Un croquis de l’homme que l’on a appelé D. B. Cooper. | AP

Il y a quarante-quatre ans, un homme détournait un avion reliant deux villes dans l’Etat de Washington aux Etats-Unis, l’obligeait à atterrir à Seattle et, après avoir échangé les 36 passagers contre 200 000 dollars et quatre parachutes, repartait avec les membres d’équipage.

Il avait exigé que l’avion se rende au Mexique, mais, peu de temps après le décollage, il saute en parachute, en pleine nuit au-dessus d’une dense forêt, sa rançon à la main. Ni l’homme, qu’on a appelé D.B. Cooper, ni son butin ne seront jamais retrouvés.

Dans un bref communiqué diffusé le 12 juillet, le FBI a acté le fait qu’il n’a pas pu, et ne pourra vraisemblablement jamais, résoudre cette affaire entrée dans la mythologie criminelle américaine. Après avoir « vérifié toutes les pistes crédibles », le FBI ne travaillera plus de manière « active » sur ce dossier et allouera les ressources vers « d’autres priorités d’enquête ».

L’affaire D.B. Cooper était devenue ce que l’agence appelle « un dossier majeur », avec son nom de code, NORJAK, une équipe dédiée de plusieurs agents et un financement indépendant. Un porte-parole a qualifié l’affaire « d’une des investigations les plus longues et exhaustives » de l’histoire du FBI. Le fait qu’elle n’ait abouti à rien l’a rendue encore plus attrayante et mystérieuse.

« Les tuyaux ne se sont jamais arrêtés »

Agents du FBI, policiers locaux, détectives privées, journalistes et amateurs se sont intéressées, certains plus obsessionnellement que d’autres, au cas de D. B. Cooper. Des dizaines de milliers d’heures d’enquêtes, de suppositions et de corroborations ont fait que le moindre détail de l’histoire est connu, au moins jusqu’au moment où l’homme saute de l’avion à 3 000 mètres d’altitude.

On sait qu’il ne s’agit pas de son vrai nom, Dan Cooper étant le nom qu’il a donné pour acheter son billet. Il deviendra D.B. Cooper après que la police a interrogé un journaliste local du même nom, un moment soupçonné d’être le fugitif. Malgré la fausse piste, le nom restera.

On sait, grâce aux témoignages des passagers et de l’équipage, qu’il avait une quarantaine d’années, le teint mat, une cravate noire qu’il laissera derrière lui dans l’avion. On sait qu’il s’est montré poli, qu’il a commandé un bourbon et fumé quelques cigarettes avant de passer une note à l’hôtesse pour dire qu’il avait une bombe dans sa valise. Le Boeing 727 d’où il s’est jeté a été étudié, tout comme la zone de denses forêts, entre Seattle et Reno, au-dessus de laquelle il décide de sauter.

Plus de 800 suspects ont été interrogés en quatre décennies et des dizaines de milliers de pistes, de coups de fil anonymes, de théories ont été reçus, étudiés, interrogés, retournés dans tous les sens et écartés. A tel point que le FBI reconnaît à demi-mot avoir fermé le dossier car il ne pouvait plus gérer les appels. Un porte-parole a dit au Seattle Times que même après le communiqué du 12 juillet, les appels continuaient :

« Les tuyaux ne se sont jamais arrêtés. Même si on essaie de dissuader le public, ils arrivent encore. »

Des liasses de billets au bord d’une rivière

Ce qu’il reste des billets. | HANDOUT / REUTERS

Après quarante ans de boulot, les enquêteurs ont quand même une thèse privilégiée : D.B. Cooper n’aurait pas survécu à son saut en parachute. Dans un briefing datant de 2007, l’agent du FBI David Carr, qui a piloté l’enquête ces dernières années, résume ses arguments :

« Aucun parachutiste expérimenté n’aurait sauté dans la nuit noire, alors qu’il pleuvait, avec un vent de face de plus de 300 km/h, habillé d’un imperméable et de mocassins. C’était trop risqué. »

Le jugement n’est pas définitif car ni le corps ni le parachute n’ont jamais été retrouvés. Et qui peut dire que D. B. Cooper n’était pas un spécialiste du saut ou un ancien militaire ?

Il y a eu, au fil des ans, juste assez d’incertitudes, d’hypothèses plausibles et de nouvelles pistes pour qu’il y ait une chance, aussi minime soit-elle, que l’homme s’en soit sorti. En 1980, un garçon découvrait 5 800 dollars en liasse de billets de 20 dollars pourris au bord de la rivière Columbia dans l’Etat de Washington. Les numéros de série collaient avec ceux du butin de D.B. Cooper. La légende grandit alors avec des livres, des films et des chansons sur l’histoire de cet homme qui s’était littéralement volatilisé en plein air.

A la fin de son communiqué, le FBI dit qu’il est prêt à rouvrir ce « cold case » si de nouveaux indices apparaissent. Fait rarissime pour une agence qui rechigne habituellement à partager son travail, les agents avaient ouvert leurs dossiers à un groupe de détectives citoyens, obsédés par l’affaire comme peuvent l’être les autodidactes, pour avoir une nouvelle perspective. On retrouve le résultat de ce travail collaboratif sur le site du collectif. Tout ce qu’on sait ou qu’on imagine sur D.B. Cooper est répertorié, y compris la possibilité qu’il ait survécu.