Algues vertes : le corps du joggeur mort sur le littoral breton va être autopsié
Algues vertes : le corps du joggeur mort sur le littoral breton va être autopsié
Par Martine Valo
L’homme a été retrouvé sans vie, le 8 septembre, alors qu’il était parti courir le long de la baie de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor).
En Bretagne, huit baies sont concernées par le plan de lutte contre les algues vertes lancé par le gouvernement. | AFP/FRED TANNEAU
L’homme brusquement mort alors qu’il faisait son jogging sur le littoral d’Hillion, le 8 septembre, dans les Côtes-d’Armor, a-t-il été intoxiqué par de l’hydrogène sulfuré (H2S), un gaz dégagé par des algues vertes en décomposition ?
La question semble cette fois en mesure de recevoir une réponse, car le parquet de Saint-Brieuc a ordonné, jeudi 22 septembre, l’exhumation du corps du quinquagénaire, dont les funérailles ont déjà eu lieu. La justice devrait faire procéder à une autopsie et à des « analyses toxicologiques et anatomopathologiques », a annoncé le procureur Bertrand Leclerc dans un communiqué.
Cette initiative suit l’audition d’un pompier, qui avait précisé avoir trouvé la victime allongée face contre terre et non envasée jusqu’à la taille comme cela avait été annoncé précédemment. Elle survient aussi après l’intervention d’un collectif réunissant plusieurs associations.
« Incompréhension »
Dans un premier temps, les deux principales, Halte aux marées vertes et Sauvegarde du Trégor, avaient écrit au tribunal de grande instance de Saint-Brieuc pour exprimer leur « incompréhension » face à l’absence d’enquête sur les causes précises de la mort du joggeur, alors qu’à l’été 2011 les cadavres de trente-six sangliers avaient été ramassés exactement au même endroit : dans l’estuaire de la rivière du Gouessant, où des algues vertes stagnent, recouvertes par du sable au gré des marées.
Depuis 2010, les présidents de ces deux associations, André Ollivro et Yves-Marie Le Lay, ont adressé à plusieurs reprises des courriers aux préfets des Côtes-d’Armor et de Bretagne, pour souligner la toxicité du H2S. Ils n’ont cessé de dénoncer la dangerosité des algues vertes pourrissant sur un littoral parfois inaccessible aux conducteurs des engins chargés de les ramasser lorsqu’elles sont fraîchement déposées par la mer.
Les deux hommes ont effectué régulièrement des mesures sur les côtes de ce coin de la région et ont eu recours à des huissiers pour attester de leurs constats alarmants. Arguant de toutes ces alertes restées sans réponse, ils ont annoncé leur intention de déposer plainte « pour mise en danger délibérée de la vie d’autrui contre ces représentants de l’Etat », au tribunal de Saint-Brieuc, vendredi 23 septembre à 14 heures.
Un problème de santé publique
Les réactions se multiplient face à un phénomène qui pourrait devenir un sérieux problème de santé publique. L’association Eau et rivières de Bretagne a écrit mercredi à Marisol Touraine, la ministre de la santé, et à son homologue de l’environnement, Ségolène Royal, pour faire part des « inquiétudes de la population quant à l’impact sanitaire des échouages d’ulves sur le littoral breton », en particulier dans les vasières. Et pour demander au gouvernement de saisir à nouveau l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) à ce sujet.
L’association a relu les avis précédemment formulés par l’Anses. En 2010, ses experts soulignaient que dans les zones peu accessibles « des dépôts algaux peuvent subsister (…) parfois pendant toute la saison de prolifération ».
« Des recherches mériteraient d’être conduites afin de caractériser la présence et les risques des molécules peu ou pas volatiles produites lors de la biodégradation des ulves », écrivaient-ils. Avant de renouveler leurs recommandations en 2011, après la mort des sangliers, mettant encore une fois en avant la question « des fonds d’estuaires et des lits de certaines rivières ».
Odeur d’œuf pourri
Selon l’Anses, le sulfure d’hydrogène est un gaz « très toxique », « un irritant des voies respiratoires et un neurotoxique par asphyxie ». Les experts précisent que « son odeur caractéristique d’œuf pourri se détecte dès 0,2 à 0,3 partie par million (ppm), soit 0,28 à 0,42 milligramme par mètre cube ; elle est nette pour 20 à 30 ppm (28 à 42 mg/m3), mais vers 100 ppm (140 mg/m3) l’odorat est anesthésié. » Des cas d’œdème pulmonaire lésionnel peuvent survenir dès que l’exposition atteint 250 ppm, soit 350 mg/m3.
Impossible donc de compter sur les relents nauséabonds des algues pourrissantes pour éloigner tout être vivant. Plusieurs accidents se sont déjà produits sur les côtes bretonnes, notamment la mort d’un cheval à Saint-Michel-en-Grève, sur une autre plage des Côtes-d’Armor régulièrement recouverte par des marées vertes.
La question est sensible dans la région. Ces phénomènes sont générés par l’excès d’engrais azotés d’origine animale comme chimique. Par ruissellement, ils se retrouvent dans les rivières puis dans les eaux côtières où ils stimulent la production d’ulves et leur prolifération dans les baies peu profondes. La Bretagne, spécialisée dans l’élevage intensif, ne parvient pas à surmonter ses problèmes tenaces d’épandage de lisier et autres déjections animales dans les champs.