A Marseille, le 4 août 2016. | AP

Le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) a annoncé, vendredi 12 août, qu’il avait saisi la justice en référé-liberté afin de contester l’arrêté municipal qui interdit le port du Burkini sur les plages cannoises.

L’arrêté, pris le 28 juillet par le maire (Les Républicains) de Cannes, David Lisnard, précise que « l’accès aux plages et à la baignade est interdit jusqu’au 31 août 2016, à toute personne n’ayant pas une tenue correcte, respectueuse des bonnes mœurs et de la laïcité, respectant les règles d’hygiène et de sécurité des baignades adaptées au domaine public maritime ». « Toute infraction fera l’objet d’un procès verbal et sera punie de l’amende », de 1e catégorie, soit 38 euros, est-il écrit.

Le directeur du CCIF, Marwad Muhammad, a dit au Monde que le collectif se fondait sur deux principaux leviers pour contester la nature de l’arrêté : le fait que la mesure soit restrictive des libertés sans motif justifié ; sa composante stigmatisante à l’endroit des musulmans. Une dizaine d’habitantes de Cannes « directement concernées » avaient sollicité le CCIF, qui collecte depuis 2003 les plaintes pour des actes ou des menaces antimusulmans ou des faits de discriminations en raison de la religion supposée.

Sans faire directement référence au burkini, un maillot de bain porté par certaines femmes musulmanes et qui couvre intégralement le corps, le directeur général des services de la ville de Cannes, Thierry Migoule, avait dit jeudi à l’Agence France-Presse : « Il ne s’agit pas d’interdire le port de signes religieux à la plage, mais les tenues ostentatoires qui font référence à une allégeance à des mouvements terroristes qui nous font la guerre », des tenues que l’on commence à voir à Cannes depuis l’an dernier, selon lui.

Le CCIF « serein »

Le CCIF se dit « relativement serein » quant à l’issue de la procédure, le collectif fait notamment référence au précédent de Wissous Plage, en 2014, lorsqu’il avait fait suspendre un arrêté qui interdisait aux femmes voilées l’entrée du site touristique de la commune de l’Essonne. La préfecture s’était à l’époque opposée à l’arrêté. Concernant Cannes, la préfecture des Alpes-Maritimes n’a pour l’heure pas pris position.

« L’arrêté burkini » est une polémique de plus liée à l’islam parmi celles qui rythment la période estivale en France. Au début du mois d’août, une « journée burkini » prévue dans un parc aquatique privé des Pennes-Mirabeau a été annulée. Nice Matin annonçait vendredi que Villeneuve-Loubet, une autre commune des Alpes-Maritimes, avait pris un arrêté similaire à celui de Cannes.

« Saisonnalité des polémiques »

Le CCIF estime que tous ces événements ont un point commun, « celui de ne pas s’appuyer sur le droit ». Si la loi française interdit le port du voile intégral dans l’espace public, elle n’interdit pas le port de signes religieux. Comme le rappelle au Monde Nicolas Cadène, rapporteur de l’Observatoire de la laïcité, un organisme public qui vise au respect de ce principe en France, « on ne peut invoquer le principe de laïcité pour justifier des restrictions vestimentaires dans l’espace public ».

Selon M. Muhammad, il existe « une saisonnalité des polémiques » autour de l’islam. « Les jupes trop longues posent problème dans les classes, la nourriture halal ou l’abattage rituel pendant le ramadan, le burkini en période estivale ». Il déplore la volonté de certains de « créer un problème musulman ».

Nicolas Cadène appelle, lui, à la responsabilité, constant que « certaines décisions politiques ne sont pas fondées sur de réels problèmes ». « Il est inutile de créer de nouveaux interdits qui ne feraient qu’alimenter le repli sur soi et les postures victimaires », argue-t-il.

Dans un communiqué consulté par L’Express et Nice Matin, la Ligue des droits de l’homme de Cannes, qui dénonce un « abus de droit » et fait référence au principe de la laïcité contenu dans la Constitution, compte suivre la même procédure judiciaire que le CCIF, lundi au plus tard. « Notre maire a-t-il le catalogue des vêtements autorisés sur les plages de Cannes et bientôt dans nos rues ? A quand une milice des mœurs comme au pays des mollahs ? », s’interroge l’association dans un communiqué. « Comment en effet, ne pas craindre que, par des attitudes aussi exclusives et répressives, certains de nos compatriotes ne se sentent exclus de la cité ? », déplore la LDH.