La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) a lancé dans la soirée de lundi 29 août une série d’actions devant des sites de Lactalis et dans des supermarchés. Objectif de ces opérations : faire monter la pression sur le géant laitier, alors que les négociations avec les éleveurs sur le prix du lait reprennent mardi.

« Toutes les régions sont mobilisées », a fait savoir à l’Agence France-Presse le secrétaire général de la FNSEA Dominique Barrau. Une quinzaine de sites, à travers le pays, sont d’ores et déjà ciblés. Le mouvement ne s’arrêtera que lorsqu’un accord aura été trouvé, a ajouté la centrale.

Silencieux depuis vendredi et l’échec de la deuxième session de négociations, Lactalis avait annoncé dans l’après-midi la reprise des discussions avec les représentants des éleveurs, mardi matin à la préfecture de Mayenne à Laval.

  • Remorques de fumier, blocages de site, rayons de supermarchés vidés

Dans le Cantal, la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) a demandé aux supermarchés de retirer de leurs rayons les produits Lactalis, promettant des « contrôles » en milieu de semaine. Plusieurs actions ont également été menées sur le terrain, comme à Riom-ès-Montagnes ou Condat, où des agriculteurs ont déversé des remorques de fumier afin d’empêcher la sortie des camions de marchandises des usines Lactalis. « On ne restera pas très longtemps, l’idée est d’instaurer un climat de guérilla », a expliqué Joël Piganiol, secrétaire général de la FDSEA du Cantal.

Dans le Maine-et-Loire, environ 80 producteurs se sont installés dans le calme devant l’entrée du site de Saint-Florent-le-Vieil, bloquant son accès principal à l’aide de tracteurs et déployant des banderoles proclamant « Fini de bosser pour rien ». Des éleveurs des cinq départements de la région Pays de la Loire ont « déjà prévu de rester trois jours, jusqu’à mercredi », a précisé le président de la Fédération régionale des syndicats d’exploitants agricoles (FRSEA) des Pays de la Loire, Jean-Paul Goutines.

Dans la Manche, des militants de la FDSEA et du syndicat Jeunes agriculteurs (JA) se sont rassemblés devant l’usine de Sainte-Cécile où ils ont procédé à du « filtrage », ralentissant le passage des poids lourds après la visite d’un huissier. Dans plusieurs départements dont le Morbihan, des actions ont aussi ciblé des grandes surfaces : tous les produits Lactalis ont parfois été retirés des rayons.

Dans le Nord, une soixantaine de producteurs ont manifesté leur mécontentement devant le site Lactalis de Cuincy, près de Douai. « On a mis symboliquement de la paille devant l’entrée pour montrer qu’ils nous mettent sur la paille (…) Il y a le risque que toute la filière laitière française disparaisse », a déclaré Serge Capron, président des producteurs de lait du Pas-de-Calais.

Lancée sur le site i-boycott.org, une campagne vise également à sensibiliser les consommateurs au devenir de la filière laitière. En élargissant la mobilisation à l’ensemble du pays, les producteurs de lait cherchent désormais à accroître la pression sur le géant laitier. Un producteur sur cinq en France travaille pour Lactalis soit 20 % de la collecte française, ou 5 milliards de litres de lait sur les 25 milliards produits annuellement en France.

  • Deux échecs lors des précédentes négociations

Cela fait maintenant une semaine que les producteurs de lait ont entamé leurs actions contre Lactalis, qui détient notamment les marques Lactel, Bridel ou Président. Dès le lundi 22 août, à l’initiative de la FNSEA et des Jeunes agricultures, plusieurs centaines d’éleveurs venus de Bretagne, des Pays de la Loire et de Normandie ont investi l’entrée du siège de Lactalis, dans la Mayenne.

En parallèle de ces actions, les différentes négociations qui se sont tenues la semaine dernière ont échoué. Jusqu’ici, les pourparlers sur le prix du lait, jeudi à Paris et vendredi à Laval, n’ont rien donné. Le numéro un du secteur paye actuellement 257 euros les 1 000 litres, soit 10 à 30 euros de moins que ses concurrents Bongrain, Sodiaal ou Danone.

Le ministre de l’agriculture, Stéphane le Foll, est monté au créneau pour défendre les producteurs.

« Lactalis est le numéro un mondial des produits laitiers, et qui paye le litre de lait le plus bas de toutes les laiteries françaises. Ça, je l’ai dit et je le répète, je considère que ce n’est pas acceptable et qu’il doit y avoir de la part de Lactalis un effort pour se mettre au niveau de tous les autres. »

Mais il le reconnaît, il ne peut pas « négocier les prix à la place des acteurs économiques, ou alors il faut dire qu’on est dans une situation où les prix sont décidés par le ministère ».

Cela fait maintenant deux ans que la situation des producteurs laitiers, notamment en Europe, s’est dégradée. En cause : la fin des quotas laitiers le 1er avril 2015, le ralentissement des importations chinoises et l’embargo russe, décrété mi-2014. La demande interne n’ayant pas augmenté, s’en est alors suivie une surproduction.

La crise du lait