Au Touquet, Nicolas Sarkozy appelle à « l’unité »… en attaquant ses rivaux
Au Touquet, Nicolas Sarkozy appelle à « l’unité »… en attaquant ses rivaux
Par Alexandre Lemarié
Jurant « ne pas être revenu pour régler des comptes avec qui que ce soit », l’ancien président a pourtant copieusement attaqué ses concurrents pour la primaire.
Nicolas Sarkozy en meeting au Touquet, le 27 août. | PASCAL ROSSIGNOL / REUTERS
Se poser en garant de l’unité du parti pour faire passer ses concurrents pour des diviseurs aux yeux des électeurs de droite. Confronté à de mauvais sondages, Nicolas Sarkozy a joué une partition qu’il affectionne, samedi 27 août, lors du campus des Jeunes républicains au Touquet (Pas-de-Calais). Devant près de 2 000 personnes, massées dans une chaleur étouffante, l’ex-président de la République, qui a officialisé lundi 22 août sa candidature à la primaire de la droite pour l’élection présidentielle de 2017, a vanté les mérites du collectif. « On ne réussit jamais seul. On ne réussit que lorsqu’on est capable d’opérer un immense rassemblement », a-t-il affirmé.
« La droite n’a pas le droit de se déchirer et de ne pas se rassembler (…). Préserver l’unité de la famille n’est pas une option, c’est une absolue nécessité. Il n’y aura pas de victoire [à la présidentielle] sans cette unité car une fois la primaire passée, on aura besoin de tout le monde ensemble », a-t-il poursuivi dans l’optique du scrutin des 20 et 27 novembre. « Ceux qui divisent seront balayés », a-t-il encore prévenu, en appelant ses concurrents à ne pas « dériver dans des attaques de personnes ». Sauf que lui-même n’a pas suivi son propre conseil…
Jurant « ne pas être revenu pour régler des comptes avec qui que ce soit », il a pourtant copieusement attaqué ses concurrents pour la primaire. Dans son viseur : Alain Juppé, son principal concurrent, à qui il a de nouveau reproché d’être partisan de « compromis » avec le communautarisme musulman. Alors que le maire de Bordeaux l’a égratigné lors de son meeting de rentrée à Chatou (Yvelines), le même jour – en prenant ses distances avec le « clivage » et la « surenchère » incarnés par l’ex-président – M. Sarkozy a souligné leur divergence de vue.
« Tyrannie des minorités »
Son concurrent se donne pour « objectif » d’instaurer une « identité heureuse » dans le pays ? Pas M. Sarkozy. « Certains voient une identité heureuse, d’autres, comme moi, ont un regard plus réaliste », a prétendu celui qui a de nouveau dénoncé « la tyrannie des minorités ». Et réaffirmé sa volonté d’instaurer une loi interdisant le burkini « sur les plages et dans les piscines de France », ainsi que le voile, que ce soit à l’école, à l’université ou dans les administrations.
Mais contrairement à son discours de Châteaurenard (Bouches-du-Rhône), prononcé jeudi, M. Sarkozy ne s’est pas contenté de critiquer uniquement M. Juppé parmi ses rivaux. Il s’en est également pris à François Fillon et Jean-François Copé, qu’il a critiqué sévèrement, en les faisant passer pour deux irresponsables qui ont failli faire « exploser » le parti de droite lors de leur combat fratricide de 2012. Sur un ton ironique, il a lâché : « Deux mois après ma retraite, ceux qui se bousculaient pour être ensemble sur les mêmes tribunes [lors de ma campagne de 2012], ceux qui souhaitaient rester à tout prix dans mon gouvernement tant ils étaient d’accord avec moi (…) ont été tout d’un coup frappés par la mouche tsé-tsé de la division et ne se supportaient plus. » A l’époque, « on ne faisait plus d’élection parce qu’elles se terminaient devant les tribunaux (…) Cela faisait honte », a-t-il déploré.
Il a enfin accusé le triumvirat Juppé-Fillon-Raffarin, qui a géré l’intérim à la tête de l’UMP de juin à novembre 2014, de ne pas s’être assez démené pour relever le parti : « On a eu une direction provisoire, qui faisait un travail acharné du mardi soir au mercredi matin. » « Le navire était sans capitaine (…). Il n’y avait plus d’autorité ni de capacité d’arbitrage, et dès que chacun se levait, il avait l’intention de devenir président de la République », a-t-il poursuivi pour se présenter comme le sauveur de sa formation et vanter son travail de refondation à la tête de l’ex-UMP, devenue Les Républicains sous sa houlette. « Notre parti est en ordre de marche », a-t-il fanfaronné.
Parmi les élus présents au Touquet figuraient le maire de Tourcoing, Gérald Darmanin, qui va jouer le rôle de coordinateur de la campagne de M. Sarkozy, et le maire sarkozyste du Touquet, Daniel Fasquelle. Egalement sur place, le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, a indiqué avant le discours de M. Sarkozy qu’il n’avait « pas encore fait son choix » sur le candidat à la primaire qu’il soutiendrait, douchant quelque peu l’ambiance dans l’assistance, composée majoritairement de sarkozystes.
Des sondages en berne
Avant son discours, prononcé en début de soirée, M. Sarkozy avait affiché sa popularité auprès de ses fans, présents en masse à une séance de dédicaces de son dernier livre, Tout pour la France, dans une librairie située dans le centre du Touquet. Arrivé comme une rock star vers 16 heures, aux cris de « Nicolas, Nicolas ! » ou « on va gagner », il a enchaîné les signatures, en glissant un petit mot à chacun de ses partisans ou en posant volontiers pour des photos. « Je vais écrire “au 6 mai” », a-t-il notamment glissé, tout sourire, à une jeune fille, en faisant référence au premier tour de la présidentielle. Submergée par l’émotion, une groupie sarkozyste a même versé quelques larmes devant son idole…
Si M. Sarkozy garde incontestablement un noyau dur de fidèles, son entrée en campagne ne rencontre pourtant pas l’adhésion espérée par son équipe. Une large majorité de Français (66 %) considère en effet qu’elle n’est pas réussie, selon un sondage Odoxa-Dentsu pour BFMTV et Le Parisien diffusé samedi. Surtout, malgré son été jugé réussi par de nombreux observateurs, le perdant de 2012 est toujours nettement devancé par Alain Juppé dans les intentions de vote pour la primaire. Sur les personnes qui comptent aller voter au premier tour de la primaire, 38 % disent souhaiter voter pour Alain Juppé, contre 24 % pour M. Sarkozy. L’ex-chef de l’Etat perd même deux points par rapport à juin, au profit de Bruno Le Maire, troisième avec 15 %, devant François Fillon (10 %). Et dans l’hypothèse d’un second tour, l’ex-premier ministre distance toujours l’ex-chef de l’Etat, avec 63 % d’intentions de vote, contre 37 %, dans cette enquête réalisée par internet les 25 et 26 août, auprès d’un échantillon de 5 053 personnes.
Là encore, M. Sarkozy a trouvé des responsables tout désignés à ces mauvais sondages : les politologues et les responsables des instituts de sondages, qui appartiennent, selon lui, à « la République des spécialistes » mais « qui ne se sont jamais présentés à des élections ». Le « rassembleur » avait décidément beaucoup de comptes à régler.