Nadia Comaneci, l’envers du triomphe
Nadia Comaneci, l’envers du triomphe
Par Alain Constant
Le parcours de la gymnaste roumaine dont la carrière exceptionnelle fut récupérée et exploitée par le couple Ceausescu (mardi 23 août à 22 h 20 sur Arte).
La championne roumaine Nadia Comaneci tout sourire près du tableau d’affichage qui lui attribue la note parfaite de 10 après l’épreuve des barres asymétrique lors des jeux olympiques de Montréal au Canada en 1976. | AFP
Le parcours de la gymnaste roumaine dont la carrière exceptionnelle fut récupérée et exploitée par le couple Ceausescu.
Quarante ans plus tard, ces quelques secondes de perfection procurent toujours une immense émotion en visionnant les images d’archives. Le 18 juillet 1976, à Montréal, où se déroulent les Jeux olympiques, une gamine de 14 ans, fluette et inconnue, entre dans la légende. Pour la première fois de l’histoire, une gymnaste va obtenir un 10 sur 10 après sa performance époustouflante aux barres asymétriques. A une époque où l’école soviétique semble imbattable, avec Ludmilla Tourischeva et Olga Korbut, notamment, une petite Roumaine va enchaîner les prestations parfaites, accumulant sept 10 sur 10 et cinq médailles, dont trois d’or. Désormais, le monde entier connaît Nadia Comaneci.
Nadia Comaneci - First Perfect 10 | Montreal 1976 Olympics
Durée : 03:12
Riche de nombreuses archives inédites, dont celles de la télévision roumaine des années 1960 et 1970, ce documentaire retrace le parcours d’une gamine née en novembre 1961 à Onesti, village des Carpates, au sein d’une famille modeste. De ses années d’école jusqu’à la gloire de Montréal, on suit le parcours de cette fille introvertie qui, dès l’âge de 8 ans, repérée et littéralement prise en main par le célèbre entraîneur d’origine hongroise Béla Karolyi, va enchaîner les journées de travail : quatre heures d’entraînement, quatre heures de cours, régime alimentaire strict, et au dodo.
Cent dollars par mois
Dans un pays dirigé depuis 1967 par Ceausescu, devenir une icône mondiale ne ressemble pourtant pas à un conte de fées. Et au-delà des archives faisant revivre les exploits de Nadia Comaneci à Montréal ou aux Championnats d’Europe de Copenhague en 1979, de ses images d’échecs aussi (comme aux Jeux de Moscou, en 1980), l’intérêt de ce documentaire est de dresser un tableau de la Roumanie de ces années-là, et d’analyser les rapports troubles existant entre un Etat totalitaire et ses athlètes.
Basé sur les Mémoires de Nadia Comaneci (Letters to a Young Gymnast) publiés en 2003, le commentaire en voix off plaqué sur les images parle à la première personne : « Vous savez ce qu’on dit à propos des histoires ? Qu’il y en a toujours trois versions : la vôtre, la mienne et la vérité. Voici mon histoire. » Au fil du documentaire, on apprend ainsi que l’idole, évidemment récupérée par le régime et sa propagande, n’a pas bénéficié de beaucoup d’avantages en nature. « Dans un pays aussi difficile à vivre qu’à l’époque, tout le monde avait du mal à trouver à manger », souligne-t-elle. En 1984, la fée de Montréal prend sa retraite sportive et intègre la Fédération roumaine de gymnastique. « Je gagnais environ cent dollars par mois, même pas de quoi payer mes factures. »
Ses relations avec Nicu, le fils Ceausescu, sont évoquées, tout comme sa dépression. La fin du documentaire est consacrée à son évasion du pays en novembre 1989, quelques semaines seulement avant que ne tombe le régime de Ceausescu. Six heures de marche dans la nuit pour atteindre la frontière hongroise, puis son transfert à Vienne et sa demande d’asile à l’ambassade des États-Unis. Arrivée le 1er décembre 1989 à l’aéroport JFK de New York, Nadia Comaneci est assaillie de questions portant notamment sur ses liens privilégiés avec le régime. Désormais, sa vie va s’écrire aux Etats-Unis. Mariée, mère de famille, l’ancienne championne revient de temps en temps sur le devant de la scène médiatique. Et milite actuellement en faveur de la candidature de Los Angeles à l’organisation des Jeux olympiques de 2024.
Nadia Comaneci, la gymnaste et le dictateur, de Pola Rapaport (France, 2016, 56 min). Le mardi 23 août à 22 h 20 sur Arte. Rediffusion le dimanche 28 août à 16 h 40. Sur Arte+7 du 23 août au 31 août.