Le ministre des finances, Michel Sapin, et le secrétaire d’Etat chargé du budget, Christian Eckert, ont dévoilé, mercredi 16 mars, une grande partie du dispositif de la réforme du prélèvement à la source préparée par le gouvernement. | ETIENNE LAURENT / AFP

Le ministre des finances, Michel Sapin, et le secrétaire d’Etat chargé du budget, Christian Eckert, ont dévoilé, mercredi 16 mars, une grande partie du dispositif de la réforme du prélèvement à la source préparée par le gouvernement. Ses modalités concrètes figureront dans le projet de loi de finances rectificative qui sera présenté au Parlement en juin.

Serpent de mer de la fiscalité, promesse de campagne de François Hollande en 2012, le prélèvement à la source consiste à retenir l’impôt directement sur le salaire du contribuable au lieu que celui-ci reçoive son salaire pleinement, déclare ses revenus et paye l’impôt ensuite. Pour le contribuable, le salaire mensuel est ainsi moins élevé mais il n’y a plus de paiement automnal – ou de mensualisation sur dix mois, comme le font déjà 60 % des contribuables.

  • Quels sont les revenus concernés ?

Selon Bercy, la quasi-totalité des contribuables et des revenus sont concernés par cette mesure. En d’autres termes : les salariés, les retraités, les demandeurs d’emploi ou bénéficiaires de revenus de remplacement, les indépendants et les propriétaires percevant des revenus fonciers. Seuls les revenus des capitaux mobiliers et les plus-values immobilières ne seront pas directement touchés par cette réforme, étant eux-mêmes déjà prélevés à la source.

  • Comment va se dérouler la collecte ?

Chez les salariés, l’impôt sera prélevé par l’employeur, sur la base d’un taux d’imposition calculé et transmis par l’administration fiscale. Il apparaîtra sur la fiche de paie dès janvier 2018, au même titre que les cotisations sociales. Même chose chez les retraités, à ce détail près que la collecte sera réalisée par la caisse de retraite. Pour les demandeurs d’emploi, celle-ci sera assurée par Pôle emploi.

« Pour le salarié, ce ne sera qu’une ligne de plus sur la fiche de paie (…). Il n’aura aucune démarche de paiement de l’impôt à faire, jusqu’à la déclaration de ses revenus. Pour l’employeur, dont le cœur de métier n’est pas de collecter des prélèvements obligatoires, même s’il y est déjà habitué avec les cotisations sociales et la CSG, nous veillerons à ce que le système soit, aussi, le plus simple possible », a promis le ministre des finances, Michel Sapin.

Les travailleurs indépendants, quant à eux, verseront un acompte mensuel ou trimestriel, calculé par l’administration sur la base des revenus de 2016, puis ajustés à l’automne en fonction des revenus 2017 déclarés au printemps. En cas de crainte d’une forte baisse de revenu en 2018, ils pourront le signaler afin que soit modulé l’impôt sur la base d’une nouvelle estimation. Ce mécanisme d’acomptes sera également appliqué aux revenus fonciers.

  • Comment sera appliqué le taux d’imposition ?

Calculé par l’administration fiscale, le taux d’imposition s’appliquera chaque mois au revenu perçu. Si le revenu diminue, le montant du prélèvement diminuera ; s’il augmente, il augmentera dans la même proportion.

Le contribuable pourra également demander en cours d’année une mise à jour de son taux d’imposition en cas de variation importante des revenus de son foyer ou d’un changement de situation.

« L’employeur ne sera informé ni de la situation familiale ni des autres revenus perçus par le salarié, a assuré M. Eckert mercredi. C’est l’administration fiscale qui restera l’unique destinataire des informations fiscales et l’unique interlocuteur des contribuables. » C’est dans sa déclaration annuelle de revenus, faite au printemps, que le contribuable fera figurer ces éléments.

  • Qu’advient-il du quotient familial ?

« L’impôt continuera à être calculé au niveau du foyer fiscal », a insisté Michel Sapin. La familialisation et la conjugalisation de l’impôt, malgré la retenue à la source, seront ainsi conservées.

Pour prendre en compte les éventuelles disparités de revenus au sein du couple, les conjoints pourront toutefois opter pour deux taux d’imposition différents. « Il ne s’agit pas d’une individualisation de l’impôt, mais d’une simple répartition différente du paiement de l’impôt », fait valoir Bercy. « Cela n’aura pas d’incidence sur le montant » dû.

  • Sera-t-il toujours possible de bénéficier de crédits d’impôt ?

Le passage au prélèvement à la source n’empêchera pas les contribuables de continuer à bénéficier de réductions ou de crédits d’impôt, par exemple lorsqu’ils investissent dans la rénovation de leur logement pour faire des économies d’énergie ou lorsqu’ils effectuent un don à des organismes caritatifs. « Toutes ces incitations seront conservées avec la réforme », a promis M. Sapin. Le ministre a ajouté que l’impôt sur le revenu servait « aussi à aider les contribuables dans des situations spécifiques ».

  • Quel est le calendrier de mise en œuvre de la réforme ?

La réforme du prélèvement à la source doit être adoptée au plus tard fin 2016. Alors qu’aujourd’hui l’impôt sur le revenu est prélevé avec un an de décalage, il sera désormais perçu « en temps réel ». Ce qui permettra d’ajuster le montant de l’impôt en fonction de l’évolution de la situation du contribuable.

En 2017, par conséquent, les contribuables paieront leur impôt sur les revenus de 2016 et, en 2018, ils s’en acquitteront chaque mois sur leurs revenus de 2018. Le budget de l’Etat continuera donc à percevoir l’impôt sur le revenu en 2017 et 2018 de manière ininterrompue. « Il n’y aura ni année blanche ni année double », souligne M. Sapin.