La première greffée du visage est décédée
La première greffée du visage est décédée
Isabelle Dinoire avait bénéficié d’une opération unique au monde en 2005 destinée à lui redonner un visage après avoir été attaquée par son chien.
Isabelle Dinoire, première femme à avoir reçu une greffe du visage, en 2006. | Michel Spingler / AP
Isabelle Dinoire, la première patiente au monde greffée du visage, est morte en avril d’« une longue maladie », un peu plus de dix ans après une opération qui reste exceptionnelle et difficile à maîtriser en raison des complications, a annoncé mardi 6 septembre Le Figaro. Une information confirmée par le centre hospitalier universitaire d’Amiens, qui avait mené la procédure.
En 2005, cette première greffe de la « face », réalisée le 27 novembre en France, avait suscité des espoirs dans le monde pour les blessés : accidentés, grands brûlés, victimes d’arme à feu... Et depuis, les Etats-Unis, l’Espagne, la Chine, la Belgique, la Pologne et la Turquie se sont lancés dans cette transplantation partielle ou totale.
Malgré l’enthousiasme des débuts, les risques de rejet à court et à long terme de tissus provenant de donneur décédé constituent l’un des défis de cette chirurgie lourde et complexe.
Débat émotif
Isabelle Dinoire, défigurée par son chien, avait 38 ans lorsqu’elle a bénéficié pour la première fois d’une greffe partielle du visage (nez-lèvres-menton) réalisée par l’équipe du professeur Bernard Devauchelle, du centre hospitalier d’Amiens, en collaboration avec le professeur Jean-Michel Dubernard de Lyon.
Le professeur Maurice Mimoun, spécialiste de chirurgie reconstructrice (Paris), relevait alors l’aspect émotif du débat, notant que le visage a un « rapport avec l’âme ».
En mars 2010, une équipe espagnole réalise la première greffe totale du visage sur un homme souffrant de difformité suite à un accident, suivie en juin de la même année par l’équipe française de l’hôpital Henri-Mondor à Créteil.
« Tous les patients qu’on a opérés ont fait des rejets, ce qui conduit à augmenter les doses de médicaments et avec, les risques », relève auprès de l’Agence France-Presse le docteur Jean-Pierre Meningaud de l’équipe d’Henri-Mondor, qui a réalisé sept greffes de la face avec le professeur Laurent Lantiéri. Parmi ces patients, deux sont décédés, précise-t-il.
Conséquences lourdes
Les traitements immunosuppresseurs destinés à empêcher l’organisme du receveur de rejeter organes ou tissus greffés ont dans l’ensemble contribué aux succès des autres greffes. Mais cancers et lymphomes sont devenus plus fréquents chez les transplantés en général.
« Indépendamment des cancers, la facture est un peu lourde : on a des greffons qui vieillissent un peu plus vite que les gens, des problèmes de couleur [de peau], d’hypertension, d’humeur... », égrène le docteur Meningaud.
Le visage du greffé ne passe pas inaperçu, contrairement aux espérances du début. « Ce qui pénalise les patients ce sont les traitements anti-rejets » et « je pense qu’il faut marquer une pause sur cette greffe tant que l’immunologie n’aura pas progressé », estime-t-il.
Pour sa part, le professeur Bernard Devauchelle estimait récemment dans Le Figaro que cette greffe « marche, mais il y a des complications et des problèmes liés au traitement immunosuppresseur ». « Nous n’avons toujours pas résolu la question du rejet chronique, qui conduit la fonctionnalité du greffon à se détériorer avec le temps », admettait-il.
La chirurgie conventionnelle privilégiée
« Il y a eu une bonne trentaine de greffes de face dans le monde. En dix ans, si c’était vraiment fabuleux, on en aurait 500 », lance le docteur Meningaud qui pointe aussi que « depuis, la chirurgie conventionnelle réparatrice a progressé ».
Selon le professeur Olivier Bastien, directeur du prélèvement de la greffe d’organes et des tissus de l’agence de la biomédecine, « il y a eu dix greffes partielles ou plus complètes du visage en France et huit des receveurs sont encore vivants ».
Les difficultés subsistent dans ce type de greffes. Pour les patients, jeunes pour la plupart, « on n’a pas assez de recul ». « On n’est pas encore sorti de la phase de recherche », ajoute-t-il.