Des militants de l’association Des ailes pour l’Ouest, favorables au transfert de l’actuel aéroport Nantes-Atlantique vers Notre-Dame-des-Landes, le 22 juin. | JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

« Etes-vous favorable au projet de transfert de l’aéroport Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ? » Par cette simple question posée lors du référendum du 26 juin aux électeurs de Loire-Atlantique, le gouvernement espère refermer le dossier en démarrant le chantier le plus vite possible en cas de victoire du « oui », ou en l’abandonnant si le « non » triomphe.

En fait, si le oui l’emporte et si l’on suit à la lettre la question, le transfert « sur la commune de Notre-Dame-des-Landes » entraînera la construction d’un aéroport… incomplet, car amputé d’une partie importante de sa piste sud. Selon les plans consultés, en effet, la moitié de cette dernière se trouve sur le territoire de la commune de Vigneux-de-Bretagne, oubliée dans la question rédigée par le gouvernement. Celle-ci est donc tout simplement fausse. La question aurait dû être : « Etes-vous favorable au projet de transfert de l’aéroport Nantes-Atlantique sur les communes de Notre-Dame-des-Landes et de Vigneux-de-Bretagne ? »

L’emprise globale de l’aéroport, la zone d’aménagement différé (ZAD) et les infrastructures de transport prévues s’étalent en réalité sur quatre communes : Notre-Dame-des-Landes, Vigneux-de-Bretagne, Grandchamps-des-Fontaines et Faye-de-Bretagne. Mais seules deux d’entre elles accueilleront les infrastructures aéroportuaires prévues dans la déclaration d’utilité publique de 2008.

« Transfert » ou pas « transfert » ?

Cette question ne précise pas non plus de quel futur aéroport il s’agit. Petit rappel : l’actuel Nantes-Atlantique développe une piste de 2 900 mètres et la future plate-forme aéroportuaire devait être dotée de deux pistes de 3 600 m dans le scénario initial. Des dimensions ramenées, en 2011, dans le contrat de concession, à 2 900 mètres pour la piste nord (extensible dans le futur à 3 600 mètres) et 2 750 mètres pour la piste sud.

En mars 2016, un nouveau scénario d’aéroport était envisagé par trois experts missionnés par la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, en janvier. Ceux-ci, jugeant « surdimensionné » le projet retenu, proposaient pour Notre-Dame-des-Landes une infrastructure aéroportuaire « redimensionnée à une seule piste » de 2900 mètres, au lieu des deux prévues. De quoi, pour les opposants au transfert, semer le doute sur le scénario en jeu dans le vote de dimanche.

Les opposants au projet dénoncent ensuite l’emploi du mot « transfert ». Celui-ci laisserait entendre qu’un aéroport ferme afin qu’un autre puisse ouvrir. Or, expliquent-ils, même en cas de construction de la nouvelle infrastructure, à une quinzaine de kilomètres au nord de Nantes, le site actuel, sur la commune de Bouguenais, resterait ouvert. Sa piste ne serait pas détruite et servirait aux activités de l’industriel Airbus, dont l’usine est mitoyenne de l’actuel aéroport.

Saisis par les opposants, les juges du Conseil d’Etat ont estimé, lundi 20 janvier, que ce maintien de la piste à Bouguenais n’était pas de nature à changer les termes de la question posée, que cela n’entachait en rien « la sincérité du scrutin ». Dès lors que « la piste de Nantes-Atlantique serait maintenue pour un usage strictement industriel d’Airbus avec deux ou trois vols par semaine en fonction des besoins logistiques ». Par ailleurs, le sort de la petite aviation de tourisme – l’aéro-club est basé sur le terrain actuel de Nantes-Atlantique – ne semble pas totalement réglé.

Un périmètre électoral incomplet

Enfin, le périmètre de la consultation retenu par le gouvernement, celui du département de la Loire-Atlantique et ses 967 500 électeurs, est depuis le début contesté par les associations de défense de l’environnement. D’autres échelles auraient pu être proposées, selon elles, pour ce projet d’intérêt national, qui touche un bassin de chalandise régional et qui est financé par de nombreuses collectivités territoriales, dont les régions Pays de la Loire et Bretagne, ainsi que par l’Etat qui est le donneur d’ordre et qui a signé la déclaration d’utilité publique de 2008. Certains départements bretons ont d’ailleurs protesté contre leur exclusion du périmètre électoral.

Brigitte et Sylvain Fresneau, agriculteurs militants contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, le 22 juin, à La Vache Rit, haut-lieu de la ZAD. | JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

La ministre de l’environnement, Ségolène Royal, a défendu, il fut un temps, un périmètre plus large que le simple département. Là encore, le premier ministre a tranché et choisi le périmètre de l’enquête d’utilité publique. Un choix qui « n’entache pas la légalité » de la consultation, a jugé le Conseil d’Etat.

Il s’avère par ailleurs que la superficie électorale choisie se montrerait plus favorable au transfert d’aéroport, selon les sondages. 58 % des habitants se sont déclarés en faveur de ce scénario, selon un sondage IFOP, publié jeudi 3 mars (réalisé du 29 février au 2 mars auprès d’un échantillon de 545 personnes pour le compte d’Europe 1 avec i-Télé). Au niveau national, la proportion est inversée avec 60 % des personnes interrogées opposées au projet d’aéroport, selon un sondage OpinionWay (réalisé auprès de 1 061 personnes, les 15 et 16 juin, pour France Nature Environnement).

Autant dire que le résultat du vote de dimanche, surtout s’il se conclut en faveur du transfert, ne sera pas reconnu par les opposants. Quant à savoir s’ils comptent le contester devant la justice, rien n’est moins sûr. Il n’a qu’une valeur consultative, relativisent les tenants du « non », qui dénoncent aussi de nombreuses irrégularités durant la campagne électorale, telles des prises de position en faveur du transfert de l’aéroport de la part de maires des communes de Loire-Atlantique dans leurs éditoriaux de bulletins municipaux.