Editorial. Après Nice, comment débattre ?
Après Nice, comment débattre ?
Editorial. S’il est sain que le débat politique porte sur les attentats et la sécurité des Français en général, il y a des propos qui relèvent de l’électoralisme pur et simple et sont, en l’espèce, pour le moins déplacés.
Eric Ciotti, Christian Estrosi et Manuel Valls, à Nice le 18 juillet. | LAURENT CARRE POUR "LE MONDE"
Editorial du « Monde ». Il est légitime, sain et nécessaire que le débat politique porte sur les attentats et la sécurité des Français en général. Il est inévitable, sinon normal, que les perspectives électorales de 2017 pèsent sur la qualité des échanges. Mais il y a des surenchères à éviter, des accusations à ne pas porter à la légère, des propos qui relèvent de l’électoralisme pur et simple et sont, en l’espèce, pour le moins déplacés. Après Nice, on n’y a pas toujours échappé. Hélas !
La question n’est pas celle de « l’unité nationale ». La majorité et l’opposition sont dans leur rôle en défendant des positions qui peuvent diverger sur la manière la plus efficace de lutter contre le terrorisme. En matière d’unité nationale, ce sont, jusqu’à présent, les Français qui donnent l’exemple, on ne l’a pas assez dit. Calme et dignité, telle a été la tonalité générale des réactions à chaque étape de cette série noire – les attentats de janvier puis de novembre 2015, le double meurtre de policiers à Magnanville, devant leur enfant, en juin, puis Nice ce 14 juillet.
François Hollande a souvent eu les mots et les gestes qu’il fallait au lendemain de ces drames. Peut-être peut-on reprocher, cette fois, au gouvernement d’avoir donné l’impression de se réfugier derrière des formules qui revenaient à dire : « Nous n’avons pas fait d’erreurs, nous faisons tout ce qui est possible. » Mais l’opposition n’a pas attendu pour mener une charge parfois injustifiée. Les circonstances factuelles de Nice n’étaient pas encore établies, pas plus que l’identification des victimes. Le procureur de la République de Paris, François Molins, n’avait encore rien livré de l’enquête de police.
On peut toujours dénoncer les failles du dispositif de sécurité à Nice et débattre des responsabilités des uns et des autres. La « marque » du terrorisme est d’être relativement imprévisible. Pourquoi Nice plutôt que l’Euro ou tel festival d’été ? Fallait-il dès le week-end pointer l’attitude « fataliste » du gouvernement, comme l’a fait l’ancien premier ministre Alain Juppé ? Etat d’urgence, effectifs renforcés, législation musclée : à chaque frappe terroriste, l’Etat a durci son dispositif juridico-policier – à tort ou à raison, bien ou mal.
Dans l’exercice du volontarisme affiché de façon virile – et qui rappelle cette « croissance » qu’il irait « chercher avec les dents », à une autre époque –, Nicolas Sarkozy a été fidèle à lui-même, égrenant une panoplie de mesures antiterroristes qui, soit existent déjà, soit n’auraient servi à rien pour empêcher Nice. Le tueur en série, un Tunisien de 31 ans, Mohamed Lahouaiej Bouhlel, ne s’est visiblement « converti » au djihadisme islamiste que très tardivement. Jusque-là, cet alcoolique violent relevait de la psychiatrie, comme l’a dit le procureur, et du petit droit commun.
Mais talonnés par un Front national mystificateur et prônant des solutions magiques irresponsables – les remèdes-miracles de la démagogie –, les candidats à la primaire au sein du parti Les Républicain, on le voit bien, encourent le risque de la surenchère.
Mieux vaut écouter les experts qui, comme François Heisbourg, appellent à la création d’une vraie commission d’enquête sur l’état et l’organisation de nos services, notamment, et la nécessité de revenir à une police de proximité, entre autres. Dans la lutte en cours contre le terrorisme, il y a deux interdits : le « y a qu’à » et l’abattement.