En France, le risque terroriste met en péril tout le secteur du tourisme
En France, le risque terroriste met en péril tout le secteur du tourisme
LE MONDE ECONOMIE
Le gouvernement renouvelle les mesures de soutien prises après les attentats de novembre 2015. La fréquentation est en baisse à Paris.
Des militaires patrouillent aux abords de la tour Eiffel dans le cadre de l’opération Sentinelle, le 20 juillet. | ALAIN JOCARD / AFP
A la veille du pic d’activité du week-end du 15 août, hôteliers, tour-opérateurs et restaurateurs s’inquiètent de la fréquentation touristique en France. A Paris, escale favorite des touristes, « c’est catastrophique », affirme Hervé Becam, vice-président de l’Union des métiers de l’industrie hôtelière (UMIH).
Le nombre de clients étrangers est en forte baisse dans la capitale, dans une proportion de l’ordre « de 15 % depuis le début de l’année 2016 », estime Thomas Deschamps, responsable de l’observatoire économique et statistique de l’office de tourisme et des congrès de Paris. Echaudés par le « buzz négatif » des attentats, des grèves, des manifestations contre la loi travail de la ministre Myriam El Khomri ou des inondations de la Seine, les touristes – ressortissants des Etats-Unis et des pays d’Asie en tête – ont renoncé à un séjour dans la capitale, en juin, juge Thomas Deschamps.
Pas d’effet « Euro 2016 » à Paris
Ce mois-là, Aéroports de Paris a enregistré à Roissy-Charles-de-Gaulle une chute de 3,9 % du trafic, qui est tombé à 5,7 millions de voyageurs. Dès lors, les hôtels parisiens n’ont pas fait le plein ; ils n’excèdent plus les 80 % de taux d’occupation d’antan. Sur le seul mois de juillet, cet indice est en recul de 9,8 points, à 78,1 %, après une baisse de 12,5 points en juin, à 78,9 % par rapport à 2015. La tenue du championnat d’Europe de football en France n’y a rien fait. « Les hôtels parisiens n’ont pas profité de cet événement », analyse M. Deschamps.
Finalement, le secteur de l’hôtellerie a vu son activité chuter de « 14,6 % à Paris, sur un an, sur la période qui s’étale de janvier et juillet », selon les indices d’occupation établis par le cabinet de conseil MKG. En province, le premier bilan de l’année est plus mitigé. Après l’attentat de Nice du 14 juillet, qui a fait 85 morts, le tourisme est à la peine sur la Côte d’Azur. « Ailleurs, en province, les hôtels sont, eux, en légère progression », explique le vice-président de l’UMIH.
Ce ne sera pas suffisant pour redresser la barre. L’année 2016 risque fort de tomber dans le rouge. A la suite de l’attentat de Nice, qui a affecté l’activité dans les palaces, MKG a révisé ses prévisions de croissance pour l’ensemble de l’année, à – 6 %. Il y a quelques semaines encore, le cabinet espérait une stabilité.
« Des plans de restructurations à craindre »
Dès lors, la France atteindra-t-elle l’objectif des 100 millions de touristes accueillis sur le territoire ? En 2014, Laurent Fabius, alors ministre des affaires étrangères et chargé du tourisme, voulait atteindre ce niveau à l’horizon 2020. La France se préoccupait alors du pouvoir d’achat des Russes et des Chinois, clientèle aux poches profondes. C’était bien avant les attentats de 2015, qui ont anéanti les espoirs du secteur.
Malgré tout, l’an dernier, l’Hexagone, première destination touristique au monde, avait battu son record de fréquentation, à 84,5 millions de visiteurs. L’objectif semblait alors tenable. Un an plus tard, le gouvernement jure que, en « dépit des difficultés actuelles, l’ambition touristique de la France demeure intacte », a-t-il fait savoir, mercredi 3 août, à l’issue d’une communication en conseil des ministres.
Pour ce poids lourd de l’économie française (7 % du produit intérieur brut et plus de deux millions d’emplois directs ou indirects), le gouvernement va prendre « des mesures similaires à celles prises en novembre 2015 ». Parmi elles, figurent « des dispositifs relatifs à l’activité partielle, à l’étalement des cotisations fiscales et sociales et à l’intervention de la banque publique d’investissement Bpifrance en matière de trésorerie et de financement ». Un comité interministériel se tiendra en octobre. Il le faut, juge M. Becam. « Des plans de restructurations sont à craindre », estime le responsable de l’organisation patronale UMIH.
« Un travail de longue haleine »
Une campagne de communication va aussi être mise en place pour raviver l’image de la France à l’étranger. L’office de tourisme de Paris se voit accorder un budget de 800 000 euros « débloqué spécialement », souligne M. Deschamps. Ce dispositif médiatique doit notamment vanter les « grandes expositions et les manifestations phares qui se dérouleront à Paris entre janvier et juin 2017 », précise le gouvernement.
Enfin, Matignon promet « un effort massif et visible consacré à la sécurisation des principaux sites touristiques ». Cette mesure doit permettre de « rétablir la perception que les touristes ont de la France ». L’opération devra être massive. « C’est un travail de longue haleine », reconnaît M. Deschamps. D’autant que l’image de Paris était déjà passablement écornée.
En 2012, déjà, bien avant les attentats en France, selon un sondage réalisé par l’office de tourisme, seuls 46 % des Japonais et 58 % des Chinois se disaient satisfaits du niveau de sécurité dans la capitale.