L’association libérale Contribuables associés, relayée par les milieux catholiques conservateurs, affirme qu’une nouvelle taxe vise les conjoints sans activité professionnelle. C’est faux. | Contribuables associés

Encore une nouvelle taxe imaginaire. L’association libérale Contribuables associés a dénoncé récemment la mise en place dans le plus grand secret, en plein été, d’une nouvelle cotisation sociale « injuste » qui ciblerait les « femmes au foyer ». Un cri du cœur partagé à de nombreuses reprises, mais complètement faux. Explications.

CE QUE DIT LA RUMEUR

« Suppression du statut d’ayant droit d’un assuré social : une nouvelle attaque contre les familles », s’alarme Contribuables associés dans un article publié le 19 août 2016. Selon cette dernière, « le conjoint qui ne travaille pas et était ayant droit sous le numéro de sécurité sociale de celui qui travaille sera désormais affilié personnellement à la sécurité sociale, avec son propre numéro ».

Une mesure qualifiée d’« étape supplémentaire vers l’explosion de la cellule familiale » et qui amènerait surtout la création d’une nouvelle cotisation, jugée « injuste » pour les familles, « spécialement celles qui ont choisi d’avoir des enfants et décidé pour cela de valoriser le rôle de la mère au foyer » :

« Le conjoint ayant droit bénéficiait jusqu’à présent gratuitement de la sécurité sociale, il sera désormais soumis à une cotisation de 8 % s’il perçoit des revenus non professionnels (loyers, redevances, dividendes…) d’un montant supérieur à environ 9 650 € par an. »

Une présentation largement relayée depuis, notamment par l’association Familles de France et le site d’extrême droite Boulevard Voltaire, ce dernier dénonçant « un petit coup socialiste contre les familles ».

POURQUOI C’EST FAUX

Cette polémique découle en fait de la mise en place, au 1er janvier 2016, de la « protection universelle maladie » (PUMa), adoptée à la fin de 2015. La loi qui instaure la PUMa dit que « toute personne travaillant, ou lorsqu’elle n’exerce pas d’activité professionnelle », bénéficie de la prise en charge de ses frais de santé dès lors qu’elle réside en France « de manière stable et régulière ».

Parmi les mesures qui en découlent, certaines concernent le statut d’ayant droit, c’est-à-dire ceux qui bénéficiaient de la couverture sociale d’un parent ou d’un conjoint. Ce statut va être supprimé : une personne majeure sans activité peut, depuis le début de 2016, jouir de ses droits en tant qu’assuré en propre, sans être rattachée à un parent ou un conjoint. Les personnes majeures ayant droit d’un(e) assuré(e) avant le 31 décembre 2015 peuvent le rester jusqu’à la fin de 2019. D’ici là, seules celles qui en feront la demande changeront de situation.

Cette évolution fait que les mariages, séparations et décès n’ont plus d’incidence sur les droits des assurés(e) s sans activité. Jusqu’à la fin de 2015, un divorce contraignait ces derniers à demander la CMU de base un an après, ce qui pouvait notamment les faire changer de régime (par exemple, pour les conjoints d’agriculteurs ou commerçants). Depuis le début de l’année 2016, le conjoint sans emploi affilié à la sécurité sociale avec son propre numéro conserve ses droits sans aucune démarche en cas de séparation.

Aucune taxation supplémentaire pour les « femmes au foyer »

Quid des cotisations dans ce nouveau système ? Comme on peut le lire sur le site de la Sécurité sociale, le cas général est inchangé : une partie des revenus est prélevée directement sur la fiche de paie des personnes en activité.

L’article L380-2 du code de la sécurité sociale prévoit aussi une cotisation spécifique pour les rentiers. Soit ceux qui ont un revenu professionnel compris entre 0 et 3 861,6 euros bruts par an (10 % du plafond annuel de la sécurité sociale), mais un revenu du capital supérieur à 9 654 euros (25 % du plafond), qui peut être issu de revenus fonciers, capitaux mobiliers, bénéfices industriels et commerciaux non professionnels, etc.

Pour une personne sans activité, cette contribution représente 8 % des revenus du capital au-delà du seuil de 9 654 euros.

Selon Contribuables associés, les « femmes au foyer » qui entrent dans ce cadre vont désormais être considérées comme des rentières et donc payer cette cotisation. L’association dit s’être appuyée sur le décret n° 2016-979 du 19 juillet 2016 qui détaille les modalités de calcul de la contribution. Mais elle est allée un peu vite en besogne. Ce texte est relatif à l’article L380-2 du code de la sécurité sociale, qui prévoit lui-même que les assurés sont redevables de la cotisation annuelle lorsqu’ils remplissent deux conditions, en traitant le cas des conjoints sans ambiguïté :

  1. Avoir des revenus professionnels inférieurs au seuil prévu. Pour les personnes mariées ou pacsées, « les revenus de l’autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil » ;
  2. N’avoir perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d’allocation-chômage au cours de l’année. De même pour l’autre membre du couple en cas de Pacs ou mariage.

Le cas de figure a donc bien été prévu par la loi : une « femme au foyer » qui bénéficie de revenus du capital et dont le conjoint travaille (percevant plus de 3 861 euros brut par an) ne paiera pas de nouvelle taxe à cause de sa couverture santé. Ce que Contribuables associés a interprété comme « une attaque contre les familles » relève donc en fait d’une erreur de lecture.