Gabon : Ali Bongo Ondimba échoue à constituer un gouvernement d’ouverture
Gabon : Ali Bongo Ondimba échoue à constituer un gouvernement d’ouverture
Par Christophe Châtelot
Malgré la promesse du président réélu après un scrutin probablement entaché de fraudes, aucune figure de l’opposition n’a été nommée au gouvernement.
Le nouveau premier ministre gabonais Emmanuel Issoze Ngondet à Libreville, le 29 septembre 2016. | STEVE JORDAN / AFP
Réélu au terme d’un scrutin controversé et marqué par des émeutes, le président gabonais Ali Bongo Ondimba avait promis, lors de son investiture, un gouvernement « de large ouverture » pour lancer son deuxième septennat. Finalement, l’équipe présentée dimanche 2 octobre par le nouveau premier ministre, Emmanuel Issoze Ngondet, est marquée par l’absence de toute figure de l’opposition que Jean Ping, candidat malheureux à la présidentielle, avait rassemblée derrière lui.
Seuls quelques acteurs mineurs de l’opposition ont sauté le pas. C’est le cas de Bruno Ben Moubamba, arrivé troisième lors du vote du 27 août, avec un score négligeable (0,59 %), qui a décroché le poste de vice-premier ministre et ministre de l’urbanisation. Estelle Ondo, vice-présidente d’un des principaux partis d’opposition, l’Union nationale, devient quant à elle ministre de l’économie forestière, de la pêche et de l’environnement.
Observateurs européens espionnés par le pouvoir
Ali Bongo Ondimba a été déclaré vainqueur avec quelques milliers de voix d’avance, à l’issue d’un scrutin très probablement entaché de fraudes. « Un coup d’état militaro-électoral », résume Jean Ping. Sans aller aussi loin, la mission d’observation de l’Union européenne déployée au Gabon avait relevé de « graves anomalies » lors de l’annonce des résultats du scrutin. Une prise de position critique que connaissaient les autorités gabonaises avant même qu’elle ne soit rendue publique, si l’on en croit les révélations publiées dans la dernière édition du Journal du dimanche. Le journal, citant des propos très détaillés, affirme en effet que les services de renseignement gabonais avaient placé les observateurs sur écoute. Cet article n’est qu’un « contre-feu » et même « de l’enfumage pour maquiller l’implication de certains observateurs en faveur de l’opposition et le jeu trouble de certains diplomates », a répondu le porte-parole du gouvernement gabonais, Alain-Claude Bilie-By-Nzé, sans nier le fond de l’affaire.
L’annonce des résultats avait été suivie par 48 heures de manifestations, violemment réprimées qui s’étaient soldées par la mort de plusieurs personnes (trois selon le gouvernement, des dizaines d’après l’opposition) et des centaines d’arrestations. Un mois plus tard, environ 70 personnes sont toujours en détention, dont l’ex-député Bertrand Zibi Abeghe, qui avait démissionné en provoquant publiquement Ali Bongo pendant un rassemblement organisé par ce dernier fin juillet et l’ex-patron du renseignement, Léon-Paul Ngoulakia, cousin du président passé à l’opposition, mis en examen pour « incitation à la révolte ».
Des membres en nombre du PDG de Bongo
Dans l’entourage proche du président, le secrétaire général de la présidence, Etienne Massard Kabinda Makaga, conserve son poste tout en récupérant le portefeuille de la défense nationale, qu’Ali Bongo Ondimba a occupé pendant dix ans avant de succéder à son père en 2009. D’autres hommes clés restent au gouvernement comme le porte-parole du gouvernement et ministre de la communication Alain-Claude Bilie-By-Nzé, reconduit à son poste et qui se voit adjoindre l’économie numérique, la culture et les arts. Ou encore l’ancien ministre de l’intérieur Pacôme Moubelet Boubeya, nommé aux affaires étrangères. Au bout du compte la plupart des quarante membres du gouvernement sont issus des rangs du Parti démocratique gabonais (PDG), l’ex-parti unique gabonais dirigé pendant plus de quarante ans par « le président fondateur » (et père d’Ali), Omar Bongo Ondimba. « C’est donc cela l’ouverture ? La montagne a visiblement accouché d’une souris (…) Ils ont juste récupéré les crève-la-faim », se moque le directeur de communication de Jean Ping, Jean-Gaspard Ntoutoume Ayi.
Le nouveau chef du gouvernement aura donc la lourde charge - outre la relance d’une économie ébranlée par la chute des cours du pétrole - de pacifier un paysage politique en ruines. Il devra pour cela faire appel à tous ses talents de diplomates, domaine dans lequel il a effectué l’essentiel de sa carrière. Né il y a 55 ans, Emmanuel Issoze Ngondet fut en effet ambassadeur en Corée du Sud avant de partir pour le siège de l’Union africaine à Addis Abeba, puis devenir le représentant du Gabon auprès des Nations unies. Jusqu’à sa dernière nomination, il occupait le poste de ministre des affaires étrangères.