Des militants contre le projet de Centre industriel de stockage géologique de déchets radioactifs à Bure (Meuse), à Mandres-en-Barrois, le 21 juin. | JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN/AFP

La tension est montée de plusieurs crans, samedi 16 et dimanche 17 juillet, dans le conflit qui entoure le projet de Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) des déchets radioactifs près de Bure (Meuse). A plusieurs reprises, des affrontements parfois violents ont opposé les contestataires aux gendarmes mobiles et aux vigiles de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), chargée de réaliser ce centre d’enfouissement. Lundi 18 juillet, un calme précaire était revenu dans cette région rurale. Mais la mobilisation semble devoir s’installer dans la durée.

Samedi, environ 400 personnes, militants antinucléaires, villageois et paysans, appuyés par des activistes en lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) venus en car, ont participé à une « manifestation de réoccupation » du bois Lejuc, sur le territoire de la commune de Mandres-en-Barrois. Une parcelle forestière que les opposants avaient déjà investie le 19 juin et tenue par des barricades pendant trois semaines, avant d’en être délogés par les forces de l’ordre, le 7 juillet.

Ce bois de 220 hectares, devenu propriété de l’Andra au terme d’un échange de forêts dont la légalité est contestée par les anti-Cigéo, est désormais l’épicentre du conflit. Il se trouve en effet à l’aplomb du futur site de stockage de déchets radioactifs, qui doit être creusé à 500 mètres sous terre, et l’Andra y a entrepris de premiers travaux eux aussi contestés devant la justice. Après avoir planté une clôture de bois et de barbelés qui a été démontée par les occupants, elle est en train d’y installer un mur en béton afin, justifie-t-elle, de protéger ses salariés et ses sous-traitants.

« On a repris la forêt ! »

Dans le cortège champêtre parti du village de Bure, accordéon, violons, tracteurs, banderoles et pique-nique, mais aussi masques, cagoules, casques et munitions diverses. En début d’après-midi se sont produites de premières échauffourées entre un groupe de militants et des gendarmes mobiles, sous des tirs croisés de projectiles variés et de grenades lacrymogènes. Les manifestants en ont profité pour pénétrer dans le bois et annoncer, dans un communiqué relayé par le réseau Sortir du nucléaire, avoir « repris la forêt ». Dans la foulée, une cantine collective était installée, des cabanes échafaudées.

Peu après, les occupants faisaient état d’« agressions commises par le service de sécurité privé de l’Andra », qui s’en est pris à des manifestants, comme le montre un reportage de France 3 Lorraine. Après une nuit et une matinée dominicale passées, dans les deux camps, sur le qui-vive, de nouveaux accrochages ont eu lieu dimanche après-midi au milieu des champs à la suite de l’assaut donné contre une barricade par les gendarmes. En fin d’après-midi, ceux-ci ont finalement choisi de se replier en lisière du bois.

Sur l’ensemble du week-end, les opposants font état d’« au moins cinq personnes blessées » par les vigiles de l’Andra et trois autres par « des tirs de Flash-Ball et de grenades de désencerclement ». De son côté, l’Andra décompte « trois blessés au visage, dont deux de ses gardiens et un gendarme », par des jets de pierres.

Appel à « un nouveau week-end de barricades antinucléaires »

Lundi matin, l’un des animateurs de la résistance au projet Cigéo assurait que le bois Lejuc était toujours « réoccupé », avec, sous les frondaisons, la présence au moins sporadique de « plusieurs dizaines » de personnes. Le directeur du centre Meuse-Haute-Marne de l’Andra, Jean-Paul Baillet, affirmait au contraire que les opposants restaient cantonnés en lisière de la forêt et que les « travaux se poursuivaient normalement ». La préfecture de la Meuse, pour sa part, indiquait seulement que « la situation est toujours en cours », c’est-à-dire évolutive, l’ordonnance d’expulsion prise le 23 juin par le président du Tribunal de grande instance de Bar-le-Duc demeurant exécutoire.

Née voilà plus de vingt ans, l’opposition au centre d’enfouissement de déchets radioactifs est en tout cas, depuis quelques semaines, en voie de radicalisation. Au refus de voir les confins de la Meuse et de la Haute-Marne transformés en « cimetière radioactif » s’agrège à présent le combat contre la privatisation des terres et la désertification rurale. Avec comme étendard la défense d’une forêt, qui rappelle le combat pour la sauvegarde des zones humides menacées par le projet de barrage de Sivens (Tarn) ou l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

D’ores et déjà, les opposants appellent à « la formation de comités de soutien partout en France » et à « un nouveau week-end de barricades antinucléaires », les 13 et 14 août à Bure. Ils veulent en faire, annonce l’un de leurs porte-parole, qui se présente sous le pseudonyme de Sylvestre, « le point de ralliement de tous les combats contre les gransds projets inutiles et imposés ».