En 2015, le bilan de santé des étudiants se dégrade
En 2015, le bilan de santé des étudiants se dégrade
Par Adrien de Tricornot
Difficultés pour se soigner, mal-être, addictions, comportements sexuels à risques : la situation des étudiants ne s’améliore pas, selon les enquêtes des trois principales mutuelles étudiantes.
Les enquêtes annuelles des mutuelles étudiantes montrent que ces jeunes sont en petite forme. | Lauren Pollock / Flickr
15 % des étudiants jugent leur état de santé moins bon en 2015 que l’année précédente. Ce constat, dressé par l’enquête annuelle de LMDE publié mercredi 1er juillet, est corroboré par les études annuelles des autres mutuelles étudiantes, le réseau régional emeVia, paru jeudi 2 juillet, et celui de la Smerep, mutuelle de l’Ile-de-France (654).
Si les méthodologies, les échantillons et les questions posées diffèrent (avec 8 078 adhérents sondés par emeVia, 4 246 côté LMDE et 654 pour la Smerep), leurs enseignements se complètent et souvent se rejoignent. En voici les principaux points, souvent préoccupants.
Les addictions s’aggravent
- Alcool et tabac. Selon l’enquête d’emeVia, 73,5 % des étudiants ont conscience d’avoir déjà trop bu. Et 21,1 % entrent dans la catégorie des « buveurs excessifs ». Selon la LMDE, 54 % des étudiants ont déjà expérimenté une « alcoolisation ponctuelle importante » (API) – six verres d’alcool en une même occasion – au cours de l’année. D’autre part, un étudiant sur quatre est fumeur occasionnel ou régulier. Selon emeVia, la part de fumeurs quotidiens excessifs (10 cigarettes ou plus par jour) augmente : elle représente 6,1 % des étudiants en 2015 contre 5,5 % en 2014.
- Cannabis. Selon emeVia, 37,7 % des étudiants ont déjà consommé du cannabis (+1,9 point en deux ans). Un étudiant sur cinq en a fumé au cours des douze derniers mois. Selon la LMDE, 2,5 % des étudiants présentent un « risque élevé d’usage problématique du cannabis », mesuré selon le test CAST (Cannabis Abuse Screening Test). L’étude emeVia souligne aussi que 3,8 % des étudiants (+0,7 point) sont des consommateurs réguliers et 3,4 % en font un usage « quasi quotidien » (plus de deux fois par semaine) : (+0,4 point). Et ces consommateurs quasi-quotidiens orment un groupe, en danger, de « polyconsommateurs de produits psychoactifs » : forts consommateurs d’alcool, de tabac et de drogues dures.
- Drogues dures. Les produits psycho-actifs sont consommés par une minorité mais emeVia constate une hausse. 4,6 % des étudiants ont pris des poppers dans les douze derniers mois (+0,7 point), ce qui reflète la levée de son interdiction à la vente en juin 2013, et cette proportion a plus que triplé pour l’ecstasy/MDMA : 2,6 % au lieu de 0,8 %. 1,5 % ont consommé de la cocaïne et 1,4 % des champignons hallucinogènes.
Le moral flanche
- Stress et déprime. 58 % des répondants à l’enquête Smerep se déclarent souvent angoissés ou stressés « au point que cela perturbe tous les jours [leur] vie quotidienne », les études étant le premier facteur de stress. Beaucoup ont des problèmes de sommeil. Et 21 % dorment moins de 7 heures par nuit (LMDE). Ainsi, 69 % se sont déjà sentis « déprimés ou mal dans leur peau » (Smerep). Pour la LMDE, 37 % des étudiants sont en état de « mal-être » (46 % de jeunes femmes et 25 % des jeunes hommes) selon les critères du test de détresse psychologique Mental Health 5 items (questionnaire auto-administré de cinq questions).
- Peur de l’avenir. Un étudiant sur quatre déclare ne pas avoir confiance « ni en ses chances d’insertion professionnelle, ni en pensant à l’avenir » (LMDE). Le manque de confiance touche davantage les jeunes femmes et les inscrits à l’université. Et 66 % des étudiants parisiens de l’enquête Smerep envisagent une expatriation après leurs études, une source de stress pour 44 % de ces derniers.
Les conditions sociales pèsent
- Difficultés financières. Pour 28 % des étudiants, leurs ressources financières sont « justes » et 13 % disent vivre « difficilement » (LMDE). 15 % ont une activité rémunérée régulière, et 21 % des activités ponctuelles. Leur budget mensuel est de 388 euros en moyenne, dont plus de 60 % provient des parents (Smerep). Mais un étudiant sur cinq ne peut pas compter sur cette aide.
- Renoncement aux soins. En raison du coût engendré, 27 % des étudiants ont renoncé à consulter un professionnel de santé et à recourir à des soins ou des traitements médicaux au cours des douze derniers mois (LMDE). Et 16 % ont dû renoncer à d’autres postes de dépenses pour se soigner.
- Alimentation et exercice insuffisants. Seulement 61 % des étudiants estiment avoir une alimentation équilibrée (LMDE). Et 73 % des étudiants en région parisienne sautent l’un des trois repas quotidiens (Smerep) : 51 % le petit-déjeuner. En moyenne, le budget de leur repas de midi est de 5,80 euros. Un étudiant sur cinq dispose de 3 euros ou moins pour déjeuner, et 43 % de 4 à 5 euros. Et 45 % des étudiants mangent peu ou jamais au restaurant universitaire ou à la cantine de leur établissement (LMDE). De plus, un étudiant sur deux ne pratique pas d’activité sportive régulière (une fois par semaine au moins). Un tiers ne pratique aucun sport pendant l’année (LMDE).
Les comportements sexuels à risques perdurent
- Préservatif. Lors d’un premier rapport sexuel, 84 % des étudiants déclarent utiliser systématiquement un préservatif mais 12 % disent ne prendre aucune protection (LMDE). Et selon l’enquête de la Smerep, 58 % des étudiants déclarent avoir déjà oublié de mettre un préservatif.
- Dépistage. Seulement 51 % des étudiants ayant déjà eu des relations sexuelles ont effectué un test de dépistage du VIH/Sida au cours de leur vie, et 23 % seulement au cours de douze derniers mois (LMDE). Lorsqu’ils ont été concernés par un ou des changements de partenaires sexuels, seulement 41 % des étudiants interrogés dans l’enquête Smerep ont « à chaque fois » fait un test de dépistage, 12 % « la plupart des fois », 13 % « de temps en temps » et 34 % « jamais ». Un étudiant sur dix croit que’l'on peut « guérir facilement du Sida grâce aux traitements actuels…
- Contraception. La pilule reste le premier moyen de contraception pour les étudiantes concernées (77 %). Mais la contraception d'urgence – la pilule du lendemain – se banalise (LMDE) : 28 % y ont eu recours une fois dans leur vie, et 18 % plusieurs fois. L'Interruption volontaire de grossesse (IVG) reste marginale (5 % des étudiantes). Selon l'enquête Smerep 86 % des étudiantes ont déjà oublié de prendre la pilule.