JO 2016 : Luis Mariano Gonzalez, le bon génie cubain de la boxe française
JO 2016 : Luis Mariano Gonzalez, le bon génie cubain de la boxe française
Par Anthony Hernandez (envoyé spécial à Rio)
L’entraîneur franco-cubain apporte sa touche aux boxeurs français depuis 2007. Il a noué une relation spéciale avec Tony Yoka, qui tentera de devenir champion olympique dimanche à 19 h 15.
Tony Yoka tombe dans les bras de Luis Mariano après sa qualification pour la finale des super-lourds. | YURI CORTEZ / AFP
Les deux hommes se connaissent par cœur. Dimanche 21 août, que l’issue de la finale face au Britannique Joseph Joyce soit heureuse ou malheureuse, Tony Yoka tombera à coup sûr dans les bras de son entraîneur Luis Mariano Gonzalez. Le Cubain s’occupe du champion du monde des + 91 kg depuis qu’il a 15 ans. En neuf ans de collaboration, Mariano a influé sur la boxe du Francilien, dont le style est différent des autres poids super-lourds : technique, rapide, bâtie sur le déplacement…
En survêtement de l’équipe de France de boxe, Luis Mariano a le sourire naturel et facile. Né dans la province de Pinar del Rio, il a d’abord été lui-même boxeur jusqu’à la catégorie des juniors. Très vite, à 19 ans, il obtient son diplôme d’entraîneur et se consacre à l’art d’enseigner la boxe. D’abord coach pour sa province natale, il intègre l’équipe nationale junior et devient l’un des adjoints du célèbre Pedro Roque Onato, qui a façonné de longues années les espoirs cubains, avant de rejoindre les Etats-Unis et l’Azerbaïdjan.
En vingt-sept ans d’expérience, Mariano Gonzalez a entraîné plus de mille boxeurs, dont quelques-uns ont remporté des médailles olympiques, avant de vouloir changer d’air. « Je voulais arrêter car j’étais fatigué du travail. Je voulais changer et j’ai démissionné de l’équipe nationale », explique-t-il. Le technicien passe d’abord par l’Algérie, où pendant quatre ans, il effectue des allers-retours avec Cuba dans le cadre d’un accord de coopération. « Je me suis occupé de tous les boxeurs algériens qui sont à Rio », s’amuse-t-il.
Contacté par Dominique Nato
C’est le directeur technique national de l’époque, Dominique Nato (2002 à 2011), qui lui propose de rejoindre la France. Kévinn Rabaud, successeur de Nato, raconte : « La boxe française avait de très bonnes relations depuis le début des années 90 avec la boxe cubaine. L’amitié de mon prédécesseur avec Pedro Roque Onato est à l’origine de la venue de Mariano. »
Arrivé en France en 2007, Mariano Gonzalez est désormais franco-cubain, s’est marié avec une Française et habite à Paris. Depuis 2013, il a vu son emploi de contractuel transformé en CDI. En neuf ans, il s’est occupé de quelques-uns des boxeurs tricolores présents à Rio : Souleymane Cissokho, Elie Konki, Sofiane Oumiha et bien sûr Tony Yoka.
Certains prétendent qu’il a transformé les pugilistes français en boxeurs cubains. Qu’en pense le principal intéressé ? « J’effectue un travail technique et tactique avec les boxeurs. Je ne les change pas à 100 %. J’introduis seulement une touche », confirme Mariano Gonzalez. « Il y a une touche cubaine mais c’est une exagération de prétendre cela. La boxe française se nourrit de tous les styles. Nous avons des boxeurs défensifs à la boxe hermétique, d’autres qui travaillent à distance et qui sont fantasques, ou d’autres encore qui sont des frappeurs… », explique Kévinn Rabaud.
A Cuba, l’enseignement de la boxe est uniforme. Il y a un style cubain, une manière unique de boxer, qui connaît un formidable succès puisque, avant Rio, l’île a produit 34 champions olympiques. Au Brésil, trois Cubains ont terminé en or, trois autres en bronze. La boxe est le premier pourvoyeur de médailles olympiques : désormais 73 pour 37 en or.
Estelle Mossely et Tony Yoka sous l’œil protecteur de Mariano Gonzalez. | YURI CORTEZ / AFP
« Tous les entraîneurs cubains travaillent de la même manière. Les boxeurs sont formés à partir de la même ligne directrice basée sur la technique et la tactique, cette capacité d’adaptation et d’anticipation de l’adversaire. En France, un boxeur de Toulouse sera différent d’un boxeur de Paris », confie Mariano Gonzalez. Le DTN Kévinn Rabaud complète l’analyse : « Les Cubains sont redoutables en ce qui concerne les liaisons attaque-défense et défense-attaque. Ils ont cette capacité de frapper efficacement à tous moments et dans toutes positions. »
Confiance réciproque avec le boxeur
Régulièrement en stage à Cuba, l’équipe de France profite de la confrontation avec ces boxeurs si particuliers. En février dernier, en compagnie de ses coéquipiers et de sa petite amie Estelle Mossely, championne olympique, Tony Yoka a encore apprécié ce voyage : « Les Cubains boxent pour la gagne. Le réservoir est immense. Quand tu vois leurs conditions d’entraînement, ça te fait relativiser. »
Pour Mariano Gonzalez, la boxe ne doit pas se pratiquer dans la facilité. « C’est un sport difficile. Tu dois travailler dans le dur et pas dans la facilité. Grâce à ces stages à l’étranger, la mentalité des boxeurs français a évolué. Ça a pris du temps », livre-t-il. L’entraîneur se montre exigeant dans le travail technique : « Je suis sévère quand il faut l’être. Le plus important c’est la confiance réciproque avec le boxeur. »
Maillon essentiel des succès français sur le ring, Mariano Gonzalez s’intègre parfaitement dans l’esprit collectif des Bleus. « Il est exigeant dans le travail. Ce n’est pas lui qui fait la police en dehors du ring. Il a une place importante dans la réussite actuelle. Chaque entraîneur apporte son expertise et participe à la progression de nos boxeurs », affirme Kévinn Rabaud.