Croissance : les chiffres du chômage confirment une lente reprise économique
Croissance : les chiffres du chômage confirment une lente reprise économique
LE MONDE ECONOMIE
Les enquêtes de conjoncture publiées jeudi par l’Insee, très attendues, sont plutôt rassurantes, en dépit du « trou d’air » de croissance au deuxième trimestre.
L’embellie tant attendue sur le front de l’emploi semble cette fois bel et bien là. Selon les chiffres publiés par le ministère du travail mercredi 24 août, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A a baissé de 0,5 % au mois de juillet. Soit 19 100 personnes de moins qu’un mois auparavant, largement de quoi compenser les hausses des mois de mai et de juin. Des bons résultats qui, une fois n’est pas coutume, concernent toutes les classes d’âge.
En tout, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A a baissé de 75 000 depuis janvier. Surtout, les personnes cherchant du travail depuis une longue durée sont moins nombreuses pour le cinquième mois d’affilée. Une première depuis 2008.
La situation est d’autant plus encourageante que les chiffres du ministère du travail arrivent à peine quelques jours après l’annonce, par l’Insee, de la baisse du taux de chômage (selon la méthode de calcul du Bureau international du travail) : cette statistique, tant scrutée par les observateurs et redoutée par les gouvernements, a baissé de 0,3 % au deuxième trimestre pour atteindre 9,6 % en France métropolitaine.
« On a des évolutions de fond, même ceux qui semblaient au fond du gouffre commencent à retrouver de l’emploi. Personne n’est laissé sur le bas-côté », explique-t-on dans l’entourage de Myriam El Khomri, ministre du travail. L’effet statistique du plan « 500 000 formations supplémentaires » ? « Pas encore visible », poursuit cette même source qui fait remarquer que le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie D (en formation) n’a augmenté que de 5 000 personnes sur le mois de juillet, balayant de fait cette hypothèse.
143 000 emplois créés sur un an
Selon les économistes, la vraie cause de cette amélioration est d’abord à chercher du côté de la reprise économique. « Les conditions macroéconomiques générales sont tout de même meilleures qu’il y a un an, relève Bertrand Martinot, économiste et co auteur du livre Un autre droit du travail est possible, paru en mai chez Fayard. Résultat : les créations d’emplois sont redevenues significatives. » Selon l’Insee, 24 100 emplois ont été créés au second trimestre et 143 000 sur un an.
Mais ce n’est pas tout, explique l’économiste, qui relève que les taux de croissance enregistrés ne sont pas suffisants pour créer autant d’emplois. « Ce sont aussi les dispositifs conjoncturels, la politique de l’emploi mise en place ces derniers temps qui ont boosté les chiffres ».
Parmi eux, la prime à l’embauche. Ce dispositif, qui prévoit une aide de 4 000 euros pour les PME souhaitant embaucher une personne payée jusqu’à 1,3 fois le smic, a franchi les 600 000 demandes d’entreprises. Selon une étude publiée lundi 22 août par le Trésor, cette mesure permettrait de créer 60 000 emplois en 2016.
« Cela cible les bas salaires, ceux pour lesquels le coût du travail est le plus significatif, explique M. Martinot. Il devient alors rentable économiquement d’embaucher des personnes peu productives mais nécessaires. »
Autre dispositif dont la mise en place semble aujourd’hui porter ses fruits : le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), cette mesure qui permet aux entreprises d’économiser jusqu’à 6 % du coût de la masse salariale (hors gros salaires). Selon l’OFCE, le CICE et le Pacte de responsabilité pourraient créer, à eux deux, 70 000 emplois sur l’année 2016.
« En fait, c’est simple, souligne Mathieu Plane, économiste à l’OFCE : en additionnant tous ces dispositifs, un bas salaire ne coûte quasiment plus rien à une PME. »
Hausse des investissements
Reste à savoir si le trou d’air macroéconomique ressenti au deuxième trimestre (croissance zéro) ne risque pas d’avoir un effet néfaste sur l’emploi dans les mois à venir, les chiffres de la croissance ayant toujours un effet décalé sur l’emploi. « Alors que l’année avait bien démarré, tous les voyants économiques sont passés dans le rouge entre avril et juin : consommation des ménages, investissement des entreprises, exportations », rappelle Hélène Baudchon, économiste chez BNP Paribas. Certes, le blocage des raffineries pendant les mouvements sociaux contre la loi travail a pesé sur l’activité, mais il n’explique pas tout. Ces mauvais chiffres avaient de quoi inquiéter : présageaient-ils un ralentissement durable ?
Les enquêtes de conjoncture publiées jeudi 25 août par l’Insee, très attendues, sont plutôt rassurantes. Si le tableau est contrasté, elles semblent confirmer que la série noire du deuxième trimestre n’était qu’un accident de parcours. « L’économie française ne décroche pas, mais la reprise reste poussive », résume Philippe Waechter, chef économiste de Natixis AM. Dans le détail, l’indicateur global du climat des affaires, que l’Insee calcule à partir d’un sondage réalisé auprès des chefs d’entreprise, s’est stabilisé en août, et reste au-dessus de sa moyenne de long terme.
Le climat est resté bon dans les services, sauf dans l’hébergement-restauration, où il a fortement plongé. Cela confirme les mauvais chiffres attendus dans le secteur touristique, notamment affecté par les attentats du 14 juillet à Nice. « Les arrivées de touristes étrangers depuis le début de l’année sont en recul de 7 % sur l’ensemble du territoire », a déclaré mardi 23 août Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du tourisme.
Bonne nouvelle, en revanche : les patrons de l’industrie manufacturière prévoient d’augmenter leurs investissements de 6 % cette année, ce qui est plutôt de bon augure.
Que peut-on attendre pour la seconde partie de l’année ? Dans sa dernière estimation, la Banque de France prévoit que le produit intérieur brut progressera de 0,3 % entre juillet et septembre. Après le trou d’air du deuxième trimestre, il sera néanmoins difficile d’atteindre 1,5 % de croissance sur l’ensemble de 2016, comme le prévoit le gouvernement.
« Nous sommes sur cet objectif de 1,5 % pour 2016, aussi pour 2017 », a réaffirmé pour sa part le premier ministre Manuel Valls jeudi 25 août, sur RMC/BFM-TV. La Commission européenne, elle, table plutôt sur 1,3 % – un chiffre jugé plus crédible par nombre d’économistes. Dans ces conditions, le chômage devrait poursuivre sa décrue ces prochains mois. Mais elle sera lente et laborieuse.