Très mauvais élève, Paris se lance vers le « zéro déchet »
Très mauvais élève, Paris se lance vers le « zéro déchet »
Par Laetitia Van Eeckhout
Les Parisiens devront désormais collecter les déchets d’origine végétale ou animale dans une troisième poubelle de tri, un « bio-seau ».
Un centre de tri de l'agence métropolitaine des déchets ménagers Syctom, le 27 août 2015 à Sevran. | THOMAS SAMSON / AFP
La Mairie de Paris doit prendre le taureau par les cornes. Et elle le sait. Le plan pluriannuel de renforcement de la propreté de la capitale, soumis mardi 16 février au conseil municipal, doit lui permettre de rattraper le fort retard qu’elle accuse dans la collecte sélective et le recyclage des déchets.
Selon une enquête publiée en novembre 2015 par la Commission européenne sur l’état de la collecte sélective des déchets dans les vingt-huit capitales de l’Union, Paris se situe dans le dernier tiers en termes de performances, devant Madrid mais derrière Amsterdam et même Athènes. Aujourd’hui, 84 % des déchets de la capitale sont encore incinérés ou enfouis en décharge. Seulement 16 % sont recyclés. Il n’y a guère que le verre qui soit à 65 % recyclé.
A l’instar d’autres grandes agglomérations, comme San Francisco ou Milan, et même de quelque quatre-vingt-dix villes françaises déjà, Paris veut désormais s’inscrire dans une stratégie « zéro déchet ». « L’objectif est de ramener le plus vite possible, d’ici à la fin de la mandature, la mise en décharge ou en incinérateur en dessous de 50 % de la collecte des déchets. Et d’être à 20 % d’ici une quinzaine d’années », affirme Mao Peninou, adjoint d’Anne Hidalgo chargé de la propreté et du traitement des déchets.
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Une troisième poubelle de tri
Pour permettre ce saut quantitatif et qualitatif, Paris va mettre en pratique la collecte des « biodéchets » — déchets d’origine végétale ou animale que sont épluchures, restes de repas, produits périmés, les fleurs fanées, etc. —, qui représentent plus d’un tiers des ordures ménagères.
Dans les immeubles, une troisième poubelle de tri destinée à recevoir tous ces déchets de table et de cuisine sera mise à disposition des ménages, en plus de la poubelle jaune (matériaux recyclables secs) et de la poubelle blanche (verre). Chaque logement se verra doté d’un « bio-seau », avec sacs biodégradables. La Ville commencera dès cette année par équiper les 2e et 12e arrondissements, avant de généraliser cette collecte.
« Triés dès la cuisine et collectés séparément, les biodéchets peuvent être valorisés en biogaz ou en compost pour le jardinage et l’agriculture, explique Mao Peninou. Nous voulons notamment travailler avec les agriculteurs d’Ile-de-France et leur proposer un compost de meilleure qualité que les engrais chimiques. » La Ville n’a pas la compétence directe du traitement des déchets, mais elle travaille étroitement avec le Syctom, l’agence métropolitaine des déchets ménagers. Recourant aujourd’hui à des prestataires privés pour le traitement de ce type de déchets, celle-ci réfléchit déjà à se doter, au fil de la montée en charge, de ses propres équipements de méthanisation ou de compostage.
« Ce pas que franchit Paris en se lançant dans la collecte des biodéchets est d’autant plus décisif que dans les collectivités ayant engagé cette collecte, on observe une amélioration du tri des emballages ménagers et autres matières recyclables, se félicite Laura Chatel, chargée du programme Territoires chez Zéro Waste France. Or à Paris, même ce tri est loin d’être satisfaisant. » 50 % du contenu de la poubelle verte (qui contient le tout-venant) d’un ménage parisien sont des déchets recyclables secs.
Inscrire le tri dans le quotidien des Parisiens
Une vaste campagne de communication va être lancée. Les consignes de tri des cartons et plastiques seront simplifiées et les moyens pour trier multipliés. Alors qu’aujourd’hui, neuf mille immeubles n’ont toujours pas de poubelle jaune et vingt et un mille pas de poubelle blanche, la Ville va déjà accroître le nombre de bacs. Cent quatre-vingt-dix nouvelles colonnes à verre seront installées dans l’espace public d’ici à 2020. Des composteurs seront installés dans tous les parcs et jardins. Et une quarantaine de « Trilib’» seront posés sur la voie publique, à la place de stationnements automobiles.
Ce nouveau module de collecte et de tri des matériaux recyclables, constitué de plusieurs bacs spécifiques (papiers, cartons, plastiques, verre, textiles…), sera expérimenté dès 2016, en partenariat avec Eco-emballages, dans les 2e, 4e, 13e, 18e et 19e arrondissements. Et à partir de 2017, il sera généralisé à toute la ville. « Nous voulons donner plus de place à la gestion des déchets dans l’espace public pour inscrire l’évidence du tri dans le quotidien des Parisiens », insiste Mao Peninou.
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De la même façon, d’ici à 2020, dans chaque arrondissement sera ouverte une ressourcerie où les Parisiens pourront déposer des objets dont ils n’ont plus l’utilité mais bons au réemploi. La Ville créera dix nouvelles déchetteries, dont une boulevard de Ménilmontant en 2018 et une autre porte de Pantin dès cette année. Une déchetterie en vis-à-vis de la Philharmonie : tout un « symbole » pour Anne Hidalgo, qui veut que sa « ville ne tourne plus le dos à ses déchets pour les exporter en dehors de ses frontières, mais intègre leur gestion dans son tissu urbain ».