L’humour, une arme universelle
L’humour, une arme universelle
Par Sandrine Blanchard
Des humoristes qui ont grandi dans la culture musulmane témoignent de leur combat par le rire.
CAPTURE D'ÉCRAN ARTE.FR
Peut-on encore rire de tout ? Cette question de la liberté d’expression, qui a surgi au lendemain de l’attentat de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, Frank Eggers, Faruk Hosseini et Sabine Jainski sont allés la poser à des humoristes, des dessinateurs, des blogueurs que ce soit en France, en Allemagne, en Turquie ou en Tunisie. Tous ces témoins ont grandi dans la culture musulmane et tentent, à leur manière, au prix parfois de pressions et de menaces, de désamorcer la propagande djihadiste, de combattre les amalgames et les régimes autoritaires.
« Quand nous rions, ils perdent », résume Bassem Youssef, qui a trouvé « refuge » sur YouTube depuis que son émission satirique, El-Bernameg, a été interdite en Egypte. « L’humour rapproche les gens, les amène à surveiller la vie politique, voilà pourquoi il est très important », insiste cet ancien médecin devenu l’une des figures humoristiques les plus influentes du monde arabe.
Vecteur de réflexion, l’humour peut contribuer à nous bousculer dans nos certitudes, à mettre à mal les clichés, à changer notre regard sur le monde et la société. Par la satire, l’ironie, la dérision et la caricature, il fait à sa manière le récit des tensions sociales, culturelles, politiques qui traversent le monde.
Désamorcer les peurs
Mais entre appareil d’Etat et fondamentalistes religieux, il faut beaucoup de courage pour rire des sujets qui fâchent et s’attaquer au tabou de la religion. L’humour a la vie dure en Turquie, témoigne Aydin Engin, journaliste au quotidien Cumhuriyet dont des confrères ont été condamnés à la suite de la publication des caricatures de Mahomet. En danger permanent, l’équipe irakienne de l’émission « Albasheer Show » continue son travail en postant des sketchs sur YouTube depuis la Jordanie.
En France, des artistes utilisent l’humour pour remettre en cause les préjugés islamophobes. Samia Orosemane, qui porte le foulard sur scène, où Kheiron, stand-upper d’origine iranienne, font du rire une arme pour désamorcer les peurs.
Si le temps passé avec les différents témoins apparaît à chaque fois trop succinct, si ce « voyage » parmi ceux qui se battent pour la liberté d’expression file trop vite, ce documentaire a le mérite de révéler des visages importants qui, dans une époque anxiogène, nous aident à prendre du recul et à rire plutôt que de pleurer.
Humoristes et musulmans, de Frank Eggers (All., 2015, 52 min). Mercredi 28, à 22 h 25 sur Arte.