Guy Mamou-Mani, président du Syntec numérique, le syndicat professionnel des entreprises numériques. | Christophe RABINOVICI

Que représentent les entreprises numériques sur le marché de l’emploi ?

L’industrie numérique représente 700 000 emplois, dont 415 000 salariés dans le secteur des logiciels et services : 93,7 % sont en CDI. Nous avons besoin de profils bac + 5 mais pas seulement. L’avènement du numérique a permis d’élargir notre secteur à d’autres profils et à d’autres besoins.

Quelle formation choisir quand on souhaite se reconvertir dans le numérique ?

Il existe plusieurs solutions : d’un côté les masters spécialisés, accessibles sur dossier aux élèves issus de master 1, quel que soit leur domaine. Souvent les inscrits ont fait des études de mécanique, de statistique… Mais pas seulement. Le master 2 « MiMo » (métiers informatiques et maîtrise d’ouvrage) de la Sorbonne s’adresse spécifiquement aux étudiants issus de sciences humaines. On peut également s’orienter vers les nouvelles formations labellisées « Grande école du numérique » par le gouvernement, comme Simplon.co, Webforce 3, 3W Academy. Elles permettent de se convertir au Web en quelques mois.

Enfin certaines entreprises s’occupent directement de la formation de leurs candidats. C’est un peu ce qui s’est passé avec l’école 42, lancée par Xavier Niel [fondateur de Free et actionnaire à titre personnel du Monde] pour fournir des développeurs à Free. Le besoin est tel que les entreprises sont obligées de créer leur propre école.

Quelle est la place des femmes dans le numérique ?

Aujourd’hui il n’y a que 10 % à 15 % de femmes chez les développeurs. C’est un gâchis ! A la fois pour la branche, pour la compétitivité française et pour ces femmes qui sont au chômage. Il n’y aucune raison que les femmes soient moins représentées dans ce secteur : en Indonésie ou en Inde par exemple, ce sont des métiers plutôt féminins.

En France, le milieu manque de modèles féminins. Comment voulez-vous que les jeunes filles s’identifient si on ne voit jamais de femmes dans les conférences et grands événements du numérique ? Voilà pourquoi nous avons créé Pasc@line, le réseau « femmes du numérique », les trophées Excellencia et le collectif #Jamais sans elles, dont les signataires refusent de participer à des tables rondes où aucune femme n’est invitée.

Des parents qui diraient « tu seras codeur ma fille », ça n’existe pas encore. Je milite pour qu’on force un peu l’orientation. On dit aux jeunes qu’on peut faire ce qu’on veut dans la vie et on se retrouve avec des millions de chômeurs… Il vaudrait mieux les pousser à privilégier un secteur en croissance. Plus nous formerons de personnes au numérique, plus nous contribuerons à la compétitivité des entreprises et donc à la création de nouveaux emplois.

Pourquoi le numérique manque-t-il de candidats ?

Des petites start-up aux grands groupes comme Capgemini, tout le monde a du mal à recruter des développeurs compétents. En même temps, le secteur informatique compte 40 000 chômeurs… C’est tout le paradoxe. Il y a un réel problème d’adéquation entre les besoins des entreprises et la formation. La profession souffre aussi d’un déficit d’image. On imagine le développeur comme un solitaire travaillant jour et nuit derrière son écran. C’est faux : il s’agit d’un métier qui comporte du travail en équipe, de la relation client.

La communauté éducative a aussi sa part de responsabilité : parents, professeurs et conseillers d’orientation connaissent mal ces métiers et n’y orientent pas les jeunes. Heureusement, de nombreux progrès ont été faits ces dernières années.