assurer sous sa direction personnelle la victoire du camp du maintien du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne ». Raté ! Avec la menace d’une véritable crise constitutionnelle interne, l’Ecosse exigeant déjà la tenue d’un référendum sur son indépendance, signe avant-coureur de la fin du Royaume-Uni tel qu’on le connaît aujourd’hui…
Nicolas Hulot appelle à réagir à « ce vote désespérant ». « Aux Européens de faire preuve de résilience et de s’émanciper du périmètre sacré des affaires et des élites ». Il faut « rendre l’Europe aux peuples et aux gens ordinaires, regrouper les énergies autour de grands projets ».
Pour le conseiller spécial de M. Juncker, Michel Barnier, le « Brexit » ne doit pas occulter l’essentiel : « Notre environnement géopolitique s’est brusquement dégradé, à l’Est, au Sud, au Moyen-Orient. La distinction entre menaces extérieures et sécurité intérieure perd de son sens, comme l’ont tragiquement rappelé les attentats de Paris et de Bruxelles ».
L’ancien ministre Jean-Pierre Chevènement, le « Brexit » est une chance pour l’Europe, qui pourrait lui permettre « une refondation démocratique qui articulerait la démocratie qui vit dans les nations avec une démocratie européenne qui reste à construire ». Il appelle de ses vœux la tenue d’une conférence « chargée de redéfinir les institutions européennes et de repenser le modèle de développement qui résulte notamment du traité budgétaire de 2012 et qui plombe la croissance européenne. Cette conférence pourrait s’inspirer d’un précédent : celui de la conférence de Messine qui, après l’échec de la Communauté européenne de défense, a permis, en 1955, de remettre l’Europe sur les rails et de préparer le traité de Rome ».
La réforme de l’Europe est aussi au programme de François Fillon, qui ne veut plus d’une Europe « passoire, qui multiplie les contrôles et les réglementations », d’une Europe des techniciens. La relance de l’Europe passe par la nécessité « de franchir enfin l’étape politique de l’euro avec l’organisation d’une représentation parlementaire, la nomination d’un ministre permanent des finances de l’euro, l’engagement du processus d’harmonisation fiscale pour les entreprises de la zone ».
Les députés européens Pervenche Berès, Gianni Pittella et Udo Bullmann expliquent, eux aussi, que l’Europe ne peut pas être « une machine bureaucratique ». Pour eux, « les Vingts-Sept doivent travailler ensemble en matière migratoire, de défense, de sécurité, de transition énergétique et de numérique ; au niveau de la zone euro, nous devons parvenir à une véritable convergence sociale et fiscale » avec « un véritable ministre des finances de l’UE, avec un budget approprié et une capacité budgétaire pour la zone euro », avec la nécessité « de créer un organisme européen disposant, comme le FBI, de pouvoirs d’enquête réels » pour lutter contre dumping fiscal, les paradis fiscaux et l’évasion fiscale.
A lire sur le sujet :
– Un vote qui annonce « la fin prochaine du Royaume-Uni tel que l’on le connaît », par Keith Dixon, professeur honoraire de civilisation britannique à l’université Lumière-Lyon-II. Naguère, la question européenne était plus consensuelle outre-Manche. Aujourd’hui, la droite conservatrice a gagné le débat et la rupture pourrait bientôt être complète avec l’Ecosse.
– Bernard-Henri Lévy : « Etrange défaite à Londres ». D’après l’écrivain, philosophe, et membre du conseil de surveillance du « Monde », le vote des Britanniques incarne la « victoire du souverainisme le plus sombre », préalable à « un possible crépuscule d’un projet de civilisation ». Soit les Européens se ressaisissent, soit le pire les attend
- Nicolas Hulot : « L’Europe apparaît comme un problème alors qu’elle est la solution ». Pour le producteur, écrivain et président de la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme, il faut faire de ce coup dur une opportunité de rebondir et faire en sorte que la sortie du Royaume-Uni de l’UE ne soit pas synonyme de fin d’un projet européen porteur de paix
– Pour Michel Barnier, il faut « mettre en place une union de la sécurité et de la défense ». D’après le conseiller spécial de M. Juncker et ancien ministre des affaires étrangères et vice-président de la commission européenne, l’Europe, qui est en danger, doit s’adapter aux nouvelles menaces. Au couple franco-allemand de prendre ses responsabilités.
– Jean-Pierre Chevènement : « Sortons du déni de démocratie en Europe ». Les gouvernements de l’Union européenne méprisent les choix des peuples. Les Britanniques viennent de leur donner une leçon de souveraineté nationale et de démocratie, explique l’ancien ministre, président du think tank République moderne.
– François Fillon : « C’est la fin du fédéralisme administratif ». Pour l’ancien premier ministre (2007-2012), député de Paris et candidat à la primaire de droite et du centre, les Européens doivent réformer l’Union européenne autour d’un nouveau traité.
– « L’échec d’une Europe où le ciment entre les peuples et la prospérité seraient venus des seules vertus du marché », par Pervenche Berès (présidente de la délégation socialiste française au Parlement européen), Gianni Pittella (président du groupe socialiste et démocrate italien au Parlement européen) et Udo Bullmann (président de la délégation sociale-démocrate allemande au Parlement européen). Le marché ne peut pas tout. Il faut donc revenir aux fondements du projet européen, à savoir une Europe politique, expliquent les députés européens.
A lire aussi :
– L’Union européenne subit un désaveu majeur, par Jérôme Fenoglio.