Vers une suppression des hydrofluorocarbones, puissants gaz à effet de serre
Vers une suppression des hydrofluorocarbones, puissants gaz à effet de serre
Par Clémentine Thiberge
Initié en 1987 pour réparer la couche d’ozone, le protocole de Montréal a fait la preuve de son efficacité. Il devrait étendre son champ d’application sur certains gaz à effet de serre.
La suppression des hydrofluorocarbones (HFC) permettrait d’éviter un rejet de 1,7 gigatonne d’équivalent CO2 d’ici à 2030. | PATRIK STOLLARZ/AFP
Dans la longue liste des manifestations organisées par l’ONU, la Journée internationale de l’ozone, célébrée vendredi 16 septembre, n’a pas suscité un fort écho médiatique. Elle marque pourtant la date anniversaire d’un traité considéré comme l’un des plus réussis dans l’histoire des Nations unies, le protocole de Montréal.
Adopté en 1987 par la communauté internationale, ce traité a abouti, entre autres, à la suppression définitive des chlorofluorocarbures (CFC), principaux responsables de la destruction de la couche d’ozone. Les CFC font également partie des gaz à effet de serre qui contribuent au réchauffement climatique. Grâce aux efforts consentis depuis cette date, le trou dans la couche d’ozone a diminué d’une superficie équivalente à celle de l’Inde.
Ce 29e anniversaire célébré sans tambour ni trompette précède un autre rendez-vous qui devrait mettre en avant les avancées des Etats parties du protocole. Du 7 au 14 octobre se déroulera à Kigali (Rwanda) un sommet des nations signataires. La réunion pourrait donner lieu à une nouvelle avancée dans la lutte contre les gaz à effet de serre.
Un gaz 14 000 fois plus puissant que le CO2
Les 197 parties du protocole envisagent, en effet, d’adopter un amendement sur la suppression progressive des hydrofluorocarbones (HFC). Utilisés depuis les années 1990 comme produit de substitution aux CFC, ces gaz à effet de serre sont employés principalement comme gaz réfrigérants et agents propulseurs dans les aérosols. Selon une étude de l’université de Berkeley, leurs émissions, 14 000 fois plus puissantes que le CO2, progressent à un rythme de 10 à 15 %.
« Les différents parties du protocole de Montréal ont commencé à discuter sérieusement du problème des HFC depuis 2015 », explique Maxime Beaugrand, expert juridique pour l’Institut pour la gouvernance et le développement durable (IGSD), un think tank basé à Washington. Avant 2015, les nations signataires du protocole de Montréal, initialement destiné à protéger la couche d’ozone, estimaient que les HFC ne faisaient pas partie de leur domaine d’application. « Mais le problème des HFC a été créé par le protocole. Quand ce dernier a interdit les CFC, les HFC les ont remplacés, ce qui en fait une conséquence directe de leur rapport. » Pour Maxime Beaugrand, le meilleur moyen de venir à bout des HFC est donc de passer par le protocole de Montréal qui « rencontre un grand succès et fonctionne très bien. »
Selon une étude publiée l’an dernier par l’IGSD, inclure les HFC dans le protocole de Montréal permettrait d’éviter un rejet de 1,7 gigatonne d’équivalent CO2 d’ici à 2030 – ce qui représente l’équivalent des émissions annuelles du Japon. A plus long terme, la réduction cumulée des émissions mondiales pourrait éviter jusqu’à 0,5 °C de réchauffement à l’échelle mondiale d’ici à 2100 et ainsi permettre de réaliser un quart de l’objectif 2 °C fixé par l’accord de Paris sur le climat.
Une exception pour les pays chauds
Dans un communiqué diffusé le 16 septembre, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a insisté lui aussi sur l’urgence d’une réglementation relative à ces gaz. « Le travail effectué pour le protocole de Montréal n’est pas encore terminé, nous devons obtenir une nouvelle victoire avec un accord sur les HFC. En cette Journée internationale de la couche d’ozone, faisons en sorte de protéger notre climat de la même manière que nous avons protégé la couche d’ozone. »
SG de l’ONU demande des mesures décisives pour les #HFC dans le cadre du #ProtocoleMontréal https://t.co/S3H0ZCGmrH https://t.co/eanHbEoJwd
— UNEPfr (@ONU Environnement)
Cet amendement, s’il est retenu lors du sommet de Kigali, devra tenir compte des inquiétudes des pays situés dans les régions les plus chaudes de la planète – principalement les pays du Golfe – qui dépendent énormément des systèmes de climatisation. Selon Maxime Beaugrand, « il est prévu d’accorder des exceptions à ces pays pour certains secteurs ».
Mais l’experte juridique est confiante sur le succès du rendez-vous d’octobre. « Certains dirigeants font pression pour voter l’amendement rapidement. Barack Obama, par exemple, qui a fait des HFC un de ses chevaux de bataille sur l’environnement, tient absolument à arriver à un accord avant la fin de son mandat. » Pour la juriste de l’IGSD, le consensus progresse : « Les HFC sont le fruit mûr des négociations climatiques, il est temps de le cueillir et de décider de leur élimination le mois prochain à Kigali. »