Tous les Corses « sont des joueurs de cartes invétérés et aiment les jeux d’argent », écrivait Maximilien Bigot dans une étude ethnologique parue en 1887. Pendant la partie, « chaque joueur garde une arme à portée de main, pistolet ou poignard, bien en vue afin d’inciter chacun à respecter scrupuleusement les règles du jeu », ajoutait ce juge de paix.

Cent trente ans plus tard, les Corses sont toujours joueurs. C’est ce que montre chiffres et cartes à l’appui, la première étude des pratiques de jeux d’argent et de hasard publiée mardi 20 septembre par l’Observatoire des jeux, une structure qui dépend du ministère de l’économie et des finances.

infographie : Le Monde

Selon ce document, les Corses sont les champions français en matière de jeux d’argent. En 2014, ils ont misé en moyenne 963 euros par habitant sur les paris sportifs, le Loto, l’Amigo, le poker, etc., sans même compter les sommes dépensées au casino. Un record absolu. C’est deux fois plus que la moyenne nationale (494 euros par personne), et 3,5 fois plus que ce que misent les habitants de la Creuse (275 euros), lanterne rouge en la matière.

L’engouement des Corses pour les paris sportifs est particulièrement spectaculaire. Là aussi, les fans du SC Bastia et de l’AC Ajaccio mènent le match, avec une mise moyenne de 219 euros par habitant et par an, contre seulement… 19 euros en Lozère.

Des habitudes très hétérogènes

Au-delà du cas corse, l’étude dessine une carte de France marquée par des habitudes très hétérogènes. « Il existe une certaine disparité essentiellement due à quelques départements caractérisés par une pratique plus intensive des jeux d’argent : départements urbanisés, grandes métropoles (Paris, Lyon, Marseille), départements du Sud et la Corse », soulignent les auteurs de l’analyse, Jean-Michel Costes et Vincent Eroukmanoff.

Pour l’ensemble des jeux, les cartes montrent une certaine opposition entre une partie ouest du pays, assez peu joueuse, et une partie est qui l’est davantage. Ce découpage global doit toutefois être affiné en fonction du type de jeux. Pour les jeux de loterie, comme le Loto, les écarts se révèlent relativement faibles. A l’exception de l’Amigo, dont les clients se concentrent sur la région parisienne, il s’agit en effet de « jeux populaires, massivement pratiqués par les Français, et facilement accessibles », souligne le document.

La carte des pratiques de machines à sous retrace, elle, sans surprise celle des lieux d’implantation des casinos : une France des départements côtiers et de certains départements ayant une activité thermale. Les cartographies des paris hippiques et sportifs sont assez identiques, proches de celle relative à l’ensemble des jeux mettant en avant l’Ile-de-France, la Côte d’Azur et la Corse, auxquels s’ajoutent les DOM et le Calvados pour le turf. Enfin, la carte relative au poker est « proche de celle du jeu en ligne, compte tenu de la primauté du vecteur Internet comme support à la pratique de ce jeu », et correspond à une France urbaine, note l’étude.

Reste à expliquer ces disparités, à analyser leur soubassement culturel, social, économique. Ce sera sans doute l’objet d’un autre décryptage de l’Observatoire des jeux.