Des études montrent l’efficacité du baclofène pour traiter la dépendance à l’alcool
Des études montrent l’efficacité du baclofène pour traiter la dépendance à l’alcool
Par Pascale Santi
Deux études françaises montrent que les patients prenant ce médicament réduisent leur consommation d’alcool ou s’abstiennent dans certains cas.
Le baclofène est un relaxant musculaire utilisé depuis les années 1970 pour traiter les contractures en particulier causées par des scléroses en plaques. | AFP/DAMIEN MEYER
Nouvel épisode dans la saga du Baclofène, les résultats de plusieurs études sur son efficacité dans la réduction de la consommation d’alcool et/ou le maintien de l’abstinence ont été présentés samedi 3 septembre, lors du congrès international ISBRA-ESBRA, deux sociétés européennes de recherche biomédicale sur l’alcoolisme, qui se tient à Berlin. Deux études françaises montrent la supériorité du baclofène contre placebo, surtout pour réduire la consommation d’alcool.
Menée par le professeur Michel Reynaud, professeur en addictologie à l’hôpital Paul Brousse (AP-HP), l’étude Alpadir auprès de 320 patients, dont 158 sous baclofène et 162 sous placebo a porté sur l’efficacité de la molécule, prescrite jusqu’à 180 grammes/jour. Les patients, dont la moyenne quotidienne d’alcool était de 9 verres et demi par jour (95 grammes), ont vu leur consommation réduite à 4 verres pour ceux qui ont pris du baclofène contre 5 verres pour ceux sous placebo. La baisse de consommation est plus forte pour les personnes grosses consommatrices, qui buvaient plus de 12 verres par jour.
« Ce médicament apporte un plus »
En revanche, aucune différence significative n’a été observée par rapport au placebo sur le maintien d’une abstinence totale pendant vingt semaines consécutives (11,9 % versus 10,5 %). Quant aux effets indésirables, « aucun problème de tolérance majeur n’a été observé », indique le laboratoire Ethypharm, qui a mené l’étude avec le professeur Reynaud. Quant aux effets indésirables, ils ont été plus fréquents sous baclofène. Au final, « ce médicament apporte un plus dans l’arsenal thérapeutique », souligne le professeur Reynaud.
Autre étude française présentée samedi 3 septembre, Bacloville (promue par l’AP-HP et coordonnée par le professeur Philippe Jaury, professeur de médecine générale à l’université Paris Descartes) était attendue. 60 médecins généralistes et 320 patients y ont participé sur un an, de mai 2013 à juin 2013, en double aveugle (le médecin ne sait pas ce qu’il donne, et le patient ne sait pas ce qu’il prend), avec un maximum de 300 mg/jour. 56,8 % des patients sous baclofène sont devenus abstinents ou sont parvenus à « une consommation médicalement correcte » d’alcool, indique un communiqué de l’AP-HP. Contre 36,5 % des sujets sous placebo. Un bémol, « les analyses portant sur la tolérance et l’innocuité du traitement n’ont pas encore été effectuées », indique l’AP-HP dans son communiqué. Elles devraient l’être dans les mois qui viennent. A ce sujet les résultats d’un essai sur près de 800 patients volontaires, lancé début 2016 par le CHU de Lille, sur les effets indésirables du baclofène, sont très attendus.
Deux autres essais ont été présentés lors de ce congrès. Une étude hollandaise à faibles doses et de courte durée affiche des résultats négatifs. L’étude BACLAD, conduite par le docteur Christian Müller (département de psychiatrie de l’université de médecine de Berlin), a démontré que le baclofène administré à haute dose donnait des « résultats encourageants ». L’échantillon est en revanche plus faible : 56 personnes divisées en deux groupes de 28. Pendant trois mois, un groupe a pris du Baclofène à différentes doses et l’autre, un placebo. Le médicament a permis une abstinence chez 42,9 % des personnes (soit 12 sur 28), contre 14,3 % dans le groupe placebo, selon les résultats qui avaient déjà été puliés dans la revue European Neuropsychopharmacology en 2015. Les effets indésirables ont été limités.
A l’origine, un traitement pour les spasmes musculaires
Lors de ces quatre essais cliniques, une diminution importante du « craving » (envie irrésistible de boire) a été notée chez les personnes prenant le médicament.
Médicament ancien (1974), le baclofène était initialement indiqué dans le traitement des spasmes musculaires, à des doses de 30 à 80 mg par jour. Mais pas pour guérir de l’alcool. Il a été popularisé avec le livre Le Dernier Verre, d’Olivier Ameisen (décédé en juillet 2013) et de plus en plus utilisé en France, hors autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le traitement de la dépendance à l’alcool. Addiction parmi les plus fréquentes, et qui fait le plus de dégâts sur la santé, la dépendance à l’alcool concernerait 2 millions de personnes en France et serait impliquée dans 49 000 décès par an.
Le baclofène avait été propulsé médicament phare dans le traitement de la dépendance à l’alcool notamment sur les forums de patients. Face à une forte croissance de prescriptions, -environ 100 000 personnes prendraient du baclofène - l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a encadré en mars 2014 son utilisation par une recommandation temporaire d’utilisation (RTU), pour une durée de trois ans.
Avant la fin de la RTU en mars 2017, le laboratoire Ethypharm devrait déposer un dossier de demande d’AMM pour le baclofène dans le traitement de la dépendance à l’alcool. Il attend pour ce faire les résultats complets de l’étude Bacloville, notamment sur les effets indésirables.
« Pour les associations de patients et de médecins, cette démonstration scientifique tant attendue doit dorénavant balayer les réserves antérieures sur le baclofène pour ouvrir enfin une offre de soin à la hauteur des besoins », se sont félicitées dès samedi dans un communiqué les associatons Olivier Ameisen et Baclofène.