Vue aérienne d’Amatrice, le 24 août 2016. | Gregorio Borgia / AP

Patrick Coulombel est président et directeur de l’ONG Architectes de l’urgence. Cette fondation d’utilité publique est très présente sur les terrains au lendemain de catastrophes naturelles. Elle reconstruit notamment des écoles aux Philippines et au Népal.

La situation après le séisme en Italie vous rappelle-t-elle celui de 2015 au Népal, qui a fait plus de 8000 morts ?

Techniquement parlant, les types de constructions de la commune d’Amatrice (Latium) et des villages autour sont comparables à ceux du Népal. Dans ces deux cas, comme à L’Aquila d’ailleurs [où un séisme a fait plus de 300 morts en avril 2009], ce sont beaucoup de maisons anciennes qui se sont effondrées. Construites en pierres ou en moellons avec des appareillages en terre ou en argile, elles n’ont pas été conçues pour résister aux secousses sismiques. Mais du point de vue du contexte politique, cela n’a rien à voir : l’Italie est un pays riche, doté d’une véritable administration.

Par ailleurs, les secousses n’y ont pas été très fortes, même si un séisme commence à susciter des destructions à partir d’une magnitude de 6. Celui-ci, de 6,2, s’est produit de façon très localisée et a duré quelques secondes. En comparaison, ceux d’Haïti, du Népal, du Pakistan ont atteint des magnitudes de 7, voire 8… sans parler de la violence ni de la durée de celui du Japon de magnitude 9,2 qui a engendré le tsunami et la catastrophe nucléaire en 2011.

En Italie, le séisme a touché de plein fouet trois villages qui ont beaucoup souffert. Mais malheureusement, il est survenu en pleine nuit. Voilà la principale raison pour laquelle il a causé autant de morts. Cela pourrait arriver pareillement en France : le Sud, le Sud-Est, l’Est connaissent une activité sismique… Dans cette partie de l’Europe, les gens ne sont pas habitués à ces phénomènes comme au Chili ou en Indonésie, où des séismes de cette force causent moins de victimes.

L’architecture fait-elle des progrès en la matière ?

Oui, bien sûr. Pendant longtemps, le Japon avait des constructions très légères qui ne tuaient pas leurs occupants quand elles s’écroulaient. Mais le tremblement de terre de 1923 à Tokyo a été suivi d’un incendie terrible qui a duré des semaines. A présent, le pays bâtit des immeubles en acier et en béton, souples et indestructibles. En France aussi, une maison récente de moins de 10 ans, faite dans les règles de l’art, peut supporter un séisme classé 6 : elle s’en sortira avec des fissures.

On est capable de construire des bâtiments en acier et en béton qui bougent, se déforment, mais ne tombent pas. C’est une question d’argent car cela exige des matériaux de bonne qualité.

Mais comment protéger des cités anciennes ?

La présence d’un patrimoine historique complique la situation, mais n’empêche pas la prévention. Il est possible de renforcer les angles des bâtiments avec des structures métalliques. On peut démonter une partie des briques, couler un poteau, réappareiller avec des fibres composites, sans que cela se voie de l’extérieur. On peut le faire même sur une église. Il est aussi utile de vérifier l’état des fondations. Eventuellement, on peut stabiliser le sol. Moyennant une bonne technicité, tout cela peut être masqué de l’extérieur.

Quant à la prévention des victimes, on parle aussi beaucoup de l’idée de mettre en place des poches de survie : les gens devraient pouvoir s’abriter chez eux dans un ou deux mètres carrés. On peut imaginer des meubles parasismiques solides…

Quelles sont, selon vous, les erreurs à éviter dans l’après-catastrophe ?

Je suis pour ma part opposé à la création de camps transitoires qui sont stigmatisants pour les victimes. Dans un premier temps, les gens peuvent camper quelques semaines, on peut loger plusieurs familles dans des bâtiments publics aménagés pour leur offrir une certaine intimité. Puis il faut reconstruire. On peut le faire à l’identique, garder le patrimoine dans son environnement. Sauf sur une grosse faille, évidemment.