L’Etat islamique s’inquiète du manque d’efficacité de son allié africain, Boko Haram
L’Etat islamique s’inquiète du manque d’efficacité de son allié africain, Boko Haram
Par Mélanie Gonzalez (contributrice Le Monde Afrique, Abuja)
Selon des officiels américains, le groupe terroriste nigérian serait sous pression de Daech et une partie de ses effectifs aurait formé un groupe distinct.
Boko Haram, mouton noir de l’État Islamique (EI) ? D’après certains services de renseignement occidentaux, Daech aurait récemment reproché à son « disciple » son oisiveté. Le groupe terroriste nigérian, qui a prêté allégeance à l’EI, serait actuellement sous pression : l’EI souhaitant voir Boko Haram étendre son rayon d’action au sud du Nigeria, plus cosmopolite et bien plus fréquenté par les expatriés du monde entier que ne l’est le nord musulman.
Les services de renseignement occidentaux s’interrogent : Boko Haram refuse-t-il de s’adonner à ce genre d’attentat, ou bien n’en a-t-il pas ou plus les moyens ? La dernière attaque du groupe djihadiste nigérian contre la capitale politique Abuja remonte à octobre 2015. Quant à la capitale économique, Lagos, elle n’a jamais été touchée. Pour l’heure, le mouvement terroriste concentre son activité au nord-est du Nigeria, comptant parmi ses victimes surtout des Nigérians, avec des incursions au Cameroun et au Niger.
Soupçons de scissions au sein de Boko Haram
Selon International Crisis Group (ICG), les attaques perpétuées ces derniers mois par Boko Haram semblent moins tenir de la stratégie militaire que de la nécessité de s’approvisionner, et d’envoyer au passage un message brutal prouvant sa survie : « Elles ciblent de plus en plus des proies faciles, y compris de jeunes captifs, dont beaucoup sont transformés en épouses ou en enfants-soldats. Mais du fait de ses liens avec le djihad global, Boko Haram paraît susceptible de se transformer en un mouvement terroriste de portée plus large », analyse l’ICG dans un rapport de mai 2016.
Le général américain Thomas Waldhauser, à la tête du commandement africain de l’armée américaine (Africom), avait affirmé suite à sa nomination fin juin 2016 que les liens entre l’EI et Boko Haram s’étaient renforcés. L’Africom croit savoir qu’une partie des effectifs de Boko Haram aurait fondé un groupe distinct souhaitant appliquer plus à la lettre les ordres de l’EI au Nigeria.
Les États-Unis, qui craignent une recrudescence des attentats contre des cibles occidentales, ont mis en garde durant la période du ramadan contre de possibles attaques visant des hôtels à Lagos, fréquentés par des visiteurs internationaux.
Les informations concernant l’ampleur des désaccords idéologiques au sein de l’organisation font pourtant défaut, notamment en ce qui concerne l’affiliation de Boko Haram à l’Etat islamique. Les services de renseignement sont certains d’une chose : des membres du groupe Boko Haram se sont rendus en Syrie et en Irak pour recevoir une formation. Mais aucun élément ne permet pour l’instant d’affirmer qu’ils sont rentrés au Nigeria.
ICG quant à lui évoque à ce sujet « de nombreux points d’interrogation » et « des cases vides ». Les assauts des autorités locales ont probablement fragilisé Boko Haram en son cœur, diminuant ainsi sa capacité à suivre les directives de l’EI, et le morcelant en unités plus petites et plus locales, notamment dans la forêt de Sambisa, le long des frontières avec le Cameroun et le Niger et sur des îlots du lac Tchad. On aurait cependant tort de considérer que le mouvement est à bout de souffle : depuis début 2016, au moins 35 tentatives d’attentats-suicides ont eu lieu le long de la frontière camerounaise.