A Molenbeek, chronique d’une joyeuse émancipation
A Molenbeek, chronique d’une joyeuse émancipation
Par Mustapha Kessous
Dans ce quartier de Bruxelles, des femmes musulmanes ont commencé une nouvelle vie après des années de contraintes sociales (vendredi 12 août à 23 h 15 sur Arte).
patience, patience, t'iras au paradis - teaser
Durée : 02:11
Dans ce quartier de Bruxelles, des femmes musulmanes ont commencé une nouvelle vie après des années de contraintes sociales.
Son existence était rythmée par les cinq prières quotidiennes et, le jeudi, le marché. Trop occupée à faire des allers-retours entre la cuisine et le salon, entre le Maroc et la Belgique, Warda, la soixantaine, n’a pas eu le temps de voyager et de profiter de sa jeunesse. « Je n’ai rien vu, rien vécu », dit-elle simplement et sans amertume avec l’accent typique du Maghreb. Même sort pour son amie Mina, qui, pendant des années, n’a pas eu le droit d’avoir des « copines » car son mari lui interdisait ce genre de relation.
Les enfants ont grandi, les époux, pour certaines, sont morts : il est temps de sortir et de voir du pays. A Bruxelles, dans le quartier de Molenbeek, plusieurs femmes voilées ont décidé de prendre leur destin en main et de commencer à réaliser leurs rêves. Elles doivent leur métamorphose à Tata Milouda, une artiste née en 1950 qui « slame » son parcours douloureux. « Libérer ma liberté », chante-t-elle dans ses spectacles, avec une immense émotion.
Une autre image de Molenbeek
L’entendre raconter ses malheurs, ses luttes contre toutes les formes de violences et ses moments de joie de femme émancipée a créé un déclic chez ces dames, qui chahutent comme des adolescentes. La moindre activité devient un moment libérateur : apprendre à lire le français ou à parler l’anglais ; conduire une voiture ; aller à un spectacle ; faire un pique-nique ; prendre le métro ; pianoter sur un ordinateur ; marcher sur une plage… Il n’existe plus aucun interdit dans leur nouvelle vie : même se rendre à New York est possible, sans demander l’autorisation au mari ; et pour elles, c’est une véritable révolution.
Patience, patience… T’iras au paradis montre la nouvelle vie de femmes qui s’affranchissent peu à peu du foyer, du conjoint, des enfants, et, d’une certaine façon – même si elles ne le disent pas –, de la religion. Filmé avec sobriété, le documentaire montre des tranches de vie joyeuses de ces musulmanes voilées, qui, pour certaines, se sont mariées à 14 ans. Le film casse subtilement la réputation du quartier de Molenbeek, connu pour avoir abrité des djihadistes et considéré comme un fief de l’islam radical.
Seul bémol, l’absence de traduction sur de longues séquences où les personnages parlent en arabe risque d’exclure une bonne part des téléspectateurs.
Patience, patience… T’iras au paradis, de Hadja Lahbib (Belgique - France, 2014, 52 min). Le vendredi 12 août à 23 h 15 sur Arte).